« On est dans une période où l’on a besoin de se reposer. Parce qu’on vient de passer cinq ans terribles. Nous sommes en échec », déclarait fin juillet Jean-Luc Mélenchon... Depuis, le repos réparateur de l’été n’a pas arrangé les choses. L’échec frustre les ambitions qui cherchent de nouveaux horizons.
La crise entre le Parti de gauche et le Parti communiste a eu pour origine leur désaccord sur les municipales. Les uns voulaient des listes indépendantes du PS, du moins au premier tour, les autres cherchaient à sauver leurs éluEs par des accords avec le PS dès le premier tour. L’échec des municipales puis des européennes, aujourd’hui la préparation des sénatoriales, ont abouti à ce que les intérêts divergents des deux forces motrices du Front de gauche s’expriment de plus en plus ouvertement sur fond d’une crise globale de la gauche.
Horizon 2017
Fini le moment « de bayer aux corneilles », « non, je ne pars pas à la retraite », s’exclamait Mélenchon lors de son discours de clôture de l’Université d’été du Parti de gauche. S’il quitte la coprésidence du PG, en se dégageant par là-même des responsabilités au sein du Front de gauche, c’est pour développer sa stratégie personnelle pour 2017. Annonçant un « coup de balai », il tente de s’élever au-dessus des partis : « Notre projet n’est pas de rassembler notre famille politique, mais de fédérer le peuple.[...]Ce n’est pas une affaire de partis ». « Assemblée constituante », « écosocialisme », « révolution citoyenne », il rode son programme, habité par son ambition. « 2017 ne sera pas une élection, ce sera une insurrection » ! Prudent, il ménage toutefois ses arrières, « Nous n’allons pas défaire le Front de gauche. C’est nous qui l’avons créé. [...]Pour beaucoup de gens, le Front de gauche est un repère, un espoir. On ne va pas leur dire : « tout ça, c’est fini » ! » Et, dans la foulée, il lance l’idée d’un « mouvement pour la VIe République » qui « rassemblera tous ceux qui veulent cette république de progrès et de prise du pouvoir par les citoyens [...] Nous voulons un candidat en 2017 et ce candidat nous l’appelons par son nom, c’est la VIe République »... qu’il incarne bien entendu !
Union de la gauche, nouvelle mouture ?
De son côté, Pierre Laurent a fait le voyage à La Rochelle, soucieux de ménager le PS, son allié pour les sénatoriales, mais aussi d’afficher ses convergences avec les « frondeurs ». Il les avait auparavant appelés « à ne pas accorder leur confiance au gouvernement Valls. […] Je ne vois pas comment les députés frondeurs pourraient voter la confiance à un gouvernement qui leur tourne ostensiblement le dos et qui même multiplie les provocations à leur égard ». Il dénonce le discours du Premier ministre lors de l’université d’été du Medef, « un discours qui tourne le dos à tout ce que sont depuis des décennies les combats de la gauche. [...] Le Premier ministre avait dit il y a quelques mois « la gauche peut mourir », on sait maintenant qui tient l’arme du crime. C’est le Premier ministre lui-même qui essaie de la tuer. »
À La Rochelle, il a voulu prendre date : « 2012 avait été un contrat. Ce contrat, il vient d’être déchiré devant les Français. […] Il ne suffit pas de juxtaposer les critiques, il faut maintenant construire une alternative ensemble ». La perspective d’une nouvelle mouture de l’union de la gauche trouve un écho dans une large fraction de l’appareil du PS en opposition à Valls, mais les mêmes qui disent s’opposer à la politique du gouvernement ont bien du mal à assumer leur rupture au risque de le faire tomber. Au jeu de l’unité, c’est le PCF qui reste prisonnier du PS au nom d’une alternative, une nouvelle combinaison parlementaire, qui, si elle pouvait prendre forme, ne conduirait qu’à un nouvel échec.
Que la stratégie personnelle de Mélenchon et celle de l’appareil du PCF trouvent ou non de nouvelles raisons de continuer à cohabiter au sein du Front de gauche, leur projet politique commun, d’une façon ou d’une autre une nouvelle mouture de l’union de la gauche, ne répond en rien aux besoins de la situation, aux besoins du monde du travail. L’ensemble de la gauche gouvernementale s’est toujours retournée contre les travailleurs et la population.
L’urgence est de construire la mobilisation pour mettre en échec l’offensive de Valls et du patronat, de tracer une autre perspective, à travers les luttes et les débats : une perspective anticapitaliste et révolutionnaire pour les classes populaires et la jeunesse.
Yvan Lemaitre