La mort du poète espagnol Federico Garcia Lorca le 18 août 1936, durant la guerre civile (1936-1939), a toujours été un objet de fantasmes et de controverses en Espagne. Jamais le régime franquiste n’a reconnu avoir assassiné l’auteur de Noces de sang et de La Maison de Bernarda Alba. Pressé de s’expliquer sur une affaire qui l’a embarrassé durant ses quarante ans à la tête de l’Espagne, le dictateur Francisco Franco (1936-1975) assurait que « l’écrivain mourut mêlé aux révoltés ». Et d’ajouter « ce sont les accidents naturels de la guerre ».
Ce déni n’a pas empêché les historiens de publier de nombreux essais sur les conditions probables, les raisons possibles et le lieu approximatif de la mort du poète. Mais malgré les recherches des historiens et archéologues, le corps est resté introuvable et le mystère jamais entièrement résolu.
C’est sans doute pour ces raisons que la publication, le 23 avril par le site d’information Eldiario.es et la radio Cadena SER, d’un rapport de police inédit, datant de 1965, a mis l’Espagne en ébullition. Ce document, élaboré après une requête de l’écrivaine française Marcelle Auclair – auteure du livre Enfances et mort de Garcia Lorca (Seuil, 1968) – avait été maintenu secret par le régime franquiste. Trop sensible. Il vient confirmer les thèses des principaux historiens qui ont travaillé sur Lorca : son assassinat était bien un crime politique, et non un hasard de la guerre.
Traqué par les phalangistes
Deux pages à peine résument l’affaire. Il y est écrit que le poète était « socialiste », « franc-maçon » et « connu pour ses pratiques d’homosexualisme [sic], une aberration qui devint connue de tous ». S’ensuit le récit de son arrestation et de son exécution : « surpris » par les phalangistes à Grenade, le poète « prit peur et se réfugia dans la demeure de ses amis les frères Rosales Camacho, d’anciens phalangistes ». Ces derniers tentèrent, en vain, d’intercéder en sa faveur.
Arrêté et emmené dans une caserne, il fut ensuite conduit à « Viznar, près de Grenade, à proximité d’un endroit connu comme Fuente Grande [la Grande Fontaine], avec un autre détenu, et fusillé après avoir été confessé ». Qu’a confessé Lorca ? Qu’il était socialiste, franc-maçon ou homosexuel ? Ou les trois ? Le rapport de police ne le précise pas. En revanche, il donne des indications sur le lieu où il fut enterré, « à fleur de terre, dans un fossé situé à environ deux kilomètres à droite de cette Fuente Grande, dans un endroit très difficile à localiser ». Le gouvernement andalou assure que les recherches pour retrouver le corps de Garcia Lorca vont reprendre, dans l’espoir d’élucider définitivement l’un des crimes les plus commentés de la guerre civile.
Sandrine Morel (Madrid, correspondance)
Journaliste au Monde