Baba Jan et onze autres personnes ont été condamnées, le 25 septembre dernier, à une première peine d’emprisonnement à vie par une cour antiterroriste au Gilgit-Baltistan, un territoire semi-autonome au nord du Pakistan. Leur « crime » : avoir soutenu a posteriori des villageois victimes d’une catastrophe climatique qui réclamaient des indemnités promises par l’Etat, mais non versées, et qui ont attaqué des bâtiments publics après que la police ait abattu deux des leurs [1].
Baba Jan et Iftikhar Hussain viennent d’être à nouveau condamnés à une seconde perpétuité pour avoir pris, en 2011, la tête d’un mouvement pacifique de protestation des prisonniers. Ils se trouvaient alors en détention provisoire pour le « crime » mentionné ci-dessus. Les détenus étaient en effet soumis à des conditions de vie dégradées au point d’en être inhumaines, contraire au règlement officiel de la prison. Leurs revendications : une nourriture saine, de la viande deux fois par semaine, du lait, du pain frais, du thé deux fois par jour… toutes choses inscrites dans les droits des prisonniers. Ils réclamaient aussi des facilités sanitaires correctes et des visites médicales régulières [2].
Ce mouvement de protestation avait uni pour la première fois les détenus musulmans sunnites et chiites, alors que les violences interconfessionnelles déchirent le pays. L’administration pénitentiaire a dû accepter les revendications et pendant des semaines, les conditions de vie des prisonniers se sont beaucoup améliorées. Mais une nouvelle inculpation a été fabriquée à l’encontre de Baba Jan et d’Iftikhar Hussain : avoir enfreint les lois antiterroristes en mobilisant les détenus ; ce qui leur vaut aujourd’hui cette seconde peine d’emprisonnement à vie.
Le motif d’inculpation est mensonger. Le mouvement de protestation a été pacifique. Aucun membre du personnel pénitentiaire n’a été attaqué, menacé. Les détenus ont simplement refusé de coopérer. Baba Jan et Iftikhar Hussain sont peut-être les premiers prisonniers politiques au Pakistan à être condamnés à la perpétuité pour avoir défendu les droits des prisonniers face à la dégradation de leurs conditions d’existence.
Cette nouvelle condamnation soulève l’indignation dans le territoire de Gilgit-Baltistan. Personnalité militante très connue, Baba Jan est appelé « Bhaghat Singh » de la vallée. Bhaghat Singh était un combattant de la liberté à l’époque de la colonisation britannique et il avait, déjà, dirigé un mouvement de détenus en défense de leurs droits.
Le Parti du peuple pakistanais (PPP), au pouvoir au Gilgit-Balistan, veut briser toute contestation à sa gauche afin de pouvoir réprimer à sa guise les mouvements sociaux. Baba Jan était en effet un dirigeant du Parti du travail pakistanais (LPP) et, maintenant, du Parti awami des travailleurs (AWP), à la constitution duquel le LPP a participé. Le PPP utilise à cette fin les tribunaux d’exception antiterroristes et un appareil judiciaire aux ordres.
Baba Jan et Iftikhar Hussain ont été par deux fois condamnés à la prison à vie pour avoir défendu les droits de leurs coreligionnaires : les villageois de la vallée de Hunza, puis leurs codétenus. Les défenseurs des droits persécutés pour leur engagement méritent tout notre soutien.
Sur le plan judiciaire, le combat de Baba Jan et Iftikhar Hussain devient encore plus difficile, car il faut maintenant faire casser deux jugements. Mais la volonté de vengeance des grandes familles possédants du PPP n’a rien à voir avec la légalité : elle est politique et doit être dénoncée comme telle.
Il n’en est que plus est essentiel, dans ces conditions, de développer la campagne de défense Baba Jan et Iftikhar Hussain, des « 12 de Hunza », au Gilgit-Baltistan, au Pakistan et sur le plan international.
Farooq Tariq
Pierre Rousset