Pour porter un regard rétrospectif sur la crise du RSDN et ses leçons, nous mettons en ligne sur ESSF trois documents. Ils ne sont pas exhaustifs, mais permettent d’alimenter une réflexion qui dépasse le seul cas de ce réseau.
Communiqué du Réseau Sortir du Nucléaire
Fin des procédures juridiques après le putsch de 2010 au réseau sdn.
Le Réseau Sortir du nucléaire sort de 5 ans de crise et repart de l’avant
Jeudi 21 mai 2015 devant le juge de la Cour d’appel de Lyon, un premier protocole d’accord entre trois anciens membres du CA du réseau Sortir du Nucléaire et des représentants de la nouvelle majorité issue de l’AG de janvier 2015 était conclu et validé par la justice .
Ce protocole met fin à un conflit provoqué par l’éviction de la majorité du CA en 2010. Il reconnaît la nullité de la procédure et de l’AG qui a conduit à cette éviction et par la suite au licenciement de Stéphane Lhomme.
Dans un deuxième temps un second protocole a été signé, il reconnaît la nullité du licenciement de Stéphane Lhomme et lui attribue des indemnités de licenciement et des dommages et intérêts.
Par ces deux actions et conformément aux engagements pris à plus de 70% des mandats lors de l’AG du réseau en janvier 2015 s’ouvre la possibilité d’un congrès des associations antinucléaires dans lequel tous les groupes, adhérents ou pas, vont pouvoir prendre place. Cela n’a été possible que grâce à l’engagement de dizaines de groupes locaux fatigués des divisions qui nous affaiblissent depuis l’AG de 2010.
Bien sûr, cette décision de redonner leur légitimité aux évincés et au licencié trouve encore quelques farouches opposants qui utilisent tous les moyens pour faire connaître leur refus. Mais par ces deux accords et à la veille de la COP 21 sur le réchauffement climatique, les antinucléaires ont enfin la possibilité de parler d’une voie forte et audible.
La démarche pour la tenue d’un congrès est donc enclenchée. Il est temps désormais qu’une nouvelle génération participe à l’activité d’un réseau plus démocratique, respectueux des droits et devoirs des bénévoles et des salariés, s’appuyant sur le dynamisme et les compétences des groupes locaux, limitant la durée des mandats et se préoccupant avant tout de lutter contre le recours au nucléaire civil et militaire
Martial Chateau, Pierric Duflos, Simone Fest, Jean-Louis Gaby, Thierry Gourvenec, Catherine Fumé, Philippe Guiter, Didier Latorre, administrateurs du Réseau Sortir du nucléaire
Adresse aux Administrateurs de SDN
Pierre Péguin
Un compromis a donc été adopté entre le réseau sdn et les trois membres de l’ancienne majorité du Conseil d’Administration révoqués au cours de l’Assemblée Générale de début 2010, dont je suis. Nous avions porté plainte car cette AG avait été manipulée pour effectuer un putsch en faveur de la direction salariée et de la minorité du CA.
Ce compromis est parallèle à celui convenu avec l’ancien porteparole du CA licencié honteusement, il ne satisfait pleinement ni le CA du rsdn, ni nous « les plaignants ». Il a fallu forcément nuancer nos propos, et par exemple de notre coté nous n’exprimons pas que le droit (les statuts), et la morale ont été bafoués par les putschistes ; nous n’évoquons pas la « grève des jaunes » destinée à poser les conditions favorables au putsch ; nous n’appelons pas à une chasse aux sorcières vis à vis des responsables, même si nous estimons que ceux-ci sont généreusement rémunérés bien qu’ayant brisé l’une des mouvances de l’antinucléaire, etc. etc. Par contre nous tenions à ce que soit reconnu le poids que cette affaire a pesé sur notre vie personnelle et militante (préjudice moral pourra être recyclé dans l’associatif).
Je voudrais remercier tout d’abord la nouvelle majorité du réseau qui a permis la résolution de ce conflit en acceptant ce compromis, et remercier également les militants antinucléaires qui nous ont soutenu, ceux -nos camarades- du CA révoqués et tous les autres qui ont suivi les suites de cette affaire depuis maintenant 5 ans.
Je voudrais dans ce qui suit évoquer maintenant l’avenir, et pour cela faire un petit retour sur le passé.
Petit retour sur le passé, cette crise a révélé une dérive et des défauts majeurs du rsdn dont il faut tenir compte pour l’avenir.
• Dérive, elle est d’abord politique. Pour être en phase avec l’accord EELV/PS en préparation à minima sur le nucléaire, pour s’assoir à la table des grandes ONG généralistes pour lesquelles le nucléaire n’est qu’un problème écologique parmi d’autres (avec peut-être des ambitions de carrière pour certains…), il fallait rendre la stratégie antinucléaire du réseau acceptable par l’idéologie dominante, c’est à dire peu radicale avec la revendication d’une « sortie » à long terme.
Le porteparole Stéphane Lhomme ne l’entendait pas ainsi et soutenu par notre majorité du CA. Il a tout fait pour éviter cette dérive et c’est à l’occasion de Copenhague 2009 que les divergences sont apparues les plus fortes. Il fallait donc le licencier, et puisque nous le refusions, il fallait révoquer le CA par un putsch permettant de faire élire un CA « à la botte ».
On assiste là à une prise de pouvoir par les salariés sur les bénévoles élus de l’association.
• Défauts, la crise du mouvement antinucléaire provoquée par le putsch a redonné de la vigueur aux structures de base qui oeuvraient déjà hors du réseau, et à celles qui l’ont quitté. Il est apparu de plus en plus clairement que ce réseau n’avait en fait plus rien d’un réseau ; au lieu de mettre en lien horizontalement les groupes de base qui agissent sur le terrain, une énorme machine pyramidale s’était construite avec la prétention de « diriger » l’antinucléaire, quitte à récupérer les initiatives de la base, bénéficiant de l’essentiel des dons des sympathisants pour rémunérer (généreusement) un personnel pléthorique quant à son (in)efficacité.
Il me faut avouer que cela s’est construit sous notre mandat. Prisonnier d’une logique paraissant évidente, faisant confiance à des salariés et leur directeur, ne voyant pas venir ce qui se préparait, nous avons accompagné cette évolution jusqu’à ce que les divergences deviennent trop fortes et que nos adversaires choisissent la solution brutale du putsch pour imposer leurs choix.
Et maintenant ? Et bien maintenant il faut tirer la leçon de tout cela. On ne peut plus envisager d’agir dans le cadre d’un réseau pyramidal, décideur, gaspillant les sommes considérables de dons. Par contre un pool de services (reproduction de documents, diffusion, chargés de mission détachés à un endroit puis un autre, organisation de rencontres, etc.), au service des groupes de base actuellement asphyxiés par le manque de moyens, pourrait être utile.
Face à la barbarie nucléaire, l’axe de lutte doit avoir pour perspective « l’arrêt de nucléaire immédiat ou quasi immédiat », c’est à dire immédiat pour une partie du parc et différé d’un tout petit nombre d’années pour le reste. Après St Laurent des Eaux, Three Miles Island, Tchernobyl, Fukushima, on sait que c’est un miracle que nous n’ayons pas eu encore de catastrophe. Les luttes locales doivent continuer à mettre des bâtons dans les roues du nucléaire, mais la perspective doit être la plus radicale possible, on a déjà laissé faire trop de crimes.
Il y a-t-il une place pour le rsdn dans tout cela ? Il n’est pas évident que celui-ci sache évoluer pour s’adapter à un rôle plus modeste et plus efficace, la signature récente du texte collectif du RAC montre qu’il reste encore dans une stratégie consensuelle qui ne fait de mal à personne et surtout pas au nucléaire. Et quant au personnel en place, je me demande comment travailler avec ceux qui ont oeuvré à un tel délit, quelle confiance peut-on accorder à ceux qui ont été capables d’une telle fourberie, pour qui et pour quoi roulent-ils ?
Enfin quand on a pris conscience que la nucléocratie au pouvoir est prête à nous faire vivre dans un univers contaminé, quand on sait qu’au dela des maladies directement induites par l’irradiation et la contamination, aussi faibles soient-elles, les conséquences génétiques transmissibles sont considérables, il faut appeler nucléaire civil et militaire, « crime contre l’humanité ». Et pour terminer, s’il est évident qu’il faudra que la mouvance antinucléaire se mobilise à l’occasion de la conférence climat, et au-delà de toutes les luttes, dont aucune n’est à négliger, je pense maintenant qu’une lutte radicale devrait se développer contre les transports de produits radioactifs. Si la question de la gestion insoluble des déchets radioactifs est un talon d’Achille, les multiples trans ports sans lesquels le nucléaire ne peut continuer en est un autre : dénonciation du manque de protection des transports de matières radioactives, ralentissement les camions par des actions médiatisables, pouvant aller jusqu’au blocage, arriver à imposer des normes trop couteuses, etc.
Pierre Péguin, le 21 mai 2015
Après 5 ans de crise, les évictions de 2010 enfin annulées
Samedi 23 mai 2015
Stéphane Lhomme
Administrateur du Réseau Sortir du nucléaire de 2000 à 2002
Salarié du Réseau Sortir du nucléaire de 2002 à 2010
Actuellement Directeur de l’Observatoire du nucléaire
Réseau Sortir du nucléaire : après 5 ans de crise, les évictions de 2010 enfin annulées devant la Cour d’appel de Lyon
Jeudi 21 mai 2015, devant la Cour d’appel de Lyon, l’éviction du Conseil d’administration du Réseau Sortir du nucléaire, qui a eu lieu en février 2010, a officiellement été déclarée nulle. Simultanément, mon licenciement en avril 2010 a fait l’objet d’un accord le déclarant lui aussi nul et permettant de clore la procédure en cours devant les Prud’hommes. Il s’agit donc de la fin de cinq ans de crise qui ont durablement affaibli le mouvement antinucléaire français, ce qui était d’ailleurs probablement le but de toute cette affaire.
Pour mémoire, lors de son assemblée générale annuelle de février 2010, le Réseau Sortir du nucléaire a été l’objet d’un véritable putsch fomenté par le directeur : s’appuyant sur une fausse grève des salariés travaillant sous sa surveillance au siège de l’association, agitant la menace de la disparition du Réseau en cas de non respect des exigences des « grévistes », il avait contraint l’Assemblée générale à démettre l’ensemble des administrateurs pour les remplacer par d’autres recrutés par lui, dont certains jamais vus dans l’association. Peu de temps après, il me faisait licencier par ces nouveaux administrateurs.
Rapidement, l’engagement militant du Réseau Sortir du nucléaire a été édulcoré : la lutte pour faire fermer au plus vite les réacteurs nucléaire a laissé place à des revendications floues et, surtout, compatibles avec les compromis des notables de l’écologie politique, en quête de strapontins ministériels ou parlementaires.
Pendant 5 ans, des démarches opiniâtres ont été menées pour tenter de rétablir la démocratie dans le Réseau Sortir du nucléaire. Chaque année, des motions demandant l’annulation des évictions de 2010 étaient présentées, mais arbitrairement décrétées « irrecevables ». Aussi, en 2012, constatant la persistance de ce blocage arbitraire, trois des administrateurs évincés se sont portés volontaires pour entamer une action en justice civile, pendant que je saisissais simultanément les Prud’hommes.
En 2014, une trentaine de groupes adhérents, parmi les plus actifs sur le terrain, ont initié une démarche démocratique pour condamner le putsch de 2010 et relancer un véritable engagement antinucléaire. Après plusieurs mois de travail collaboratif, cette démarche exemplaire a porté ses fruits lors de l’Assemblée générale de février 2015 avec l’élection de 6 administrateurs (sur 9) porteurs de cette démarche et l’adoption, à plus de 75% de voix, des motions démocratiques proposées.
C’est ainsi que cette triste affaire a pu trouver enfin une issue digne et démocratique ce jeudi 21 mai 2015 devant la Cour d’appel de Lyon. Les textes reconnaissent et dénoncent les agissements de 2010 :
Concernant les anciens administrateurs : « La révocation du Conseil d’Administration du Réseau Sortir du nucléaire lors de l’Assemblée Générale de février 2010 a été basée sur des accusations créées pour la circonstance pendant laquelle ont été utilisées des méthodes (tractations et manœuvres en coulisse) qui n’étaient ni justifiées, ni acceptables. »
Concernant Stéphane Lhomme : « Ce licenciement abusif a été basé sur des accusations créées pour la circonstance et mis en œuvre suite à l’assemblée générale du Réseau Sortir du nucléaire de février 2010 avant et pendant laquelle ont été utilisées des méthodes (tractations et manœuvres en coulisse) qui n’étaient ni justifiées, ni acceptables. »
Les trois anciens administrateurs se voient attribuer chacun 1500 euros de préjudice (reversés à une caisse de solidarité pour les associations attaquées) et 1500 euros de remboursement des frais de procédure. Pour ma part, outre les indemnités légales (environ 10 000 euros) et le remboursement des frais engagés, je recevrai 37.460 € au titre des « dommages et intérêts ».
Cette somme peut sembler importante de prime abord, mais en réalité elle couvre à peine la moitié de ce que j’ai perdu depuis 5 ans (en totalisant les salaires que j’aurais perçus si je n’avais pas été licencié, moins les allocations assedics puis les smics que j’ai perçus). Et je ne suis évidemment pas dédommagé pour ce que je vais perdre à l’avenir, selon le même mode de calcul, ni pour le précarité de ma situation (ces précisions non pour faire pleurer sur mon sort mais parce que de « bonnes âmes » essaient de faire croire que je serais « gagnant » dans cette affaire, ce qui est risible quand on pense à tout ce qu’il a fallu subir pendant 5 ans).
De toute façon, vous le savez, l’argent n’a jamais été ma motivation. J’ai d’ailleurs accepté un étalement des versements jusqu’au premier semestre 2016 afin de ne pas pénaliser le fonctionnement du Réseau Sortir du nucléaire, ou plutôt pour ne pas mettre en difficulté la nouvelle majorité : elle est toujours confrontée à trois administrateurs putschistes et à plusieurs salariés faux-grévistes en 2010, dont le fameux « directateur », toujours en place et occupé à manœuvrer en coulisse au lieu d’agir contre le nucléaire.
Il est bien difficile de savoir si le Réseau Sortir du nucléaire pourra être remis sur les bons rails mais, dans l’immédiat, il est bien légitime de se réjouir de la bonne nouvelle si longtemps attendue : la nullité officielle et définitive de l’éviction des administrateurs et de mon licenciement survenus en 2010.
Je remercie toutes les personnes qui ont fait part de leur soutien moral, celles qui ont aidé financièrement pour les procédures, et celles qui aident aujourd’hui au financement de l’Observatoire du nucléaire. Ce dernier me permet de toucher un salaire, aussi modeste soit-il, pour combattre l’industrie nucléaire… avec une certaine efficacité comme l’a montré la récente victoire judiciaire contre Areva [1].
Merci encore à toutes et tous.
Stéphane
Stéphane Lhomme, samedi 23 mai 2015