« Nul ne peut dire si Lula sera réélu en 2006. Ce qui est sûr, c’est qu’il a renoncé à la rupture avec le néolibéralisme. Arrivant au pouvoir au milieu d’une crise de confiance des marchés financiers, Lula a choisi de les rassurer en augmentant les taux d’intérêts et en serrant la ceinture de l’Etat. Il a dépassé les exigences du FMI en matière de réduction des déficits. Il a certes interrompu les privatisations, mais a développé les ‘partenariats public-privé’ pour réduire les investissements publics. Il n’a pratiquement pas augmenté le salaire minimum, mais a développé des politiques sociales d’assistance peu coûteuses mais populaires auprès des pauvres » [1].
Ce bilan date d’octobre 2005 et non pas 2006… En effet, ce 1er octobre, le président brésilien n’a obtenu que 48,6% des votes contre 41,6% au candidat de droite, Geraldo Alckmin, et 6,85% pour la candidate du « Front de la gauche » (P-SOL, PSTU, PCB), Heloísa Helena [2].
En 4 ans, l’étoile rouge du PT a pâli : il fut impliqué dans des cas de corruption (achat des votes de députés de droite… pour voter des contre-réformes néolibérales !). Le budget de la réforme agraire a été sensiblement réduit3.
L’ex-gauche du PT est divisée : certains secteurs considèrent que le gouvernement est « en dispute » et prônent « la refondation du PT » ; d’autres – exclus ou non du PT – concluent au caractère irrémédiable du cours néolibéral.
Pour le deuxième tour du 29 octobre, des intellectuels (critiques envers le PT) et des dirigeants de mouvements sociaux appellent à « barrer la route à la droite » en votant Lula ; mais le P-SOL n’a donné aucune consigne de vote4.
Nous publions des extraits de la déclaration du P-SOL, ainsi que des références à divers sites contenant des articles sur le Brésil.
Hans-Peter RENK
Notes
1 Thomas Coutrot, « Brésil, l’impossible rupture », in : Politis, no 871 (oct. 2005).
2 Sénatrice de l’Etat d’Alagoas, expulsée du PT avec 3 député-e-s en janvier 2004 pour avoir voté contre une « réforme » néolibérale des retraites des fonctionnaires. Les exclu-e-s ont depuis lors constitué le Parti Socialisme et Liberté (P-SOL).
3 Le ministre de la réforme agraire, Miguel Rossetto (membre de la tendance « Democracia socialista ») se retrouve dans la situation pénible de l’inaugurateur de chrysanthèmes…
4 Sur les résultats des divers scrutins (Parlements fédéral et des Etats), cf. João Machado, « Lula fragilisé », Rouge, no 2175, 5.10.2006
Position du P-SOL sur le deuxième tour
Nous voulons remercier les 6 575 393 électeurs/trices qui ont voté pour notre candidate présidentielle, Heloísa Helena, et qui ne se sont pas laissés tromper par la fausse polarisation médiatique ou par l’argument électoraliste du vote utile. Ils ont rejeté les deux partis défenseurs du modèle néolibéral, totalement corrompu, et confirment qu’il est possible de construire, au Brésil, une alternative de gauche cohérente.
Nous remercions tous ceux qui ont voté pour nos candidat-e-s dans les divers scrutins, permettant ainsi la réélection de Luciana Genro, Chico Alencar et Ivan Valente, l’élection de deux nouveaux députés au Parlement d’Etat de São Paulo et d’un député à Rio de Janeiro. Nous regrettons la non-réélection de João Alfredo, Maninha, Fantazzini et Baba, quatre combattant-e-s socialistes qui sont l’honneur de notre parti.
En remerciant particulièrement les candidats du « Front de la gauche » dans tout le Brésil, nous voulons aussi rendre hommage à notre candidate présidentielle, dont les efforts et l’abnégation durant cette campagne furent un exemple militant pour tout notre parti. Les témoignages d’affection reçus par Heloísa Helena montrent une profonde identification d’une partie importante de notre peuple avec notre principale porte-parole. Beaucoup de gens lui disaient : « Heloísa, tu es notre dernier espoir. Tiens bon ! Ne flanche pas ! Tu gagneras la prochaine fois ».
(…) Pour le second tour, l’exécutif national du P-SOL a décidé de ne donner aucune consigne de vote, ni pour Lula, ni pour Alckmin.
(…) Ayant combattu durant 8 ans le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso, et durant 4 ans celui de Lula comme continuateur des politiques néolibérales, nous ne briserons pas 12 ans de lutte en deux jours. La position du P-SOL concerne ses membres : dans le secret de l’urne, ceux-ci ont le droit de faire ce qu’ils veulent, mais pas publiquement. Une clause d’autant plus importante pour nos figures publiques (députés, sénatrice, conseillers municipaux ou dirigeants syndicaux) que des déclarations aux médias seraient considérées comme une campagne en cours. C’est pourquoi notre décision a un caractère contraignant.
(…) Nous appelons le peuple brésilien à ne se fier à aucun des deux candidats et à se préparer à la résistance et au combat contre la politique du vainqueur, quel qu’il soit.
Sigles :
– PSTU : Parti socialiste des travailleurs unifiés, extrême gauche
– PCB : Parti communiste brésilien
– PSDB : Parti social-démocrate brésilien, néolibéral.
Sites à consulter :
– www.inprecor.org (revue INPRECOR, archives 2003-2006)
– www.risal.collectifs.net (Réseau de solidarité avec l’Amérique latine, rubrique « Brésil »)
– www.psol.org.br/ (Partido Socialismo e Liberdade)
– www.rebelion.org (rubrique « Brésil »)
– http://www.pt.org.br/ (Partido dos Trabalhadores, Brésil)
– www.democraciasocialista.org.br/ds/ (Democracia socialista, tendance du PT)