Cette fin d’année commence sur une victoire, celle de Nikos Romanos, qui après 31 jours d’une courageuse grève de la faim, a obtenu pour lui et les autres détenus le retour au droit des prisonniers à suivre des cours en fac, en s’y rendant munis d’un bracelet électronique.
Ce droit, que la veille encore le Premier ministre Samaras refusait au père de Romanos, a été arraché de haute lutte, malgré les provocations, par un immense mouvement de solidarité qui dépasse de très loin le seul mouvement anarchiste dont se réclame Romanos. Il faut dire que la force des mobilisations, comme par exemple les très grosses manifestations du samedi 6 décembre en Grèce ainsi que la solidarité internationale, menaçait non seulement Samaras, dont les manigances devenaient trop visibles, mais aussi tout son camp politique, de la droite extrême au Pasok. D’où un vote quasi unanime des députés le 10 décembre en faveur du droit acquis.
Mais ce qui explique sûrement ce vote, c’est que deux jours plus tôt, le lundi 8 décembre, la troïka a imposé à Samaras un compromis fort risqué pour sortir de l’impasse sur le mémorandum. Alors que ce gouvernement crie contre l’évidence que la situation s’améliore et qu’on n’aura plus besoin de prêts imposés, la troïka voulait prolonger l’actuel mémorandum de 6 mois ou un an... avec de nouvelles mesures d’austérité. Or, comme l’élection présidentielle est prévue durant cette période, c’était la certitude d’une défaite pour Samaras et cie.
Bruxelles a donc imposé une prolongation de deux mois pour trouver un accord avec la troïka … Et Samaras, qui refusait d’avancer l’élection présidentielle, a annoncée celle-ci pour la mi-décembre ! Mode d’emploi : le candidat choisi par le Premier ministre (Dimas, ex-commissaire européen) doit être élu par le Parlement, en trois tours possibles, le dernier (se déroulant le 29 décembre) étant le seul qui permettrait l’élection, car requérant « seulement » 180 voix. Un seuil difficile mais pas impossible, qui, s’il n’est pas atteint, entraînera la dissolution du Parlement et des législatives anticipées que, selon les sondage, Syriza gagnerait.
La bourgeoisie en campagne
Dans ces conditions, le pouvoir a aussitôt lancé sa campagne, sordide. Ingérences et pressions européennes : soutien de Junker à Dimas ; souhait du même que les Grecs n’élisent pas des « forces extrémistes » ; visite de Moscovici pour souligner les progrès économiques... Déclarations et articles effrayants : Samaras répète que Syriza au pouvoir signifierait la sortie de l’euro et la misère ; les unes du journal sérieux Kathimerini sur les risques terribles en cas de législatives : Moody’s rétrograderait la Grèce, Goldman imposerait une restriction des retraits bancaires, les valeurs boursières chuteraient, avec les gros titres sur les « signaux d’alarme » venus des marchés, comme si la masse des jeunes et des travailleurEs ne vivaient pas dans l’incertitude et la misère depuis 4 ans ! Sans oublier les diverses manœuvres, comme la création de petits partis qui pourraient « voler » des voix à Syriza en cas de législatives...
À dire vrai, si ce scénario classique témoigne de la peur de la bourgeoisie d’un mouvement de masse européen qui pourrait surgir avec une victoire de Syriza, les mêmes discutent avec Syriza et sont prêts à le voir au gouvernement, sur la base de déclarations rassurantes, comme celle de Vitsas, secrétaire du Comité central, assurant que Syriza au pouvoir ne prendrait pas de décisions unilatérales. Cela n’est pas rassurant… pour les jeunes et les travailleurEs !
D’Athènes, A. Sartzekis