Et pourtant, tout était pensé pour diviser le mouvement, ramener les intermittentEs à la raison (gouvernementale), et faire oublier la responsabilité de Valls et Hollande dans le très justifié sentiment d’impunité qui anime le Medef.
La venue de la ministre de la Culture au festival s’inscrivait dans ce projet : prouver que la situation était pacifiée. Peine perdue. Les intermittentEs et les précaires ont fait savoir, dès son arrivée, qu’ils ne la rencontreraient pas. Échec de l’opération de communication : aucune photo n’immortalisera le « sens du dialogue » du gouvernement. En revanche, de nombreuses autres exposeront la colère et la détermination des intermittentEs et des précaires. Ainsi, dès sa première sortie, Filippetti a dû s’enfuir précipitamment du village du festival Off sur fond de « Dehors, dehors les enfumeurs ! ».
Par la suite, ce n’est que grâce à une très importante protection policière que la ministre a pu se déplacer et accomplir quelques rencontres, retranchées et en catimini. Sa seule conférence de presse a duré 5 minutes, en bas d’un escalier, journalistes debout ! Et, de mémoire du festival, jamais unE ministre n’était descendu de Paris à Avignon pour ne pouvoir assister à aucun spectacle... Car Filippetti n’a, en effet, pas jugé souhaitable de vérifier en direct si le mot d’ordre « Tant qu’un membre du gouvernement sera dans la salle, nous ne jouerons pas » [1] était respecté… Quelques signaux envoyés l’ont prudemment convaincu d’opter, plutôt, pour une soirée resto.
Les intermittentEs et précaires n’ont cessé, deux jours durant, de multiplier actions et manifestations, jusqu’à un bal populaire militant, place du Palais-des-Papes. La reprise en main gouvernementale a ainsi viré au désastre et rappelé combien ce pouvoir est désormais partout impopulaire.
Jeu de dupes
Au même moment, le jeudi 17 juillet, se réunissait la 3e table ronde de la concertation initiée en catastrophe en juin par Manuel Valls. La présence autour de la table de la CGT, mais aussi celles de la Coordination des intermittents et des précaires (CIP) et de Recours radiation (contestés par le Medef, la CFDT ou FO), permettent à chaque rendez-vous de faire entendre les exigences de la mobilisation : refus d’une sortie de l’interpro, prise en compte des propositions du « comité de suivi », contestation du principe des « droits rechargeables », critiques de la gestion de l’Unedic… Mais il n’y a pas à se leurrer, ainsi que le souligne Samuel Churin (CIP Idf) : « notre poids a beau être réel sur le terrain, il est minime à l’intérieur puisque nous ne sommes pas décisionnaire ». Dès lors, concertation et négociation apparaissent bien comme un jeu de dupes. Seule la poursuite et l’amplification de la mobilisation sont à même de faire valoir les intérêts des intermittentEs et des précaires. Une quatrième rencontre, la dernière avant que ne s’ouvrent à la rentrée les « négociations », aura lieu ce jeudi 24 juillet. Ce même jour a été désigné par la coordination nationale comme journée nationale d’actions.
Au printemps, le gouvernement avait décidé de jouer la communication, la division et l’usure. La liste des AG et des actions qui se tiennent au quotidien, partout en France, dans les festivals et ailleurs, témoigne de la profondeur, de l’unité, de l’inventivité et de la durée de ce mouvement qui exige toujours l’abrogation de l’accord Unedic du 22 mars.
Ainsi, l’été se poursuit, rythmé par l’agenda militant et offensif que se sont créé les intermittentEs et les précaires, avec en ligne de mire septembre et la rentrée. Une rentrée sociale singulière puisqu’elle n’aura été précédée d’aucunes vacances des luttes…
Olivier Neveux