1. L’origine de la dette grecque
Le système fiscal en vigueur fait payer très faiblement les plus riches, dont les armateurs et l’Eglise..
Une ardoise a été laissée par la dictature : la dette a été multipliée par 4 entre 1967 et 1974.
Depuis les années 1990, des réduction d’impôt sur les sociétés et sur les revenus élevés ont entraînées un trou dans les finances publiques comblé par le recours à l’emprunt.
Les jeux olympiques de 2004 : coût officiel de 14, 2 milliards au lieu des 1,3 prévus initialement.
Achat d’armements, notamment à des entreprises allemandes et françaises : 4 % du PIB contre 2,4 % pour la France, 1,4 % pour l’Allemagne, etc.(1)
En final (2), la moitié de la dette grecque acquise avant la crise est imputable à :
* des taux d’intérêt extravagants (entre 1988 et 2000) qui occasionnent une véritable ponction sur la richesse opérée par les créanciers, nationaux ou étrangers : les banques privées prêtaient à l’Etat grec à 4 ou 5 % avec des fonds empruntés à 1 % auprès de la BCE (qui n’a pas le droit de prêter directement aux Etats).
* une baisse des recettes publiques à partir de 2000, qui a profité pour l’essentiel aux couches oligarchiques ou aux entreprises, sans retour pour la majorité du peuple grec.
Sans ces deux éléments, la dette n’aurait représenté que 49% du PIB en 2007.
2. L’effet « boule de neige »
Entre 2007-2014, le ratio dette/PIB augmente brutalement, passant de 103,1% à 175,4%.
L’essentiel de la progression de la dette est liée aux paiements d’intérêt à des prêteurs privés.
Voir le graphique représentant les composantes de la dette grecque en % du PIB réalisé par Michel Husson.
http://alencontre.org/wp-content/uploads/2015/02/G5.jpg
3. Le tour de passe-passe de la Troïka : la transformation de la dette privée en dette publique (3)
Avant 2011,« sur les 300 milliards d’euros de dettes, 200 milliards sont portés par les banques et les institutions privées. Les banques françaises, suivies par les banques allemandes, sont les plus exposées. Elles ont prêté à l’État grec, mais ont aussi beaucoup accompagné les grands groupes européens, ravis de voir dans la Grèce un nouveau marché, qui pour construire les grands équipements liés aux Jeux olympiques de 2004 (Siemens), qui pour vendre des armements, des sous-marins, des équipements terrestres (Thales, DCNS, TKMS, DASA) à une armée grecque qui, chaque année, pompe un budget équivalent à 4 % du PIB du pays. À cette date, la Grèce se classe au quatrième rang pour ses dépenses militaires ».
En février 2012, la Troïka organise une « restructuration de la dette » destinée à « socialiser les pertes ». A l’issue de ce tour de ce « tour de passe-passe », les créanciers privés ne détiennent plus que 12 % de la dette totale. « Tout le reste est entre des mains publiques » : le FMI (30 milliards), la BCE (27 milliards), le Fonds européen de stabilité financière (140 milliards), crédits bilatéraux des différents pays (53 milliards).
4. La politique mise en œuvre depuis 2010 n’a pas fait diminuer la dette (4)
Celle-ci était de 299,6 milliards d’euros en 2009 (soit 129,7 % du PIB), contre 318,7 milliards d’euros en 2013 (175,1% du PIB).(5)
Conséquence, la Grèce devrait payer 341 milliards d’euros de 2013 à 2030 pour le service de la dette (remboursement du principal et des intérêts).
Voir le graphique sur l’évolution de la dette publique en % du PIB :
http://alencontre.org/wp-content/uploads/2015/02/DettePourcentagePIB_Grece1.png
5. Les conséquences économiques
Les aides à la Grèce n’ont servi essentiellement qu’à payer les intérêts de la dette.(6)
La dette publique constitue la véritable entrave à toute perspective de redressement économique. La Grèce s’enfonce dans la récession : le PIB a diminué de 26,2% au cours des six années de crise, alors qu’il avait augmenté de 25% lors des six années précédant la crise.(7) Une légère amélioration a néanmoins eu lieu récemment.(8)
6. Le Budget de l’Etat en péril
Les intérêts de la dette représentent entre 20 et 25 % des dépenses de l’État contre 8,8 % en France.(9)
Le déficit budgétaire sert à justifier des coupes dans les dépenses sociales et privatiser : le budget du ministère de la Santé a par exemple diminué de 23,7% entre 2009 et 2011.(10)
7. Des conséquences sociales dramatiques
* Les salaires : « Le salaire moyen est de 800 euros. Les salaires ont baissé de 30 % et le pouvoir d’achat de 50 % si l’on prend en compte les hausses d’impôts ».(11)
En deux ans, le nombre de salariés à temps partiel a augmenté de 41%. Ils représentaient près d’un quart des salariés en 2013.(12)
Le salaire minimum a été réduit à 580 euros (contre 751 euros en 2009), soit une baisse de 22,8 %.(13)
* L’emploi : Sur la période 2010-2013, le taux de chômage a presque triplé.(14) La Grèce affiche le taux de chômage le plus élevé de l’UE : 25,8 % (moyenne européenne : 9,9 % et France : 10,3 %). (15) Le taux de chômage des jeunes était de 58,3 % en 2013 (contre 24,8 % en France).(16)
« Le nombre de fonctionnaires a diminué d’un tiers, passant de 900 000 à 600 000 ».(17)
* La pauvreté (18) : Sur une population de 11 millions 6,3 millions se trouvent au bord de la pauvreté.(19) La pire position parmi les 28 Etats de l’UE.(20)
Plus spécifiquement, 2,5 millions de personnes se trouvent en dessous du seuil de pauvreté relative (23,1 % de la population), sur la base du revenu du ménage moyen (60 % de la population).
De plus, 3,8 millions de personnes sont sous la menace de la pauvreté en raison de privations matérielles et du chômage.
Des familles n’ont plus d’accès à l’eau potable (300 000 logements) et à l’électricité (250 000).(21)
* L’augmentation du nombre de suicides : Ils se sont accrus de 22,7% entre 2007 et 2009.(22)
8. Les privatisations ne peuvent pas régler le problème de la dette
Les privatisations envisagées de 2011 à 2018 s’élèvent à 15,5 milliards d’euros, soit un montant équivalent à la moitié du service de la dette pour la seule année 2014, qui s’élève à 31 milliards d’euros.(23)
De plus, cette braderie de la propriété publique a été très loin de procurer les rentrées financières annoncées par ses promoteurs : « En 2010, des représentants de la Troïka ont avancé le chiffre de 50 milliards d’euros de recettes attendues de ces privatisations. Depuis, ces estimations n’ont cessé d’être revues à la baisse. Fin 2013, l’État grec avait réussi seulement à récolter 4 milliards d’euros, dont seulement 2,6 effectivement versés. Il en espérait encore 11 milliards d’ici 2016, et 25 milliards d’ici 2020. Fin 2014, le chiffre était de 7,7 milliards, dont 3,1 réellement reçus. Les recettes totales espérées à l’horizon 2016 n’étaient plus que de 9,6 milliards d’euros. Soit à peine 20% des espérances initiales... ».(24)
9. Ce que l’effacement de la dette grecque coûterait aux contribuables français
On nous a expliqué en France que l’effacement de la dette grecque coûterait en moyenne entre 650 et 731 euros à chaque contribuable.
En réalité, le manque à gagner ne serait que de 10,5 euros par adulte résidant en France.(25)
Alain Baron, 6 mars 2015
Notes :
1. Damien Millet et Eric Toussaint (CADTM) - Audit, annulation, autre politique (2012), notamment pp 110-114
2. Ce qui suit, dont le tableau, sont tirés d’un texte de Michel Husson http://hussonet.free.fr/graudit.pdf (ou http://alencontre.org/europe/grece-pourquoi-une-dette-a-100-du-pib-avant-la-crise.html)
3. Ce qui suit est tiré d’un article de Martine Orange du 17 février 2015
http://www.mediapart.fr/journal/international/110215/grece-retour-sur-six-ans-de-politique-europeenne-calamiteuse
4. Stavros Tsipras : Le bilan de six années de crise et la dette http://www.okeanews.fr/20150223-dette-grecque-le-bilan-de-six-annees-de-crise-par-stavros-tsipras
5. D’après les données de l’Organisme de gestion de la dette publique (OGDP).
6. Pierre Khalfa http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-khalfa/040215/questions-sur-la-dette-grecque
7. Stavros Tsipras : Le bilan de six années de crise et la dette
http://www.okeanews.fr/20150223-dette-grecque-le-bilan-de-six-annees-de-crise-par-stavros-tsipras
http://alencontre.org/wp-content/uploads/2015/02/VariationPIB_Grece_2002_2014.png
8. Christakis Georgiou : « Le budget affiche un excédent budgétaire primaire. A force de comprimer les salaires, les investissements étrangers ont pu être attirés et les produits grecs se vendent à nouveau à l’extérieur. Les banques grecques sont en relativement bonne santé après avoir été recapitalisées par des investisseurs privés étrangers en 2014 ». http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34467
9. Pierre Khalfa http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-khalfa/040215/questions-sur-la-dette-grecque
11. Grigoris Kalomiris, du syndicat des fonctionnaires (Adedy) http://www.monde-diplomatique.fr/2015/02/VINCENT/52663
13. Le Monde du 26 février 2015
http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/02/26/la-grece-seul-pays-d-europe-ou-le-salaire-minimal-a-baisse-depuis-2008_4584184_3234.html
14. http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=une_rt_a&lang=en
15. http://alencontre.org/wp-content/uploads/2015/02/TauxChomageUE_Janvier2015.png
16. http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/File:Youth_unemployment,_2013Q4_(%25).png#file
17 Grigoris Kalomiris, du syndicat des fonctionnaires (Adedy), http://www.monde-diplomatique.fr/2015/02/VINCENT/52663
18. Stavros Tsipras : Le bilan de six années de crise et la dette
http://www.okeanews.fr/20150223-dette-grecque-le-bilan-de-six-annees-de-crise-par-stavros-tsipras
19. Rapport de Office budgétaire du Parlement (septembre 2014)
20. Office statistique européen Eurostat.
21. Davanellos (mars 2014) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article31701
23. Stavros Tsipras : Le bilan de six années de crise et la dette
http://www.okeanews.fr/20150223-dette-grecque-le-bilan-de-six-annees-de-crise-par-stavros-tsipras
24. Olivier Petitjean http://www.bastamag.net/Grece-milliardaires-et (23 janvier 2015)
25. Michel Husson
http://alencontre.org/europe/grece-le-bras-de-fer-est-engage.html#more-26857
Ivan Best - La Tribune, 5 février 2015.
http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20150205trib2c6f85623/ce-que-couterait-vraiment-aux-contribuables-l-annulation-de-la-dette-grecque.html