Je partirai du contexte où nous nous situons. Il s’agit d’une sorte de “troisième guerre mondiale” - sociale. Il s’y déchaîne les démons associés aux trois volets de la “grande transformation capitaliste” analysée par Karl Polanyi : la marchandisation et privatisation généralisées de la monnaie, de la terre et de l’être humain. Instabilité financière/monétaire, crise écologique et guerre sociale sont les contenus fondamentaux d’une crise de société capitaliste, mondialisée – non pas crise des profits, qui trouvent toujours à s’étendre et se protéger ; mais crise sociétale pour ceux d’en bas, les dominés et dépossédés. Tous les moyens sont déployés pour qu’ils, elles perçoivent leur situation comme “inévitable” - TINA – There Is No Alternative de Margaret Thatcher – ou “naturelle”.
I. A l’heure de la guerre sociale
L’idéologie dominante redoutable culpabilise les pauvres et les chômeurs “assistés”, elle criminalise les résistances passées (les révolutions) et présentes, elle “essentialise”, déshumanise et diabolise ceux qu’elle désigne comme “terroristes”. Il s’agit, par tous les moyens d’interdire que de nouvelles résistances contre les formes actuelles de colonialisme ou que de nouvelles ruptures révolutionnaires puissent surgir, comme au XXe siècle : toutes les protections nationales, environnementales, sociales doivent tomber. Le démantèlement du “Socialisme réel” s’est accompagné de son assimilation au seul goulag ou à une aberrante “parenthèse historique” qui se refermerait pour toujours sur une pseudo-victoire de “l’économie de marché” capitaliste.
La contre-révolution sociale dite “libérale” a commencé plus d’une décennie avant l’unification allemande et la fin de l’URSS, en réponse à une crise de l’ordre mondial capitaliste et du profit. Mais elle a été radicalisée par ce qui a été euphémisé comme “chute du Mur” - dont tout le monde ne peut que se réjouir, tandis que la grande masse des populations d’Europe de l’Est et notamment d’Allemagne de l’Est expriment massivement une “östlagie” (ou “yougonostaligie” dans les Balkans). Tous les médias dominants taisent ou méprisent ces sentiments populaires qui peuvent, malheureusement, virer à de lugubres alliances “national-communistes” ou à des fronts et idéologies réactionnaires Rouges-Blancs divers soutenus par l’extrême-droite internationale.
Parallèlement, chaque crise, depuis les années 1980, est exploitée par les puissances impérialistes occidentales pour avancer leur programme contre-révolutionnaire : faire sauter les verroux, sanctuariser dans les constitutions et les Traités internationaux. Le “néo-libéralisme” est dominé désormais par “l’ordo-libéralisme” : la libre-circulation et la protection des capitaux, la “flexibilité” de la force de travail et sa mise en concurrence, la privatisation de toutes les ressources naturelles et humaines ne doivent pas être contestables, discutables. Elles doivent être placées “hors politique” et protégées par des institutions fortes, tout en se présentant au plan idéologique comme “naturelles” : la “construction européenne” (l’UE) depuis l’unification allemande, avance à grands pas dans ce sens. Il ne s’agit pas du tout d’une consolidation capitaliste sous des formes néo-keynésiennes à l’issue d’une crise réelle (celle des années 2007-2009) des politiques néo-libérales : il s’agit, au contraire, d’exploiter cette crise pour aller plus loin, en profitant du rapport de force défavorable aux exploité.e.s, dans un contexte où n’existe plus (pour le moment) de menace interne/externe communiste, comme après la Seconde Guerre mondiale : Keynes disait bien, explicitement, que si le capitalisme ne se réformait pas, le communisme gagnerait. Aujourd’hui, il faut donc consolider de façon institutionnelle (pour ne pas reproduire les faiblesses d’autrefois) les règles du marché capitaliste : l’ordo-libéralisme combine des Etats et institutions fortes et la libéralisation marchande radicale de la société, du code du travail pour protéger la propriété privée et les profits – même si ceux ci, faute de débouchés, s’accumulent largement de façon improductive.
Mais cette guerre sociale, politique, idéologique se situe dans le temps et l’histoire. Elle se mène dans le contexte non maîtrisé d’un “basculement” historique – à savoir, une crise de l’hégémonie des grandes puissances impérialistes, ces “centres” du système-monde capitaliste du XIXè et XXe siècle. Crise d’hégémonie, certes ; mais non pas disparition, ni moindre capacité de nuisance. Les moyens d’intervention aux mains de ces anciennes toujours réelles puissances sont collossaux : médiatiques, militaires, économiques, les “IFI”/ institutions financières mondiales et les FMN/ Firmes multinationles appuyées sur les Traités de pseudo “libre-échange”... Mais l’adversaire de classe est devenu “multipolaire”. Le nouvel impérialisme chinois – et à une autre échelle, russe – ou les puissances régionales “émergentes”, offrent des possibilités de diversification des ressources financières, voire technologiques permettant d’élargir des fronts de résistances ; mais sans offrir d’alternatives progressistes. Les dictatures tombent ou s’effritent, mais dans l’opacité des étiquettes et confusion des idéologies : l’instabilité mondiale, régionale, nationale reste canalisée vers des élections sans alternatives – ou l’explosion de mouvements “anti-système” de droite ou/et de gauche incapables re remettre en cause de façon pratique l’ordre existant.
Les luttes environnementales, confrontées aux marchés financiers et aux FMN ; se combinent aux objectifs de l’émancipation sociale, explicitement, à une échelle organiquement planétaire – ou plus précisément, du local/de l’individuel au planétaire, en passant par les niveaux “historiques” d’organisation politique, territorialisé à diverses échelles. A ces divers niveaux, une ébauche de société civile mondiale s’organise - dans les mouvements contre la dette ou les Traités de libre-échange, dans Via Campesina ou la Marche mondiale des femmes, ou lors des divers forums sociaux régionaux ou mondiaux. Mais le pouvoir de décision des adversaires de classe s’organise bien davantage à des échelles territoriales transnationales, tout en s’appuyant sur des Etats répressifs.
Les résistances – pour devenir efficaces – doivent se construire davantage à tous ces plans, sous diverses dimensions articulées et sur plusieurs fronts croisés où “les ennemis de nos ennemis” ne sont pas nécessairement nos amis. Les explosions sociales sont partout capables de renverser des régimes, de bousculer les équilibres. Mais elles sont canalisées vers les formes de démocratie parlementaire comme réponses déformées aux aspirations populaires élémentaires – le droit de choisir, donc de voter. Une fois mis à bas les régimes oppresseurs, les alternances électorales se révèlent vite piégées, sans alternatives réelles : les choix de société fondamentaux se réalisent à l’extérieur des enceintes parlementaires et en dehors de ce qui se “vote” : la concurrence sociale et fiscale exerce ses contraintes redoutables, intériorisées comme “fatales”. En même temps s’exprime partout la réalité profondément “censitaire” de l’accès même aux droits les plus élémentaires conquis et reconnus depuis le XIXè siècle : la richesse, la propriété, les privilèges culturels dominants déterminent les droits réels.
Contre la barbarie de cet ordre social et de ses destructions planétaires, les formes habituelles de lutte et d’expression des contestations sont insuffisantes. Il faut trouver “des mots” et formes d’expression et d’actions qui visent – de façon systématique, radicale, du local au planétaire en passant par le national/régional – à construire un “bloc historique”, une contre-hégémonie à l’idéologie néo-libérale dominante. Il faut parvenir à rassembler les dominé.e.s, ceux et celles qui sont divisé.e.s par tous les moyens de l’ordre dominant – le racisme comme l’organisation de l’ordre économique et sociétal.
Il faut rejeter l’agenda comme les termes des débats imposés : se situer de façon non pas idéologique et abstraite dans “l’anti”, mais dans le “pour” concret, de la vie quotidienne, des aspirations de base, des droits fondamentaux du XXIè siècle. Cela n’est possible que dans la lutte contre tous les rapports de domination, dans le respect de la dignité de chacun.e au sein même de l’organisation des résistances ; et dans la mise en place d’ébauche de société alternative concrète, fondée sur une démocratie qui ne s’arrête pas aux portes des cités, des entreprises, des quartiers populaires. Il faut exprimer ce que les “sans” revendiquent : un travail et un statut humain digne de ce nom – donc avec la co-responsabilité de la gestion de ce qu’on produit –, un toit comme un droit, la santé et l’école pour toutes et tous sans discrimination ; la terre pour ceux et celles qui la travaillent et protègent l’environnement, l’eau, la culture et l’éducation, les médicaments comme biens communs, l’organisation de l’espace, de la production et de la vie permettant une co-propriété et gestion collective des ressources naturelless et humaines
Conclusion : Nous sommes donc dans une phase de profonde instabilité organique, où “ceux d’en haut” détiennent des leviers de pouvoir essentiels (militaires, économiques, idéologiques) et loin, de ce point de vue d’être “en crise” : ils sont à l’offensive et exploitent la faiblesse de classe, politique et idéologique des résistances pour consolider un ordre de plus en plus directement répressif.
Mais le capitalisme dans ses pays du centre les plus développés, n’est plus à même de tenir ses “promesses” libérales et de liberté et de mieux être : il impose un projet d’austérité et de discipline “organique” - règles d’or des constitutions...
Sous cet angle, il a épuisé non pas sa capacité de se renouveler et de durer, mais de prétendre incarner une “civilisation” de progrès.
C’est sur ce plan, politico-moral et global qu’il faut l’attaquer. Le niveau européen est particulièrement essentiel à “investir”. C’est là que se sont accumulés historiquement les grandes conquêtes sociales et démocratiques des siècles précédents ; là où les premières révolutions socialistes ont eu lieu, avec aujourd’hui de nouvelles générations qui commencent (notamment dans les Balkans) à “prendre le droit” d’en tirer elles-mêmes les leçons et sources d’inspiration, sans “nostalgie” ni acceptation des dénigrements méprisants et impérialistes ; c’est là aussi que la reconversion écologique des transports prend sens. C’est sur le continent euo-asiatique que doit également être contesté l’aberrant “choix” imposé aux pays limitrophes entre l’UE et la Russie (comme l’Ukraine) d’avoir à choisir entre l’une ou l’autre puissance. Et c’est, indépendamment de la monnaie utilisée, mais avec un ancrage sur l’UE, que dans tous les pays européens cherchent à s’imposer les pires normes de concurrence fiscale et dumping social entre populations.
Dans ce processus est exploité le démantèlement social de l’URSS et la périphérisation des pays de l’Europe de l’Est : or l’UE n’est pas l’ALENA. La monnaie comme les Traités européens visent évidemment à imposer “au-dessus” des peuples l’ultime démantèlement de droits sociaux. Mais l’UE se prétend démocratique, organise des élections, se dote d’un budget et d’un parlement : il faut exploiter ses faiblesses politiques. Pour cela, il faut rompre avec ses Traités à chaque fois que c’est possible, en les délégitimant non pas au nom de la “nation”, mais au nom au nom des droits sociaux et démocratique que l’on revendique comme base d’une autre Union possible – incluant le droit d’autodétermination, la souveraineté populaire mais aussi les droits solidaires à des services publics et à un salaire minium ; une autre Union ayant également d’autres rapports avec les autres peuples du monde (autour de la Méditerranée comme vers les Amériques, l’Afrique ou l’Asie).
Bref : face au capitalisme mondialisé et barbare, et contre lui, il faut défendre et élargir la Charte universelle des droits humains avec une nouvelle architecture de droits (en valorisant les organisations des Nations Unies qui doivent défendre des droits – comme l’OMS, l’UNESCO, l’OIT, etc contre le “droit de la concurrence” que défendent les IFI.
Ceci se décline en premier lieu à l’échelle du continent européen.
II- Traduire ces analyses en buts politiques et stratégiques qui nous guident.
1°) Objectif : construire dans la durée des liens internationaux et européens en défense “des biens communs universels”, contre le capitalisme : vers une plate-forme de résistance européenne / internationale : s’appuyer sur les réseaux existant et les étendre, vers des assises européennes associant partis et mouvements sociaux et syndicaux qui le souhaitent – selon une architecture et des formes démocratiques à inventer : le Parti de la Gauche européenne, Podemos, la Quatrième Internationale, les organisations altermondialistes...
Aller vers une nouvelle Déclaration universelle des droits humains – actualisée comme un “programme de transition” anti-capitaliste avec des déclinaisons continentales et thématiques.
2°) Chercher à établir en France les relais solidaires d’une telle démarche – avec toutes les organisations politiques et associations (nationales et locales ou de quartiers, syndicats, fondation Copernic, Attac...) : organiser des “ateliers” thématiques ; chercher à les concrétiser dans des activités d’auto-organisation, et des “Marches” de type Marées blanches, vertes, etc, comme en Espagne. Avec l’idée de les généraliser en Europe.
Cela devrait s’adresser à (pouvoir concerner) toutes les organisations dont l’horizon de pensée et d’action ne se borne pas au capitalisme : FdG, si tel est le choix de toutes ses composantes, mais aucune ne doit être paralysée par le “Front” ; NPA, anars, LO, les organisations syndicales et associatives qui cherchent une alternative démocratique et stratégique articulant remise en cause de l’rdre existant en France et en Europe/ au-delà
3°) Sortir d’un horizon borné par le FdG – et en tirer un bilan critique et réaliste
Je reprends ici quelques remarques que j’avais rédigée à la veille du CN de septembre d’Ensemble !
Pourquoi le FdG n’a-t-il pas “réussi à convaincre” ? Nous devons en débattre et le dire explicitement.
Il y a échec sur les trois plans qui faisaient “sens” dans la bataille entreprise :
1- que le FdG représente une alternative cohérente crédible à la gauche du PS et en rupture claire avec ses orientations
2- que le FdG parvienne à dépasser sa nature d’alliance électorale entre divers partis et devienne une force organisatrice de luttes sociales et de rassemblements plus larges sur les orientations préconisées
3- que les composantes du FdG soient en mesure de transformer le FdG en cadre démocratique susceptible d’accueillir de nouvelles forces bien au-delà des “encartés”.
Les causes de l’échec sont dans sa “nature” indissociable de celle de ses principales composantes
− la “durée de vie” des projets propres du PCF conflictuels avec une rupture claire avec le PS
− la pesanteurs des intérêts matériels et politiques, pour le PCF, attachés au contrôle du PGE
− la nature extrêmement “personnelle” du projet Mélenchon conflictuelle avec la remise en cause de son rôle de porte parole du FdG comme le blocage de tout rôle dévolu à la tête du PGE
− l’incapacité des petites composantes, même regroupées dans Ensemble !, d’être attractives “au sein” du FdG et d’y offrir un autre mode de fonctionnement – prolongeant l’erreur de jugement sur l’impact de la campagne présidentielle Mélenchon sur ce qu’il allait advenir du FdG et de ses composantes.
Il n’est pas possible de dire (comme la résolution d’Ensemble ! pour le dernier CN) que “l’enjeu” de la période serait “de redonner confiance dans la démarche du Front de gauche”. L’enjeu doit avoir une tout autre envergure. Il faut changer de logiciel : l’horizon n’est pas, et ne peut être une organisation, quelle qu’elle soit – encore moins le FdG qui est un front électoral très déséquilibré qui ne saurait être notre “horizon”.
Autre chose est de ne pas renoncer aux débats et batailles politiques vers le PCF et le PG – mais avec pour horizon celui de la construction d’une résistance socio-politique en défense des Biens Communs, à différentes échelles sur la base d’une mise à plat du patrimoine des luttes et expériences passées/présentes. Le type d’organisation “politico-sociale” à construire, correspondant à ces objectifs est, pour l’heure”, indéterminé. Mais cela n’est pas étranger aux projets d’Etats-Généraux ou “Assises” pour la transformation sociale et écologique qu’Ensemble ! se propose de défendre et qui, lui même ne saurait dépendre de l’avenir, incertain, du FdG..
Il faut rompre avec un faux dilemme (une impasse) :
− soit se soumettre au mode de fonctionnement et aux objectifs du PCF et du PG dans un Front profondément déséquilibré et organiquement inégalitaire. L’ouverture à des adhésions directes n’est en rien attractive et ne serait nullement un dépassement de la logique perverse : un individu = une voix mais sur la base d’organisations constitutées (PCF, PG) ayant leur auto-construction comme raison d’être ;
− soit les considérer comme des organisations dotées d’un avenir et d’un projet “certain” et sans rapport avec nos propres objectifs de transformation sociale radicale.
Le PCF est soumis à plusieurs dynamiques ou dépassements historiques – vers une gauche institutionnelle de la social-démocratie social-libéralisée ? La dépendance du PCF envers le PS pour ses élus bloque l’évolution des orientations pratiques. On ne peut faire comme si le problème était désormais dépassé (après les Municipales, et jusqu’aux suivantes ?). Mais en même temps, le PCF est réellement travaillé (dans ses relations internationales) entre trois orientations : l’adaptation “de gauche” (avec de moins en moins de marges) au capitalisme ; vers un néo-stalinisme sectaire ; ou vers une nouvelle gauche se revendiquant d’un projet socialiste/communiste démocratique.
Il est profondément concerné par la nécessité de tirer les bilans de l’échec de l’URSS et du “Socialisme réel” ainsi que de la restauration capitaliste en URSS et en Europe de l’Est. Ceux qui dans la “gauche radicale” réduisent (comme les anti-communistes “libéraux) ce passé au goulag et au “stalinisme” se privent, au nom d’un débat sémantique et dogmatique figé, de possibles leçons sur les apports et échecs de ces expériences qui les/nous concernent : au delà des concepts, cette expérience est un patrimoine commun pour tous ceux.celles qui se revendiquent d’un projet émancipateur. L’adaptation “réaliste” au capitalisme ou la valorisation en rose du passé stalinien n’est pas le seul choix possible. Mais le bilan du passé a des conséquences sur la place accordée à la démocratie dans les luttes d’aujourd’hui : la façon de “faire de la politique”, les rapports entre auto-organisation et luttes électorales, ont à voir avec le projet... Mettons cela à plat. De même qu’il faut discuter de l’ordre mondial “post-soviétique” et russe.
Le PG est lui aussi à la croisée de plusieurs chemins : entre l’espoir d’un Mélenchon d’être un Ministre “de gauche” pour un PS recomposé dont l’horizon politique reste l’adaptation au système – ou le FdG ? Ou encore entre le Parti de la Gauche Européenne et Podemos tel que Pablo Iglesias le conçoit ? La démarche de celui-ci est radicalement antagonique avec un quelconque projet de démocratisation du FdG (sans parler du PG lui-même).
En outre, les conceptions étatistes du pouvoir propres à Mélenchon, et sa valorisation de l’armée française et de ses exploits (ou ses modèles internationaux dirigistes) – ne doivent pas être évacuées des débats au nom de la recherche à tout prix d’un “Front de gauche” qui n’existe pas.
Bref : il faut rompre avec les limites imposées par le FdG comme “horizon” de pensée et d’action – en pratique non viable et non respecté : chaque composante a bien été conduite à voter ses propres orientations, à mener ses propres campagnes, à nouer ses propres alliances ad hoc selon les campagnes... Il n’y a pas de réalité politique du FdG.
Il ne faut pas s’enfermer dans la poursuite d’un mythe - se rassurer sur l’Assemblée du 6 septembre est assez dérisoire.“ Le FdG doit être l’aile marchante du rassemblement de toutes les forces de gauche opposées à la politique de Valls et de Hollande” ? Ou encore le FdG “sera uni” dans les prochaines échéances électorales et “doit être partie prenante des mobilisations..”
Y-a-t-il un quelconque dépassement de ce qui a causé la désunion ? Y-a-t-il une quelconque analyse des raisons pour lequelles le FdG comme tel n’a été ni dans les mobilisations de Notre-Dame des Landes (NDDL), ni dans l’impulsion de luttes sociales/syndicales ? Ni dans les mobilisations nécessaires contre les interventions guerrières “civilisatrices” de “notre armée” ?
Les Assises contre l’austérité et pour la transformation sociale et écologique pourraient être un bon horizon de pensée et d’action, si il s’internationalise et surtout si la deuxième partie de la formule est valorisée – au sens de la lutte pour la défense des “biens communs” universels – dans une démarche qui stimule l’auto-organisation plurielle de démocratique (avec ou sans les composantes du FdG, selon les choix qu’elles feront et qui ne doivent pas nous engluer)..
4°) Retour sur la GA
Il était juste de vouloir agir sur/dans le FdG compte tenu de son impact lors des présidentielles, en soulignant les incertitudes des positionnements stratégiques de ses composantes, dans une période nouvelle. Il était légitime (même si c’était erronné en grande partie) d’être optimiste quant à l’impact de la campagne Mélenchon sur les transformations du FdG – et de refuser la stigmatisation (dans le NPA) de toute orientation vers le FdG comme “capitulation” réformiste.
Mais il était faux
− d’assimiler le FdG à Syriza ;
− de considérer que toute réticence envers le FdG et pessimisme envers l’évolution du PCF, notamment, était de l’aveuglement sectaire ;
− d’estimer en conséquence que le NPA était devenu “organiquement” sectaire – et que le “test historique” en avait été fait... et de prétendre, qui plus est, que la GA emportait avec elle les acquis de l’ex LCR ;
− de ne concevoir comme correcte qu’une orientation “dans” le FdG.
Cette dernière position a d’ailleurs été très rapidement dépassée, heureusement, par les orientations pratiques de nos partenaires dans le FdG.
Il n’est pas non plus démontré que la meilleure ou seule façon de faire évoluer le FdG et ses composantes est d’en être membre. En tout état de cause, Ensemble ! ne devrait pas renoncer à incorporer / travailler organiquement avec les camarades Alternatifs qui ont fait le choix de ne pas être membres du FdG, et les camarades du NPA qui ne diabolisent pas celui-ci et partagent en pratique l’essentiel des orientations d’Ensemble !.
La proximité de fait des orientations et débats de la GA et du NPA sur les grands enjeux et campagnes politiques s’est accompagné d’un affaiblissement considérable du travail qui devrait être mené en commun notamment dans les organisations syndicales et les campagnes.
Il serait aberrant de continuer de proposer au NPA l’adhésion au FdG ; voire même de proposer une démarche qui s’adresse au “FdG” comme tel alors que celui ci n’a aucune cohérence politique, ni dans les élections, ni dans les campagnes diverses. Il n’est pas non plus raisonable de penser qu’on puisse défendre aujourd’hui qu’un front durable est possible avec le FdG comme tel – alors même que l’avenir du FdG est incertain... (sans parler des désaccords majeurs avec ses composantes). Défendre une telle orientation dans le NPA serait un non sens alors que, de toute évidence, elle se heurte à l’expérience pratique de ce qu’a été l’orientation du PCF dans les Municipales ainsi que celles – non moins problématiques - de Mélanchon (notamment sa valorisation de l’armée française, mais aussi son tropîsme vers Iglesias) en faisant comme si elles ne posaient pas de problème.
Il est par contre cohérent et correct pour le NPA comme pour la GA/ Ensemble ! d’avoir non seulement une démarche de front unique avec toutes les composantes du FdG dans les luttes (ce qui ne pose pas de problème dans le NPA) mais aussi de prendre au mot leurs positionnements anti-capitalistes. Un travail spécifique “à gauche de la gauche” et anti-capitaliste en leur direction se justifie – sans avoir pour pré-condition d’être certain de ce que sera leur positionnement à venir.
Mais il faut être conscient que les incertitudes d’ensemble de la période multiplient les conditons d’alignement “réalistes” sur la base d’acceptation de broutilles qui ne changent rien d’essentiel ; qui plus est, la crise du PS et la montée du FN ouvrent la porte – avec les frondeurs et les positionnements dans EELV- à une nouvelle “union de la gauche” qui se dirait critique de Valls et de Hollande,sans chercher à mobiliser les syndicats et mouvements sociaux dans une logique d’affrontement à la hauteur des attaques subies.
C’est pourquoi les formulations de “gouvernement anti-austérité” sont devenues très vagues ou ouvertes à des dynamiques diverses. Il n’est pas “sectaire” de soulever des questionnements sur cette réalité. Il est vain de croire que l’on peut se protéger de “trahisons” à venir, par un vocabulaire. Par contre, trouver les terrains de lutte “pour” et d’auto-organisation qui modifient les rapports de force et changent les consciences, est l’enjeu véritable - “pour la défense de biens communs”, contre l’austérité capitaliste.
Catherine Samary
le 07/11/20O4
Membre d’Ensemble ! Paris 18°, Commissions Inter, Europe, Egalité, Autogestion
Membre du NPA Paris 18, Commission Europe, Commision Internationale du NPA, GTE
http://csamary.free.fr