A chaque mois qui passe, un nouveau record d’émissions de gaz à effets de serre et d’augmentation de la temprature mondiale est battu. Pourtant les négociations climat de l’ONU nous mènent dans l’impasse. ONG, mouvements sociaux et syndicats en ont assez des paroles non suivies d’effets, et certains appellent à passez à l’action directe non-violente pour la justice climatique.
Le mois de juin 2014 a été le plus chaud dans le monde jamais enregistré, selon l’Agence américaine océanique et atmosphérique (NOAA), devenant le 352e mois d’affilée pour lequel la température de la planète a été au-dessus de la moyenne de celle du XXe siècle. Il fait suite à un mois de mai qui avait battu les mêmes records. Des records de température qui font suite à des records d’émissions de gaz à effets de serre, les concentrations de CO2 dans l’atmosphère ayant pour la première fois dépassé la barre des 400 parts par millions (unité de mesure de la concentration) depuis 3 millions d’années, durant deux jours en 2013, et sur des moyennes mensuelles en 2014 [Voir article ci-dessous]. Pourtant rien ne change.
C’est en raison de l’inertie des négociations climat [1] et de l’emprise toujours plus grande du secteur privé [2] sur ces négociations, que le gouvernement du Venezuela, pays membre de l’ALBA, mais aussi de l’OPEP, a décidé d’ouvrir un espace de dialogue [3] entre ONG, syndicats, mouvements sociaux et gouvernements pour tenter de faire bouger les négociations et porter au sein de celles-ci un autre son de cloche. Quelle que soit l’appréciation que l’on puisse avoir du Venezuela, et de la capacité de cette initiative à influer sur les négociations, c’est la seule initiative d’un Etat engagé dans les négociations qui ouvre un tel espace international de dialogue avec les ONG, syndicats et mouvements sociaux. De son côté, le gouvernement français ne sait rien dire d’autre à la société civile que de lui demander de soutenir son action et ses positions qui sont pourtant inacceptables. Lors d’une première réunion au Venezuela en juillet, une déclaration intitulée « changez le système, pas le climat », a été adoptée. Disponible en anglais [4] et en espagnol [5] (et bientôt en français), cette déclaration liste une soixantaine de points de ce qui pourrait être une feuille de route pour de véritables politiques de transition et de transformation sociale et écologique face au dérèglement climatique.
Ce n’est pas la première déclaration à établir un tel constat. La déclaration du Klimaforum [6] - forum de la société civile - en 2009 à Copenhague et celle du Sommet des peuples de Cochabamba [7] le faisaient déjà. Difficile d’imaginer qu’il suffira d’une nouvelle déclaration pour changer la donne, ce d’autant plus que les gouvernements multiplient également les déclarations de plus ou moins bonnes intentions, mais sans que cela ne soit jamais suivi d’effets. Au contraire, les gouvernements continuent d’encourager, de soutenir et de financer le développement des énergies fossiles, y compris à travers les politiques commerciales et d’investissement (voir dans le cas de TAFTA [8]), sans mettre en œuvre de véritables politiques de transitions énergétiques [9]. Pour reprendre les termes de l’excellent petit ouvrage de Naomi Oreskes et Erik Conway [10], l’emprise du « complexe de la combustion carbone » et du « fondamentalisme de marché » sur les gouvernements et institutions internationales engendre l’inaction climatique.

Pour démanteler ce « complexe de la combustion carbone » et faire refluer l’emprise de ce « fondamentalisme de marché », il apparaît de plus en plus clairement qu’il faudra plus que quelques déclarations et bonnes intentions. Y compris que quelques coups d’éclat. En novembre 2013, une grande part des ONG, syndicats et mouvements sociaux ont décidé de quitter les négociations climatiques à Varsovie [11], sous le slogan « Assez de paroles, des actes », « les pollueurs parlent, nous marchons », « écoutez les peuples, pas les pollueurs ». Six mois plus tard, alors que la situation a empiré, les ONG sont revenues dans les négociations [12], appelant les gouvernements à agir « dans notre intérêt ou se mettre de côté ». Les négociations climat ont donc repris comme si de rien n’était. Comme si les ouragans Sandy (Cuba–Etats-Unis) et Haiyan (Philippines) n’étaient plus que de lointains souvenirs. Comme si les vives critiques pouvaient se dissiper alors que rien n’a été fait pour remédier à l’emprise des intérêts des entreprises les plus polluantes sur les négociations.
Le 23 septembre prochain, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, organise un sommet pour le climat, dont l’agenda consiste principalement à promouvoir les solutions que le secteur privé est prêt à mettre en œuvre, soit des solutions qui ne sont pas en mesure de répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés. A l’initiative de Avaaz et 350.org, une manifestation est organisée le 21 septembre à New York, qui se veut la plus grande marche de l’histoire pour le climat, appelant de nouveau les gouvernements à passer à l’action. Des forums alternatifs sont également prévus, avec une convergence pour le climat qui est organisée les 19 et 20 Septembre et un Sommet des peuples qui se tiendra les 22 et 23 Septembre.
Ce sommet des peuples s’inscrit justement dans une semaine internationale d’action (17-24 sept) à l’initiative du réseau américain Climate Justice Alliance [13], qui appelle à « passez à l’action directe non violente pour la justice climatique » [14]. Il s’agit de ne plus se contenter de déclarations de bonnes intentions et de ne pas attendre des gouvernements qu’ils agissent. L’appel suit deux axes. Le premier consiste à considérer que les solutions sont celles qui sont déjà mises en œuvre par les populations qui agissent sur le terrain, et que la seule bonne décision que pourrait prendre les gouvernements et les décideurs seraient de les « soutenir dans la construction des voies pour une transition juste qui s’écartent de l’économie dévastatrice qui »creuse, brûle et jette« , pour se tourner vers des économies locales et vivantes prises en charge par les populations et les travailleurs ! ». On retrouve ici une démarche proche de celle d’Alternatiba [15].
Un second axe vient compléter cette approche. Il s’agit de « passer à l’action directe non-violente » pour « stopper les pollutions et la pauvreté à la source, en affrontant les entreprises productrices d’énergies extrêmes qui provoquent la crise climatique ». Sont nommées « les entreprises minières, de pétrole, de charbon et de gaz ; les raffineries et les pipelines ; les plantations d’agrocarburants ; les centrales nucléaires ; les déchets et les incinérateurs de biomasse, etc ». Cet appel suggère de pointer les responsabilités et de nommer les acteurs qui font partie du problème, plutôt que d’entretenir le mythe d’une communauté d’intérêt face aux dérèglements climatiques. Le secteur de l’énergie fossile, devenue une « industrie voyou » (rogue industry) étant incapable de se transformer, devient l’adversaire de la lutte contre les dérèglements climatiques et de la transition écologique et sociale. Au moment où EDF vient d’annoncer vouloir importer des gaz de schiste des Etats-Unis, à quand des mouvements massifs d’action directe et de désobéissance civile en France ?
Maxime Combes, 25 juillet 2014
Climat : concentration record de CO2 dans l’hémisphère nord
Le taux de CO2 dans l’air est au plus haut depuis plus de 2,5 millions d’années.
Le seuil de 400 parties par million (ppm) de dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique a été dépassé pour la première fois au mois d’avril dans l’hémisphère nord a annoncé, lundi 26 mai, l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Cette concentration est considérée comme « hautement symbolique sur le plan scientifique » selon l’OMM, car elle démontre que l’objectif fixé par la communauté internationale de limiter, à l’horizon de la fin du siècle, le réchauffement à deux degrés au-dessus du niveau préindustriel est intenable.
« Le franchissement des 400 ppm démontre une fois de plus que l’exploitation de combustibles fossiles est responsable, ainsi que d’autres activités humaines, de l’augmentation continue des concentrations de gaz à effet de serre qui réchauffent notre planète », a précisé l’agence des Nations unies basée à Genève. « Si nous voulons préserver la planète pour les générations futures, il nous faut agir d’urgence pour réduire les émissions de ces gaz qui piègent la chaleur », a déclaré Michel Jarraud, secrétaire général de l’OMM, pour qui « le temps presse ».
DURÉE DE VIE PLUS LONGUE DANS LES OCÉANS
Le CO2 persiste dans l’atmosphère pendant des centaines d’années, et sa durée de vie dans les océans est encore plus longue. En 2012, la teneur de l’atmosphère en CO2 avait atteint 393,1 ppm. Depuis, toutes les stations de surveillance implantées dans l’Arctique ont relevé au printemps des concentrations de 400 ppm, en moyenne mensuelle, d’après les données reçues des stations situées au Canada aux Etats-Unis, en Norvège et en Finlande.
On constate cette tendance à de plus faibles latitudes (Allemagne, Cap-Vert, Espagne, notamment). En avril 2014, la teneur de l’atmosphère en dioxyde de carbone a dépassé 401,3 ppm à Mauna Loa (Hawaï) – station atmosphérique la plus ancienne du monde, créée en 1958 – alors qu’en 2013 ce cap n’avait été franchi que durant deux jours.
Pour retrouver de tels niveaux de gaz carbonique, il faut remonter à l’ère du pliocène, il y a 2,6 à 5,3 millions d’années.
* Le Monde.fr avec AFP | 26.05.2014 à 17h59 • Mis à jour le 26.05.2014 à 18h00