« Non, non, non ! » La réponse de Tony Abbott, le premier ministre conservateur australien, est ferme : son pays n’accueillera pas un seul des milliers de boat people en perdition depuis des semaines en mer des Andaman, dans le Sud-Est asiatique. « Si nous faisons la moindre chose qui puisse encourager des gens à monter sur des bateaux, le problème s’aggravera », s’est-il justifié.
Des photos des exilés sur leur navire, visiblement affamés et désespérés, ont fait le tour du monde. Il s’agit de membres de l’ethnie rohingya, une communauté musulmane vivant pour l’essentiel en Birmanie et considérée par les Nations unies comme l’une des plus persécutées de la planète. Les bateaux transportent également des Bangladais fuyant la misère.
M. Abbott a fait ces déclarations alors que l’Indonésie et la Malaisie ont radicalement changé leur gestion de cette crise humanitaire. Ces deux pays, ainsi que la Thaïlande, ont d’abord refoulé les bateaux de migrants hors de leurs eaux territoriales, poussant les Nations unies à dénoncer « un ping-pong humain ». Mais mercredi 20 mai, Djakarta et Kuala Lumpur ont promis d’offrir « un refuge provisoire » à des milliers d’exilés « à condition qu’ils soient relocalisés ou rapatriés par la communauté internationale » d’ici un an.
Le premier ministre australien, lui, s’était bien gardé de critiquer l’Indonésie et la Malaisie quand elles repoussaient les navires transportant les migrants. Car c’est justement sa politique. En septembre 2013, Tony Abbott s’était en partie fait élire sur la promesse d’« arrêter les bateaux ». Objectif atteint : les clandestins voulant rejoindre l’Australie par la mer sont renvoyés loin des côtes, souvent vers l’Indonésie.
« L’Australie est plus généreuse que cela »
Jeudi, suite aux déclarations de Tony Abbott, Djakarta a d’ailleurs rappelé son riche voisin australien à ses devoirs. « Les pays qui ont signé la convention des Nations unies sur les réfugiés [comme l’Australie et contrairement à l’Indonésie] ont une responsabilité, celle de montrer qu’ils croient en ce qu’ils ont signé », a déclaré un porte-parole du ministère des affaires étrangères. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a demandé à l’Australie de coopérer avec ses voisins.
En Australie, les opposants au gouvernement ont souligné que les Etats-Unis, eux, avaient proposé d’accueillir une partie des réfugiés. Le chef de l’opposition travailliste, Bill Shorten, a appelé Tony Abbott à cesser de simplifier la situation. « Nous devrions travailler avec nos voisins et voir ce que nous pouvons faire pour aider », a-t-il plaidé. « L’Australie est plus généreuse que cela », a poursuivi Bill Shorten. Certains ont rappelé que l’île-continent avait accueilli des milliers de boat people vietnamiens après la guerre du Vietnam.
Pour Tony Abbott, « les pays les plus proches du problème » doivent trouver une issue à la crise. Il accuse la Birmanie d’être « le coupable ». Ce pays refuse toujours de reconnaître l’ethnie rohingya, mais sous la pression internationale, s’est dit prête à offrir une aide humanitaire aux migrants. Quinze pays, dont la Birmanie, l’Australie, l’Indonésie, la Malaisie et les Etats-Unis, participeront à un sommet régional le 29 mai à Bangkok.
Caroline Taïx (Sydney, correspondance)
Journaliste au Monde