Le 18 septembre 2014 aura lieu l’un des votes les plus importants de l’histoire de l’État britannique. La population écossaise aura la possibilité de voter pour décider si le pays doit devenir indépendant.
La majorité des sondages suggère actuellement que ceux qui souhaitent maintenir l’Union vont probablement gagner par une courte majorité, mais en réalité le résultat est probablement très serré à l’issue de deux débats télévisés entre le leader du Scottish National Party (SNP, Parti national écossais) et Premier ministre écossais Alex Salmond, pro-indépendantiste, d’une part, et le député travailliste et ancien membre du cabinet Alistair Darling [1], pro-unioniste, qui est le chef de file de la campagne « Better Together » (Ensemble c’est mieux).
La campagne du référendum, notamment celle organisée en faveur du « oui » à l’indépendance, a remodelé la politique en Écosse. Une campagne d’affichage, y compris dans les quartiers ouvriers, et des réunions publiques ont été organisées non seulement par la campagne officielle pour le « oui », dominée par le SNP au pouvoir, mais aussi par des groupes plus radicaux, telle que les Radical Independence Campaign (Campagne radicale pour l’indépendance) ou Women for Independence (Femmes pour l’indépendance), qui ont largement mobilisé et ont intégré un grand nombre de gens dans les discussions politiques dans toute l’Écosse – cela dans un contexte où l’abstention massive a augmenté en Grande-Bretagne, élection après élection. Même la campagne Better Together a été forcée d’imiter ces méthodes « à l’ancienne », mais les deux camps ont aussi utilisé largement les réseaux sociaux.
Il y a eu une vaste campagne pour l’inscription des électeurs, qui a été un succès. Tout le monde prédit que le taux de participation sera beaucoup plus élevé que lors des autres élections et les médias sont obligés de reconnaître que la campagne en faveur du « oui » a beaucoup plus de troupes sur le terrain.
Même si la campagne du oui n’est pas couronnée de succès le 18 septembre, il ne fait aucun doute que la dynamique de la campagne et la politisation des masses auront un effet durable. Ce ne sera certainement pas la fin de la demande pour l’indépendance écossaise. Et si le « oui » est victorieux, la gauche dans le reste de la Grande-Bretagne devra veiller à ce que l’État britannique ne tente pas de bloquer le droit à l’autodétermination du peuple de l’Écosse.
Retour sur l’histoire
Depuis 1999, l’Écosse a son propre Parlement dans le quartier de Holyrood à Edimbourg, à la suite d’un référendum en 1997, dans lequel 74 % de la population a voté en faveur de cette étape et 64 % en faveur des compétences fiscales de ce Parlement. C’est le résultat d’une campagne vigoureuse qui a fait entrer une nouvelle génération de militants dans la politique. Le SNP était un élément important de cette campagne, mais il n’était nullement hégémonique et le processus de la lutte pour le rétablissement du Parlement a été un élément central qui a conduit à la formation du Parti socialiste écossais.
Les conservateurs de Margaret Thatcher avaient utilisé l’Écosse comme un terrain d’essai pour l’introduction de la poll tax [2], en 1989, un an plus tôt qu’en Angleterre et au Pays de Galles. La lutte contre cet impôt a donné l’élan à la campagne pour le Parlement écossais. Cette question également mis en route le recul à long terme du vivier électoral du Parti conservateur écossais [3].
D’autres compétences financières ont été dévolues au Parlement écossais en 2012 dans le but de saper la campagne du « oui » au futur référendum sur l’indépendance. Néanmoins les questions clés, y compris toute politique étrangère et la politique économique, restent l’apanage du Parlement britannique de Westminster et cette réalité est un facteur important en faveur de la campagne du « oui ». L’exigence de plus de démocratie s’est avérée très massive, ce qui remet en cause l’idée que le désintérêt pour la politique est le produit d’une croissante apathie et non le rejet des structures rongées par la corruption et la centralisation.
Au cours des deux premières sessions du Parlement de Holyrood à Edimbourg, le Parti travailliste (Labour Party in Scotland) était au pouvoir et le Parti national écossais (SNP) dans l’opposition. En 2007, le SNP a remporté la majorité des sièges et a formé un gouvernement minoritaire, dirigé par Alex Salmond. En 2011, le SNP a remporté une victoire écrasante, en prenant 69 des 129 sièges, et a formé un gouvernement majoritaire.
Le Parti national écossais
Cette victoire fut un tournant décisif. Fondé en 1934, le SNP n’a obtenu son premier député à Westminster qu’en 1967. Mais les élections du Parlement écossais ont toujours été pour lui un meilleur terrain que les législatives britanniques.
C’est un parti politique avec un programme et une pratique contradictoires. Il a été traditionnellement caractérisé comme « nationaliste petit-bourgeois », ce qui est exact, mais ne dit pas grand-chose pour comprendre la politique actuelle. Par exemple, le SNP a toujours été en faveur de la conservation du monarque britannique en tant que chef d’État dans une Écosse indépendante ! Alors, il ne serait pas radical ? C’est certainement l’une des raisons pour le considérer, comme l’ont fait en particulier les militants travaillistes en Écosse, comme « Tartan Tories » (les conservateurs en habits écossais).
Cependant, depuis trente ans, le SNP a mené une politique d’opposition à l’OTAN – une position importante qui l’a situé à la gauche des principaux autres partis du pays. Lorsque, au cours de sa conférence de Perth en octobre 2012, il a abandonné cette position, ce fut pour deux de ses députés un virage trop à droite et, dégoûtés, ils ont démissionné du parti. Pourtant le SNP continue à être engagé dans la lutte contre le sous-marin nucléaire britannique Trident, basé actuellement à Faslane, dans l’ouest de l’Écosse. C’est pour cette raison que la Campagne pour le désarmement nucléaire (CND) en Écosse a pris position pour le « oui ». Et il est clair que la question de l’OTAN comme celle de la base des sous-marins nucléaires resteront litigieuses dans la pratique après le 18 septembre.
Il existe un consensus général en Écosse contre la présence d’armes nucléaires dans le pays – parce qu’elles sont immorales, t extrêmement coûteuses et inutiles en termes de protection contre les menaces les plus importantes pour la sécurité nationale.
Le Parlement écossais ayant obtenu la dévolution de pouvoirs sur les questions sociales, la situation en Écosse est souvent différente de celle du reste de la Grande-Bretagne. Par exemple, le gouvernement écossais de Salmond a décidé de mettre fin au droit des locataires des logements sociaux d’acheter leur appartement – une politique mise en place par Thatcher, qui a conduit à l’épuisement des logements sociaux disponibles à la location et a servi de levier idéologique contre la prise en charge collective des besoins sociaux. Les étudiants écossais ne paient pas de frais de scolarité s’ils étudient en Écosse – une politique introduite par les travaillistes écossais mais fortement soutenue par le SNP. De même, le gouvernement écossais a refusé de faire payer les personnes âgées pour les soins, lorsque cela a été introduit dans le reste de la Grande-Bretagne. Enfin, le SNP a aboli en 2011 le paiement forfaitaire des médicaments.
Mais en dépit de ces évolutions positives dans un monde néolibéral, il y a des limites profondes à l’approche SNP. Il faut être très critique en ce qui concerne la stratégie économique prônée par Salmond qui, par exemple, ne veut pas qu’une Écosse indépendante ait sa propre monnaie.
La campagne pour le « non » s’est focalisée sur la question formelle de savoir si en devenant indépendante l’Écosse aurait besoin d’une autorisation pour continuer à utiliser la livre sterling. Cela s’est probablement retourné contre eux, car nombreux furent ceux qui remarquaient qu’il y a beaucoup de pays utilisant la monnaie d’un autre. Mais il y a eu moins de débats – au moins dans le reste de la Grande-Bretagne – sur ce que cela dit sur l’approche économique de Salmond et dans quelle mesure lui et son parti, sans parler de leurs amis et de sympathisants du patronat, sont intéressés par une véritable rupture avec l’orthodoxie économique du marché. Sur cette question, comme sur tous les autres, ce qui va être déterminant c’est la capacité des forces radicales, qui se sont développées à travers la campagne du « oui », d’exercer une réelle pression sur le SNP.
Le système électoral pour le Parlement écossais – une combinaison de 73 sièges de circonscription, où les députés sont élus par scrutin uninominal majoritaire à un tour, et de 56 sièges pour huit régions où l’élection a lieu au scrutin proportionnel – a été délibérément conçu pour empêcher le SNP de gagner une majorité. Le SNP lui-même, depuis 2002, quand il a adopté son document fondateur, « Une Constitution pour une Écosse libre », a fait campagne pour la représentation proportionnelle intégrale.
La promesse électorale clé du SNP en 2011 était qu’il exigerait un référendum sur l’indépendance. Mais les sondages à la sortie des urnes ont clairement indiqué que beaucoup de ceux qui ont voté pour le SNP ne l’avaient pas fait sur la base de soutien à l’indépendance. Ils ont plutôt vu le SNP comme étant à la gauche des principaux autres partis : les conservateurs, les libéraux-démocrates et aussi les travaillistes écossais.
Une partie de la bataille autour du référendum a donc consisté à convaincre ces mêmes électeurs que c’est seulement en votant « oui » que leurs acquis peuvent être protégés. Le message de ceux qui luttent pour un « oui » à la gauche du SNP a bien sûr un accent différent : les meilleures conditions pour défendre et étendre les acquis sociaux obtenus depuis 1999 sont certes de voter « oui », mais surtout de rester mobilisés.
Crise constitutionnelle ?
La position du Premier ministre britannique David Cameron serait très gravement compromise par la victoire du « oui ». L’État créé par l’Acte d’Union de 1707, le Royaume de Grande-Bretagne, entendrait ainsi le vote démocratique du peuple écossais lui sonner le glas, même si l’indépendance elle-même n’aura lieu qu’en mars 2016. Quel serait l’avenir du drapeau de l’Union – généralement appelé l’Union Jack – sans la « Croix de saint André », encore appelé « Saltire », du drapeau écossais ? Toute la situation constitutionnelle serait mise en question.
Le mode de scrutin uninominal à un tour est antidémocratique et archaïque. Il n’existe pratiquement nulle part ailleurs. Lutter contre ce mode devrait être une priorité pour la gauche en Grande-Bretagne. Le fait que d’autres modes de scrutin sont utilisés pour élire le Parlement européen, le Parlement écossais et l’Assemblée galloise [4] devrait donner une impulsion à cette lutte.
Dans un article de New Statesman [5] George Eaton a dénoncé comme mensonger l’argument selon lequel si l’Écosse devient indépendante, nous serons condamnés indéfiniment à un gouvernement conservateur à Westminster. En réalité, « depuis 1945, à aucun moment l’indépendance n’aurait changé l’identité du parti gagnant et seulement deux fois cela aurait converti un Parlement à majorité travailliste en un parlement sans majorité (1964 et octobre 1974). Sans l’Écosse, le Labour aurait encore gagné en 1945 (avec une majorité de 143, contre 146), en 1966 (75, contre 98), en 1997 (137, contre 179), en 2001 (127, contre 166 ) et en 2005 (43, contre 66) ».
Pour la première fois en Grande-Bretagne les jeunes de plus de 16 ans auront le droit de vote dans ce référendum. Cela ouvre le débat sur le droit de vote des jeunes dans les autres élections. Alors que la participation électorale est en général faible et que le scandale des dépenses des élus a sapé la légitimité des politiciens traditionnels, cette extension de la démocratie constitue encore un sujet dont la gauche devrait s’emparer.
Au cours des dernières décennies, la démocratie en Angleterre était vidée de son contenu en même temps que nous assistions à la création du Parlement écossais et de l’Assemblée galloise. Les autorités locales en Grande-Bretagne ont vu leurs compétences réduites non seulement du fait des réductions de leurs budgets, imposés par les gouvernements tant conservateurs que travaillistes, mais aussi par la législation qui limite, par exemple, leur droit de construire des logements sociaux locatifs. Le développement du contrôle des conseils municipaux par les exécutifs, qui a marginalisé les conseillers municipaux de base (ceux qui travaillent pour vivre), est allé de pair avec des mesures populistes, telle l’élection directe des maires et des responsables régionaux de la police. La gauche en Grande-Bretagne a très peu débattu sur le rôle des gouvernements régionaux, en partie parce qu’elle était sur la défensive lorsque ces questions ont commencé à se poser, mais aussi parce que les questions démocratiques tendent à ne pas être considérées comme étant une priorité. Le référendum écossais a stimulé les discussions sur ces questions et, si le « oui » l’emportait, ce débat prendrait encore plus d’ampleur. Mais s’il est clair que la gauche a besoin de faire campagne en faveur de la représentation proportionnelle (même si cela ne fait pas l’unanimité – il y a encore des gens qui défendent le scrutin uninominal à un tour) et pour réformer les niveaux existants de l’administration locale, afin de leur donner un pouvoir réel, le débat concernant les assemblées régionales devra être tranché, alors qu’il commence à peine.
Un Premier ministre à Westminster qui a présidé au cours de ce qui est un désastre pour sa classe sociale, devra donner des explications. Cela d’autant plus du fait de la raclée que son parti a reçu lors des élections européennes de l’UKIP, le parti de la droite anti-européenne. Comme les conservateurs ont mis fin au droit du gouvernement de convoquer les élections au moment jugé le plus opportun pour lui (loi sur le Parlement de 2011), pour la première fois dans l’histoire nous savons que les prochaines élections législatives auront lieu en 2015. Pour David Cameron c’est une forme de protection en tant que chef du parti conservateur. Mais le fait qu’un député conservateur bien connu a démissionné afin de provoquer une élection partielle et se faire réélire en tant que candidat UKIP, indique que la pression sur Cameron continue à monter, même avant le résultat du référendum. De plus un nombre croissant de députés conservateurs demande que les élections générales soient reportées en cas de la victoire du « oui ». Cela exigerait l’abrogation de la loi sur le Parlement adoptée en 2011, que les deux Chambres du Parlement de Londres devraient adopter – ce qui n’est pas acquis. L’argument employé, c’est que l’indépendance ne sera effective qu’en mars 2016 et qu’en conséquence il y aura à Westminster des députés élus en Écosse en 2015, qui continueraient à siéger pendent quatre ans… Cette situation préoccupe tout particulièrement les conservateurs, car peu d’entre eux seraient susceptibles d’occuper ces sièges… écossais !
Pas d’idéalisation
Soutenir le « oui » ne signifie pas une idéalisation de l’Écosse ou du SNP et de son programme. Avant et après 1707 il y a eu en Écosse des forces qui soutenaient l’impérialisme britannique. La majorité de la classe dirigeante écossaise a soutenu les guerres impérialistes et l’armée écossaise a combattu dans de nombreux conflits sous le drapeau sanglant de l’Union.
Lors de la colonisation de l’Irlande, les colons protestants envoyés d’Écosse ont joué un rôle central dans l’accaparement des terres au XVIIe siècle – avant même l’Acte de l’Union entre l’Angleterre et l’Écosse. Un fait historique qui n’est pas sans importance pour qui veut comprendre le soutien dont bénéficie encore le vicieux et réactionnaire Ordre d’Orange dans certaines régions d’Écosse.
On peut parfaitement critiquer l’ensemble ou des parties du programme d’Alex Salmond tout en considérant que la campagne en faveur du « oui » est centrale pour les socialistes. En effet si le romantisme et le soutien inconditionnel à Salmond servent à combattre les partisans du « oui », en Écosse et en Angleterre, en réalité un idéalisme bien pire imprègne les arguments de leurs adversaires.
Dans son discours sur l’indépendance écossaise, en février 2014 à Edimbourg, David Cameron a déclaré qu’il avait « une tête, un cœur et un âme unioniste » tout en reconnaissant que les conservateurs n’étaient pas « actuellement le mouvement politique le plus influent en Écosse ». Mais il a évité de mentionner l’impact de la victoire du « oui » sur les conservateurs des deux côtés de la frontière et sur son propre rôle à la tête du parti. Bien sûr il ne veut pas parler de sa défaite car il craint que cela pourrait la rendre encore plus probable. Mais il faut aussi relever que les médias lui facilitent plus la tâche en ce qui concerne la question de l’indépendance de l’Écosse qu’en ce qui concerne la politique de l’UKIP.
Le désespoir du New Labour
Le Parti conservateur et unioniste – nom que portent les conservateurs en Écosse depuis l’absorption du parti unioniste 1965 – n’est pas le seul à envisager des difficultés pour son avenir en cas de victoire de la campagne indépendantiste écossaise. La direction du parti travailliste (New Labour) est au cœur de la campagne Better Together. Elle sait trop bien que l’indépendance de l’Écosse signifierait plus d’indépendance des travailleurs envers elle et qu’elle aurait plus de mal à se prévaloir de l’appui d’une classe tout en menant en pratique une politique qui casse systématiquement les dents de ses partisans.
Il n’est donc pas surprenant qu’Alistair Darling soit vertement attaqué lorsqu’il explique que le vote pour le « oui » est « aussi mauvais pour la City qu’une crise bancaire », car il met ainsi en avant son propre rôle dans cette crise. L’ancien Premier ministre travailliste, Gordon Brown, qui s’était maintenu jusque-là à l’écart de la campagne Better Together, a jugé nécessaire de rempiler pour parler du prétendu trou du régime des retraites que provoquerait l’indépendance. Brown n’est pas devenu plus fin polémiste depuis qu’il a quitté Downing Street, mais il n’est pas, comme Darling, membre de l’élite d’Edimbourg. Le New Labour est conscient que la clé du vote en faveur du « non » consiste à convaincre les travailleurs de s’en tenir à l’Union – une bataille qu’il croit de plus en plus perdue.
La campagne Better Together s’attache à minimiser le rôle de l’impérialisme britannique, n’hésitant pas à affirmer que la Grande-Bretagne joue un rôle positif dans la politique mondiale. Que ce soit pour embellir le rôle des troupes britanniques (et écossaises) en Irak et en Afghanistan ou bien prétendre que le néocolonialisme a été le sous-produit des impératifs moraux altruistes et non de l’appât du gain, tous les mensonges sont bons pour défendre l’Union.
Débats dans la gauche britannique
Il y a également des secteurs de la gauche qui soutiennent le vote « non » au référendum, soutenant ainsi objectivement l’Union sans oser l’avouer. Ils ne le font pas de la même façon que la direction du New Labour, mais ils prétendent également qu’il n’y a pas de divisions au sein de la classe ouvrière mais que le soutien à l’indépendance écossaise la diviserait. La réalité est bien plus complexe.
À travers le monde, les travailleurs sont divisés par le racisme, le sexisme, l’homophobie… Ils croient souvent qu’un politicien d’un parti majoritaire réalisera les promesses qu’il leur a faites, malgré de nombreuses preuves du contraire. L’unité de la classe ouvrière est une dynamique et non un concept statique – il faut la construire et lutter pour l’imposer – et il y a des flux et des reflux.
En ce qui concerne la relation entre l’Écosse et l’Angleterre, Allan Armstrong dans son article écrit pour Left Unity [6] explique que les différents syndicats en Grande-Bretagne et en Irlande ont divers modèles de structuration. Par exemple, il y a une version écossaise du Syndicat national des instituteurs (NUT) – l’Educational Institute of Scotland, qui n’organise que les enseignants en Écosse – alors que le plus grand syndicat britannique, UNITE, organise les salariés dans toute la Grande-Bretagne et en Irlande. Mais les travailleurs du secteur public sont confrontés à des situations différentes selon leur secteur d’activité. Par exemple la responsabilité pour la santé a été dévolue à l’Écosse, au Pays de Galles et à l’Irlande du Nord. Dans le secteur privé – et même dans le secteur public en voie de privatisation – des actions de solidarité à travers les frontières sont souvent essentielles pour défendre les emplois et les conditions du travail.
Dévolution à reculons
Ce qui est également au cœur des débats, mais encore pas assez remarqué dans le reste de la Grande-Bretagne, c’est les reculs que les partis unionistes ont dû faire dans le domaine de la dévolution en faveur de l’Écosse. Lors de la campagne pour la création du Parlement écossais les conservateurs étaient opposés à toute forme de dévolution et la majorité des travaillistes écossais n’en parlait presque pas. Mais au fil du temps, ils ont dû faire de plus en plus de concessions. Le Scotland Act de 2012 a donné au Parlement de Holyrood plus de capacités fiscales.
Actuellement, les politiciens unionistes de toutes les couleurs font miroiter un nouveau paquet de transferts de pouvoirs pour tenter de persuader le peuple écossais qu’il n’a pas besoin de voter en faveur de l’indépendance. David Cameron s’adressait ainsi à la conférence du Parti conservateur écossais en mars 2014 : « Je veux être parfaitement clair : le vote “non” n’est pas un vote contre le changement. Nous nous engageons à mieux encore avancer dans le domaine de la dévolution, non pas parce que nous voulons offrir un prix de consolation à Alex Salmond si l’Écosse vote “non”, mais parce que c’est la bonne chose à faire. Donner au Parlement écossais une plus grande responsabilité pour prélever plus d’argent qu’il dépense, c’est ce que Ruth Davidson [7] croit juste et ce que je crois juste. » [8]
Davidson s’est ensuite plus étendue sur ce sujet [9]. Pourtant, à l’approche du vote, il semble que ces promesses soient tombées dans l’oreille d’un sourd. Cependant un vote pour le « oui » éveillera les espoirs parmi un grand nombre de ceux qui font ou non confiance à Salmond. C’est une des raisons pour laquelle les élites britanniques investissent tant d’argent et de temps dans la compagne pour défendre l’Union.
Et comme l’explique Ralph Blake [10], une victoire du « oui » peut ouvrir un processus dynamique en Écosse pour la campagne en faveur d’une Assemblée constituante. C’est même un des liens entre les discussions en Écosse et les débats en cours en Catalogne. Ceux qui militent à travers le monde en faveur du socialisme n’ont rien à perdre et beaucoup à gagner en rejoignant ce mouvement dynamique en faveur du changement radical. ■
Terry Conway, Londres, 4 septembre 2014