Le 7 novembre 1917, en Russie , la poursuite de la guerre aboutit à la chute du régime honni des tsars. Des conseils ouvriers dirigés par une force politique nouvelle, le Parti communiste, prennent le pouvoir, dans des conditions très difficiles.
C’est un événement inouï pour l’époque, qui bouleverse les équilibres internes au mouvement ouvrier international en plein développement. L’existence d’un État issu de cette révolution, l’URSS, sera le facteur décisif de la politique mondiale durant la majeure partie du siècle – jusqu’à sa disparition, en 1991.
« L’Europe entière est envahie par l’esprit de la révolution » (Lloyd George)
L’onde de choc d’octobre ne peut être comparée qu’à celle qui suivit la grande révolution française (1789) ou le « printemps des peuples » de 1848. Lloyd George, le Premier ministre britannique, écrit : « l’ensemble de l’ordre social existant, (...) est mis en question par les masses de la population d’une extrémité à l’autre de l’Europe ».
Six mois après la révolution d’Octobre, la vague révolutionnaire atteint l’Allemagne, place forte du mouvement ouvrier européen. Dès novembre 1918, la monarchie s’effondre, mais dans ce pays, le front commun de la social-démocratie, des partis bourgeois et de l’armée permet d’endiguer la vague – d’autant plus que la direction communiste locale ne dispose pas de dirigeants de la trempe de ceux de Russie. Le « socialiste » Noske et ses corps-francs brisent le mouvement, au prix d’une saignée, de l’assassinat de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht, les principaux dirigeants communistes durant la « semaine rouge » (janvier 1919). Pour un temps, la révolution reflue en Allemagne.
Moins connu est le cas de la Hongrie. Le 16 novembre 1918, la monarchie cède la place à une république. La bourgeoisie ayant échoué à stabiliser la situation, une république soviétique est proclamée en mars, dirigée par un gouvernement ouvrier, communiste-socialistes de gauche. Mais l’expérience ne durera que quelques mois.
En Italie, dès 1917, la résistance populaire à la guerre se solde par des émeutes. Mais en 1919 le mouvement passe à un stade supérieur : les occupations de terres se multiplient, des conseils d’usine se constituent dans les régions industrielles du nord du pays. Et début 1920, une vague de grèves secoue le pays, les occupations d’usines se multiplient. Au final, faute d’une direction politique visant à la conquête du pouvoir, le mouvement sera contenu là encore.
On pourrait aussi citer le cas de l’Autriche, de la Finlande... Même en Suisse, 400 000 ouvriers font grève pour protester contre l’usage de la violence durant les manifestations de commémoration du premier anniversaire de la Révolution russe.
Au final, ce n’est qu’en 1923 que la bourgeoisie sera en mesure de stabiliser la situation.
Le parti mondial de la révolution
La Révolution russe a redistribué les cartes. Partout des partis communistes se constituent : leur cri de ralliement est la défense de la Révolution russe. Généralement constitués à partir de regroupements de gauche existant au sein de la social-démocratie, ils accueillent nombre d’anarchistes que l’opportunisme social-démocrate rebutait, ainsi que des syndicalistes. Par contre, ces partis sont jeunes, souvent très hétérogènes, fréquemment marqués par un certain « gauchisme », voire une grande naïveté.
Dans ces conditions, les dirigeants soviétiques vont prendre la décision de consolider ce courant mondial en une Internationale communiste, fondée à Moscou dès 1919. Le rôle de cette internationale sera décisif dans la consolidation de forts partis nationaux dans nombre de pays du globe : en Allemagne, en France, mais aussi par exemple en Inde ou au Japon. Par contre nulle part, l’Internationale communiste ne sera en mesure de répéter l’expérience, ce qui ne peut qu’amener à s’interroger.
Après l’échec de la vague révolutionnaire de 1919-1923 et la mort de Lénine, son principal dirigeant, l’Internationale communiste se transformera en auxiliaire de la diplomatie du Kremlin, avant de disparaître purement et simplement. Il n’en demeure pas moins qu’elle a légué un capital théorique décisif.
« Ou la Révolution russe déterminera un mouvement révolutionnaire en Europe, ou les puissances européennes écraseront la révolution russe » écrivait Trotsky. Au final, cet écrasement prendra la forme d’une lente agonie et de la longue nuit du stalinisme. Ce n’est qu’en 1991 – prés de 75 ans après la révolution – que les puissances impérialistes seront finalement en mesure d’en finir définitivement avec la lueur rouge d’Octobre 1917.
Pascal Morsu