Les « institutions » prennent de nouvelles mesures pour couler l’économie grecque après que le gouvernement ait décidé de convoquer un référendum sur les conditions de sauvetage, le 5 juillet. En fait, le but des négociations n’a jamais été d’améliorer la situation économique, mais de faire tomber le gouvernement, et de prévenir une éventuelle contagion politique ailleurs en Europe.
L’Europe est hantée par un spectre, et ce spectre se nomme « alternatives démocratiques à l’austérité ». Le gouvernement Syriza de la Grèce en est l’incarnation, ce qui explique pourquoi la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE) se sont alliées avec le FMI pour l’exorciser. À quelques exceptions près, les partis politiques de tous bords soutiennent tacitement ou activement la coalition antiSyriza.
Depuis sa victoire électorale du mois de janvier, Syriza a vainement cherché à obtenir un allègement des ruineuses mesures d’austérité imposées aux gouvernements précédents, dont les ravages économiques et sociaux n’ont de commune mesure que dans des situations d’après-guerre, qui ont font de la reprise un but inatteignable et qui ont alourdi le fardeau de la dette.
En dépit de sa promesse électorale de mettre fin à l’austérité, le gouvernement a épongé toutes les liquidités disponibles dans le pays, et sabré dans les dépenses pour atteindre un excédent budgétaire qui lui permette de rembourser ses créanciers. Les « institutions » (appellatif qui désigne Commission, la BCE et le FMI, qui remplacent désormais la Troïka) ont clairement fait entendre, dès le premier jour, que la réduction de la dette, seule solution réaliste à la crise persistante, n’était pas négociable et dès lors, le gouvernement, qui a patiemment cherché à négocier, et a même accepté la poursuite d’un plan de sauvetage ruineux, à des conditions qui privent l’économie nationale de milliards d’euros dont elle a un cruel besoin, s’est heurté à une fin de non-recevoir, et a dû faire face au mépris, voire aux insultes de ses interlocuteurs.
Les « institutions » refusent cyniquement toute responsabilité pour l’effondrement généralisé de l’économie grecque, pourtant prévisible. Les modestes mesures introduites par le gouvernement pour assurer l’alimentation de base et l’accès à l’électricité aux couches les plus vulnérables de la population ont été dénoncées et taxées de mesures « unilatérales » et inacceptables. Pour le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, dont la principale distinction en date est d’avoir consolidé la place du Luxembourg parmi les paradis fiscaux pour sociétés multinationales, aucune proposition fiscale des autorités grecques ne va assez loin. Les mesures gouvernementales visant à maintenir un minimum du système de négociation collective et de la protection sociale ont été condamnées sans relâche. La BCE a orchestré une fuite de capitaux et une ruée sur les banques, en limitant l’accès aux capitaux des banques grecques, qu’elle arrose de liquidités d’urgence tout juste suffisantes pour maintenir la pression.
Les « institutions » viennent de prendre de nouvelles mesures visant à faire couler l’économie grecque, en réponse à la décision du gouvernement de convoquer un référendum sur les conditions de sauvetage, le 5 juillet. L’objectif est de renforcer le pouvoir des banques et des soi-disant technocrates (dont le rôle est, en fait, éminemment politique) et de rappeler aux citoyens grecs qu’ils ne faut jamais, ne serait-ce qu’imaginer de défier le pouvoir de la finance.
La vérité est que la barbarie sociale que l’on appelle austérité n’a jamais été en mesure d’obtenir les résultats qu’elle était censé fournir.
Le but des négociations n’a jamais été d’améliorer l’économie, leur but est de transformer le régime, et de prévenir une éventuelle contagion politique ailleurs en Europe.
En 1953, lors de la conférence de Londres, les créanciers de l’Allemagne ont accepté d’effacer la moitié de la dette d’avant-guerre de l’Allemagne, pourtant considérable. Dans la foulée, ils ont décidé que l’Allemagne ne paierait le solde que pour autant qu’elle soit en mesure de dégager un excédent commercial. À défaut d’excédent, pas de paiement. L’accord de Londres était de nature politique : il avait pour but de renforcer la position de l’Allemagne dans le contexte de la guerre froide. La décision de porter atteinte au gouvernement de gauche grec est également politique. On nous a sans cesse martelé, tout au long de ces 6 mois de négociations, que l’Europe peut résister à un défaut de paiement de la Grèce et à sa sortie de l’euro. Or cet affirmation peut être prise à rebours : l’Europe serait en mesure de digérer facilement l’effacement d’une partie substantielle de la dette grecque. Ce serait, soit dit en passant, bénéfique pour tout le monde. Mais les « institutions » sont déterminées à donner une leçon politique, et pas seulement à l’intention de la Grèce.
Tout au long des négociations, le gouvernement a défendu sa position patiemment, parfois même de façon éloquente. Les mesures limitées qu’il a proposées pour protéger les travailleurs, les retraités et les plus démunis contre les ravages d’une dépression sans précédent auraient été perçues comme étant d’un keynésianisme des plus modérés, il y a trente ans. Le fait qu’on les dénonce aujourd’hui comme une menace pour l’ordre européen en dit long sur cet ordre-là et sur la crise sous-jacente de la politique européenne et mondiale. La victoire électorale de Syriza a montré la puissance que pourrait avoir un vaste mouvement de gauche qui serait prêt à mettre en question le statu quo. Pour que Syriza puisse continuer le combat, la solidarité est, aujourd’hui, plus importante que jamais. Aux syndicats de l’organiser !