Pour les patrons, tout est bon dans le Macron !
Alors que les médias polarisent le débat autour du travail du dimanche, le projet de loi « sur la croissance et l’activité » présenté par le ministre-banquier Macron est une arme de destruction massive contre les droits des travailleurs.
Où est passé le t« dialogue social » ? Hollande nous avait habitués aux « sommets sociaux » et autres négociations bidon où la conclusion est écrite d’avance main dans la main avec le patronat. Le changement de méthode est radical : aucune prétendue concertation n’a été organisée, et le gouvernement va demander aux parlementaires de l’autoriser à procéder par ordonnance sur plusieurs points, donc sans débat ni présentation précise des mesures...
C’est que la loi est tellement régressive que la pilule aurait été impossible à faire avaler. Même Hidalgo et Cambadélis entrent en dissidence sur la question du travail le dimanche ! Il s’agit donc de faire passer la loi de manière autoritaire avant que la mobilisation s’organise et avant les défaites programmées des élections de 2015.
Ouvert 7j/7, 6h-24h !
À plusieurs reprises, le collectif intersyndical du commerce parisien (CLIC-P) a fait condamner par les tribunaux des grandes enseignes, comme Sephora, qui méprisent le droit au repos des salariéEs.
Pour éviter aux capitalistes ces désagréments, Macron veut porter le nombre d’ouvertures dominicales autorisées de 5 à 12 par an, élargir les zones donnant droit à l’ouverture systématique le dimanche, et permettre le travail jusqu’à minuit dans les commerces situés en « zone touristique internationale ». Et il n’y aura plus de contrepartie minimale pour les salariéEs des entreprises de moins de 20 salariéEs qui travaillent le dimanche !
Les patrons à l’abri des sanctions
Pour ce faire, Macron s’en prend aux prud’hommes et à l’inspection du travail. Après avoir supprimé leur élection, les conseillers prud’homaux, suspects d’être trop favorables aux salariéEs, ne seraient plus des juges à part entière mais de simples auxiliaires d’un juge professionnel. La loi crée par ailleurs une indemnité forfaitaire pour les salariéEs victimes d’un licenciement abusif, cela afin d’éviter aux patrons de devoir compenser les dégâts qu’ils ont réellement causés.
À l’inspection du travail, certaines sanctions pénales seraient remplacées par des amendes administratives, décidées par le directeur régional du travail... sans indépendance car mis en place par le ministère.
Toujours moins d’obligations
Le plus frappant c’est que parmi les droits attaqués, beaucoup l’ont déjà été depuis l’élection de Hollande. La médecine du travail ? Réformée en 2012 pour espacer dans le temps les visites périodiques obligatoires. Cela n’a pas suffit au patronat : la loi prévoit de supprimer une partie de ces visites et d’interdire aux médecins du travail de rendre des avis d’aptitude avec réserves, qui obligent les employeurs à adapter le poste de travail à l’état de santé du salariéE.
Les dérogations pour affecter des mineurs aux travaux dangereux ? Réformées l’année dernière pour permettre aux patrons de solliciter une dérogation tous les trois ans seulement. C’est encore trop ! Si la loi passe, une simple déclaration suffira pour faire bosser les jeunes sur des presses ou des machines à bois. On découvrira leur non-conformité après l’accident…
Mais surtout la loi de « sécurisation de l’emploi » de juin 2013 est déjà modifiée. Les tribunaux ont eu la mauvaise idée de retoquer plusieurs des décisions de validation des plans sociaux prises par l’État. Qu’à cela ne tienne, le gouvernement va modifier sa propre loi pour éviter au patronat de nouvelles annulations... et le paiement des indemnités qui vont avec !
Comble du cynisme : en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, les mesures du plan social seront désormais comparées aux moyens de l’entreprise et non plus à ceux du groupe. Et par définition, une entreprise en liquidation n’a plus d’argent dans les caisses.
Unité pour le retrait du projet !
Les capitalistes n’en auront jamais assez, et le gouvernement « pro-business » de Valls leur accorde tout. La crise économique persistante va continuer de servir de prétexte à des régressions incessantes pendant toute la durée du quinquennat de Hollande. À moins que nous ne les arrêtions...
Des tractations de couloirs, pour obtenir une majorité, peuvent modifier à la marge le projet. Mais, comme pour le budget, nous ne devons pas espérer que la prétendue gauche du Parti socialiste se mette en travers de la route tracée par Hollande-Valls-Macron et Montebourg. Les organisations syndicales, bien discrètes à ce jour, et toutes les organisations qui s’opposent à la politique ouvertement patronale du gouvernement, se doivent d’organiser la mobilisation pour le retrait du projet. Et hop tout ça à la poubelle !
Simon P. et Robert Pelletier
Pénibilité : un « ajustement au réel » au service des patrons
Il est scientifiquement prouvé qu’un certain type de conditions de travail a des incidences sur la santé et réduit la durée de vie (l’espérance de vie, c’est-à-dire le nombre d’années qu’il reste à vivre)...
Ainsi le travail de nuit a pour conséquence des troubles du sommeil, des risques cardiovasculaires accrus et, selon certaines études, une probabilité plus élevée de cancers, notamment du sein et colorectal. Pour vendre la réforme des retraites de 2013 et l’augmentation du nombre de trimestres nécessaires pour une retraite à taux plein, le gouvernement a annoncé la création en 2015 d’un « compte personnel de prévention de la pénibilité ». Chaque salarié travaillant dans des conditions pénibles (travail de nuit, températures extrêmes, bruit…) y accumulera des points qui pourront lui donner la possibilité de partir plus tôt.
Le compte pénibilité est donc dans son principe la contrepartie d’une réforme applaudie par le Medef. De la même façon, une autre mesure contre laquelle le patronat part aujourd’hui en guerre, un nombre minimal d’heures hebdomadaires pour les contrats à temps partiel, était prévue dans l’accord flexibilité (ANI) de 2013. Mais négocier avec le Medef est un jeu de dupes : quand il fait une concession, il manœuvre aussitôt pour la reprendre !
La ténacité patronale, une leçon... pour les directions syndicales !
Le compte pénibilité devait entrer en vigueur pour tous le 1er janvier 2015. Le patronat avait été amplement consulté dans son élaboration. Mais, dès le dispositif acté, le Medef a commencé son travail de sape pour lequel il a bénéficié de toute l’attention du gouvernement. En mai 2014, il obtient le report de la cotisation prévue pour financer le dispositif. En juillet, il obtient le report partiel de la réforme : seuls certains facteurs de pénibilité (quatre au lieu de dix fixés au départ) et une partie seulement des salariéEs (les plus de 55 ans) seront concernés en 2015. Le reste du dispositif sera amendé... et reporté à 2016.
Les syndicats protestent. Mais le Medef encouragé par les reculs gouvernementaux pousse son avantage. Immédiatement, Macron dit qu’il va faire des concessions. Peu importe que ce soit dans le champ d’action de sa collègue Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales : le « boss », c’est bien lui, avec le soutien de Valls. Peu importe que ça mécontente la direction de la CFDT, fidèle allié du gouvernement. Peu importe que ce soit prévu par une loi : « il ne s’agit pas de déchirer une loi du jour au lendemain mais il ne s’agit pas non plus de dire que tout va bien dans le meilleur des mondes » a-t-il lancé devant un parterre de chefs d’entreprises françaises et allemandes. « Il y a un ajustement à faire au réel qui se fera dans les prochains mois. Je peux vous le garantir car c’est la volonté du Premier ministre ». La messe est quasiment dite. En fait, même s’il ne le dit pas encore, le Medef ne veut d’aucun système qui contraigne les patrons à déclarer les risques auxquels sont soumis les salariéEs : il existait déjà des fiches d’exposition... mais elles étaient loin d’être toujours remplies !
En 2006, au moment du CPE (contrat première embauche, contrat au rabais pour les jeunes), il avait fallu un mois de manifestations massives de jeunes et de salariéEs pour que le gouvernement refasse voter une loi abrogeant le CPE. Là, il suffit que Gattaz et quelques patrons de PME sortent leurs sifflets pour que le gouvernement se prépare à reculer. Pour les directions syndicales, il y aurait au moins une leçon à retenir : ce n’est pas en jouant les interlocuteurs raisonnables qu’on obtient quelque chose d’un tel gouvernement. Surtout quand celui-ci, malgré les effets de manche, est totalement dans le même camp !
Henri Wilno
PS – Medef : un jeu de rôle qui ne trompe personne
Depuis le 28 novembre, on a droit à une nouvelle mise en scène du duo gouvernement – patronat imposée aux salariéEs dans la tête desquels on voudrait bien faire rentrer que la politique menée est la seule possible et que le gouvernement n’est pas le jouet du Medef...
Alors que se préparait la « semaine de mobilisation des patrons », c’est Bruno Le Roux, patron des députés du PS, qui montait au créneau en menaçant de « revenir » sur les 40 milliards de cadeaux du Pacte de responsabilité, et Le Foll de découvrir qu’il y a un « problème Gattaz »... Le patronat ne respecterait pas ses engagements. Quelle surprise, ils croyaient peut-être qu’il allait embaucher ?
Comme si ces responsables du PS ne connaissaient pas les résultats de leur politique inscrite dans la continuité directe des gouvernements précédents ? Toutes les aides, exonérations et crédits d’impôts, ce sont 220 milliards de cadeaux chaque année pour les patrons aux dépens du fonctionnement des services publics n’ont pas servir à autre chose qu’à alimenter les profits et surtout pas à favoriser les embauches. Mais le gouvernement et sa majorité ont besoin de donner le change, de laisser croire qu’il n’y a pas d’autre politique que la leur mais c’est le patronat qui n’est pas compréhensif...
Le Medef sous-traite son combat politique
Il n’y a pas que les marchés économiques que le Medef sous-traite aux PME. Le lundi 1er décembre, c’était la « mobilisation des petits patrons ». Les « petits patrons » sont, en effet, bien plus nombreux que les grands qui empochent l’essentiel des cadeaux fiscaux. D’autre part, les très petites entreprises (TPE), dont les chômeurs que l’on pousse à s’installer comme auto-entrepreneurs, font état de difficultés réelles qui n’ont rien à voir avec l’augmentation des salaires des grands patrons et la distribution des bénéfices aux actionnaires.
Ce sont donc eux qui sont descendus dans la rue (entre 4 et 10 000), avec visuels et slogans travaillés : « Libérez nos entreprises » ou « On ne vous dit pas merci pour ce moment » ! Mercredi 3 décembre, c’était le grand show de toutes les organisations patronales à Lyon devant 3 000 patrons armés de sifflets. Mais l’objectif était bien de taper sur les clous que le Medef veut enfoncer dans nos têtes : se libérer du code du travail. Pouvoir embaucher et débaucher en fonction de leurs besoins reste l’objectif.
Le gouvernement, ce partenaire compréhensif
Ce n’est « pas un mouvement contre le gouvernement, mais contre des projets qui semblent dangereux », a indiqué un dirigeant de la CGPME tandis que Gattaz dénonçait le « gâchis de 30 années d’une politique économique brouillonne et désordonnée », rappelant que la hausse des impôts correspond à« 21 milliards de la responsabilité de Sarkozy-Fillon et 21 milliards de la responsabilité de François Hollande et de ses gouvernements ». Le patronat renvoie dos à dos ses serviteurs, qu’ils soient de droite ou de gauche...
Il déroule la politique de défense de ses intérêts, s’adressant au gouvernement– quel qu’il soit – comme à un partenaire compréhensif, même si de temps en temps l’agenda interne de ce dernier l’amène à lâcher des grands mots. Valls l’a bien montré en réaffirmant sur France 2 sa confiance dans les entreprises et le Pacte de responsabilité, prenant ainsi le contre-pied de Macron qui avait remis en cause cette efficacité. Et Gattaz a immédiatement répondu : « Les engagements pris sur un certain nombre de problèmes concernant les entreprises vont dans le bon sens », il attend juste du concret pour « redonner confiance aux entreprises ».
Construire l’opposition à ce gouvernement
Ce qui rend ce grand cirque déprimant et leur permet de marquer des points dans la guerre idéologique, c’est la faiblesse des réactions du monde du travail. Le silence pesant des organisations syndicales ne permet ni la contre-offensive politique ni la visibilité des tentatives de résistance à la politique du gouvernement PS-Medef dans le public (santé, Éducation nationale, SNCF ou Poste) ou dans le privé (luttes sur les salaires, contre les licenciements).
Pour virer ces mauvais acteurs, il n’y aura pas de raccourci ni de tours de passe-passes magiques : il y a urgence à ce que le monde du travail reprenne confiance dans la légitimité de ses besoins, de ses exigences, et dans ses forces pour les défendre.
Cathy Billard