La gigantesque opération de corruption qui entoure l’entreprise Petrobras et ébranle la situation politique au Brésil nécessite tout d’abord une compréhension des mécanismes qui sont à la base des relations corrupteurs-corrompus. L’entreprise publique Petrobras est depuis longtemps l’objet de projets de privatisation, en partie déjà accomplis. L’entretien avec Felipe Coutinho que nous publions [par ailleurs] permet de saisir une grande partie de ces mécanismes [1]. Les médias internationaux ont donné un écho important aux manifestations de masse du 15 mars 2015. En une phrase, comme l’écrit Valério Arcary : « Douze années après l’élection de Lula à la présidence, l’épuisement du lulisme a ouvert le chemin pour la réorganisation d’une droite ayant une base sociale large au sein de ladite classe moyenne. »
Les manifestations du 15 mars ont été tout sauf spontanées, contrairement à ce que certains médias affirment. Certes, la corruption qui touche l’ensemble des partis politiques mais que les médias brésiliens ont attribuée pour l’essentiel au gouvernement de Dilma Rousseff et à sa coalition – baignant évidemment dans des millions détournés frauduleusement – a été une base des manifestations. Toutefois, le caractère réactionnaire de ces manifestations doit être souligné. Valério Arcary insiste à juste titre sur le fait qu’une des mobilisations les plus proches de celle du 15 mars était les « Marchas da Família com Deus pela Liberdade ». Elles annonçaient le coup d’Etat de 1964. Donc, il serait faux de faire une analogie avec les mobilisations pour l’élection du président par les citoyens (1964) ou celles pour la démission de Collor (1992). Le 15 mars, la contestation de la politique du PT avait un ton d’extrême droite. Et les manifestants visaient aussi les dirigeants syndicalistes ou du Mouvement des sans-terre (MST). Par contre, le ministre de l’Economie, Joaquim Levy, était épargné.
La manifestation organisée par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), par le MST, par l’Union nationale des étudiants (UNE) n’a réuni que quelques milliers de personnes dans tout le pays. La conclusion est claire : soit le gros de ces organisations rompent avec le gouvernement et s’engagent dans une défense des couches populaires, soit leur déclin suivra – et suit déjà – celui du PT. Cela d’autant plus que la crise économique s’accentue et que le malaise touche ce qui est nommé au Brésil, par la sociologie officielle, les classes moyennes qui sont aujourd’hui une cible de mobilisation par la droite dure. On entre dans une nouvelle phase de crise politique au Brésil, une phase ouverte par la descente de la droite dure dans la rue.
Rédaction A l’Encontre