Attac est signataire de l’appel au meeting du 6 mars 2015 « Contre l’islamophobie et le climat de guerre sécuritaire ». S’il nous semble essentiel et bienvenu d’organiser des initiatives antiracistes et de refuser toute logique sécuritaire (il est d’ailleurs plus juste de parler d’offensive sécuritaire que de guerre), la nature de ce meeting nous pose problème. C’est pourquoi nous désapprouvons cette signature.
1) Le meeting est ciblé contre l’islamophobie. Il nous apparaît pourtant indispensable, dans la période actuelle, de réaffirmer notre opposition non seulement au racisme anti-musulmans mais à tous les racismes - sans omettre celui contre les Roms - et à l’antisémitisme. Islamophobie et antisémitisme se renforcent mutuellement, de même que toutes les pratiques discriminatoires se renforcent mutuellement. Faire un choix entre les différentes discriminations ne permet pas le rassemblement du mouvement social qui serait pourtant essentiel, en particulier pour lutter contre la montée de l’extrême droite.
Le texte d’appel affirme la solidarité avec les victimes des attentats, mais il nous paraîtrait indispensable qu’y figure également la condamnation des actes terroristes et du djihadisme.
2) Si nous ne sommes pas opposées a priori à nous retrouver, sur une action ponctuelle - par exemple contre une discrimination particulière - aux côtés d’organisations dont nous ne partageons pas les objectifs, nous désapprouvons fermement la stratégie politique qui entend rassembler sans distinction et viser à construire un front (ici contre l’islamophobie) sur une base se voulant large au point d’accepter d’accueillir des organisations* conservatrices et réactionnaires, qui militent contre les droits des homosexuel-les et le mariage pour tous, contre les droits des femmes à disposer de leur corps, qui défendent une société où les femmes ont un statut inférieur et/ou qui affichent des bases communautaristes. Envisagerait-on de construire un front large contre l’austérité avec le Front national ? Imaginer combattre une discrimination en ralliant des structures qui développent des thèses discriminatoires dans d’autres domaines est un leurre dangereux. Cette stratégie, en reléguant au second plan, ou en ignorant, la lutte pour l’égalité des droits des personnes quel que soit leur sexe, orientation sexuelle, origine ethnique, est contre-productive.
De plus, l’absence, parmi les signataires, d’organisations dont le champ d’action est la lutte contre les racismes, comme la LDH, le MRAP, la Licra ou Sos Racisme, est un élément qui nous interroge et s’ajoute aux critiques que nous venons de formuler.
Les nombreux débats qui ont eu lieu au sujet du meeting du 6 mars et les réactions critiques qui se sont manifestées au sein de la gauche et dans de nombreuses associations féministes est un signe que la stratégie adoptée est plus apte à diviser le mouvement social qu’à le rassembler.
3) Pour ce qui concerne Attac, il nous semblerait pertinent de travailler notamment à rendre visible les organisations qui luttent contre les inégalités, y compris de genre, dans les quartiers populaires en France, de valoriser les luttes des féministes dans les pays de culture musulmane, (actives par exemple en Tunisie, au Maroc, …), de dénoncer les rapports de domination issus du colonialisme et néo-colonialisme, etc. De manière générale, nous pensons qu’il est nécessaire que soit affirmé l’attachement à la lutte contre le sexisme, contre les discriminations envers les femmes (voilées ou non) et contre tous les racismes, pour construire une société permettant de vivre tous et toutes ensemble.
Marion Lafon, Huayra Llanque, Françoise Kiefé, Christiane Marty, Jacqueline Pénit, Sandra Rigoni, Marielle Topelet, Stéphanie Treillet, Thérèse Villame,
membres de la Commission Genre d’Attac.
* Notamment l’UOIF, le Parti des indigènes de la République, ouma.com.