Vous animez des séminaires Marx. Quel est le sens de votre démarche ?
Le sens de notre démarche est politique, car l’enjeu de la référence à Marx a toujours été et sera politique. Aujourd’hui, les conditions d’un projet émancipateur, révolutionnaire, sont à reconstruire et cette tâche nous paraît, au sens strict, impensable sans une reprise du travail et de la réflexion sur Marx et les divers courants marxistes. C’est à cela que nous voulons contribuer, mais selon une démarche qui diffère d’une certaine forme de politisation des débats théoriques, que nous avons connue par le passé et qui consistait à défendre un usage instrumental de la théorie, indexé sur les impératifs immédiats d’une organisation ou d’une prise de position dans la conjoncture. L’urgence, à notre sens, est de réhabiliter l’importance politique du travail théorique dans une situation comme celle que nous connaissons, marquée par une dissociation entre des équipes militantes, souvent limitées à leur terrain immédiat d’activité, et des chercheurs, qui se cantonnent à des débats de spécialistes.
La véritable difficulté est cependant que les conditions concrètes de ce type d’intervention ne sont pas simples à réunir. En ce qui concerne le séminaire Marx, nous nous sommes d’emblée posé deux objectifs : affirmer, tout d’abord, le caractère collectif et « généraliste » de notre initiative, ce qui va à l’encontre des habitudes du monde universitaire, sans même parler de la logique médiatique. Puis, prendre à bras-le-corps la question du public visé. Nous voulons casser certaines cloisons, notamment ouvrir ce séminaire à un public non-universitaire, aux militants politiques et syndicaux et même au-delà, tout en gardant un pied dans l’université, qui demeure un terrain important de la lutte idéologique et intellectuelle. Terrain important, notamment parce qu’elle accueille une population considérable d’étudiants et d’enseignants, dont une partie significative est à la recherche de radicalité politique et théorique. L’expérience de l’année dernière est, en ce sens, encourageante, mais nous sommes conscients que ce résultat est fragile et qu’il reste beaucoup à faire.
Quels sont les thèmes que vous avez choisis cette année et pourquoi ?
Il n’y a pas d’unité thématique dans le programme de ce séminaire, parce que nous refusons les spécialisations stérilisantes. Dans le choix des thèmes, nous sommes plus particulièrement sensibles à ce qui concerne l’analyse des tendances de fond du capitalisme actuel, la confrontation de la pensée qui se réfère à Marx avec d’autres traditions, ainsi qu’à son enracinement dans une culture nationale déterminée, comme par exemple en France avec l’importante tradition historiographique de la Révolution française. Nous veillons également à construire un espace ouvert aux chercheurs étrangers, ainsi qu’aux jeunes chercheurs, qui se heurtent à un véritable mur dès lors qu’il est question, d’une façon ou d’une autre, de Marx et du marxisme dans leurs travaux.