Un sommet des chefs d’État des 28 pays membres de l’Union européenne devait se tenir dans la soirée. Il a été remplacé par une rencontre entre les 19 pays composant la monnaie unique.
En Grèce, les banques du pays sont fermées depuis plus de dix jours. Les retraits aux distributeurs sont, quant à eux, toujours limités à 60 euros par personne et par jour.
Trois conditions pour la Grèce
Le texte commun adopté par les ministres des finances de la zone euro conditionne l’ouverture de négociations sur un nouveau plan d’aide à trois points : « Un, l’adoption de lois d’ici au 15 juillet. Deux, des conditions dures sur, par exemple, les réformes du marché du travail ou des retraites, la TVA ou les impôts. Trois, des mesures sévères aussi sur, par exemple, les privatisations », a annoncé le ministre finlandais Alexander Stubb.
Le texte est désormais entre les mains des chefs d’Etat de la zone euro, actuellement réunis à Bruxelles pour parvenir à un accord.
Si les Grecs acceptent au final les conditions qui leur sont posées, la zone euro donnerait son feu vert à l’ouverture de nouvelles négociations entre Athènes et ses créanciers pour un troisième plan d’aide, de plus de 74 milliards d’euros sur trois ans.
Le Monde 12.07.2015 à 16h46
Crise grecque : quelle est la position de l’Allemagne ?
L’Allemagne, contrairement à la France, ne fait pas confiance à Athènes pour la mise en œuvre de ses réformes. De plus, elle les juge insuffisantes.
Alors que l’Eurogroupe tentait de se mettre d’accord sur la position à adopter sur le dossier grec, samedi 11 juillet : continuer ou non à aider —substantiellement — le pays (à hauteur d’environ 74 milliards d’euros tout de même) pour lui éviter la banqueroute et une éventuelle sortie de l’euro ? Une source allemande a confirmé au Monde que, comme l’indique la Frankfurter Allgemeine Sontagszeitung (FAS), le ministère des finances allemand a préparé un document envisageant deux hypothèses pour la Grèce : la première verrait Athènes améliorer rapidement ses projets de réformes et transférer des biens dont la vente rapporterait 50 milliards d’euros dans un fonds uniquement destiné au remboursement de la dette. Ce serait un équivalent européen de ce qu’était la Treuhand, l’organisme chargé après la réunification allemande de privatiser les biens appartenant à la RDA.
La seconde se traduirait par une suspension de la Grèce de la zone euro pendant au moins cinq ans, le temps pour elle de restructurer sa dette, le pays restant pendant cette période membre de l’Union européenne. Elle serait évidemment plus spectaculaire et plus radicale. Si le papier a été validé par la chancellerie, on ne peut pas exclure qu’Angela Merkel privilégie la première hypothèse alors que Wolfgang Schäuble, son ministre des finances privilégie la seconde. Ce document n’a pas été discuté samedi lors d’une réunion de l’Eurogroupe à Bruxelles. « C’est un papier de préparation interne », a souligné une source proche des discussions.
La dette au centre des débats
La question de la dette grecque, dont l’Allemagne ne voulait pas entendre parler, est au centre des débats. Pour l’Allemagne, un « haircut classique », une annulation d’une partie de la dette, est politiquement impensable. En revanche, Berlin est prêt à envisager d’autres options « plus douces » pour les créanciers.
Le dossier grec divise Paris et Berlin. Officiellement, le gouvernement allemand ne voit pas d’un mauvais œil l’aide apportée par Paris à la Grèce pour que le gouvernement d’Alexis Tsipras formalise ses propositions. « Tout ce qui permet de rapprocher Athènes des demandes de ses partenaires européens est une bonne chose » dit-on à Berlin. En revanche, il est assez clair qu’Angela Merkel et son entourage ont peu apprécié que François Hollande juge vendredi matin les propositions grecques de « sérieuses » et « crédibles ». Berlin qui n’est pas sur la même ligne aurait sans doute préféré davantage de réserve de la part de l’Elysée. La chancelière a d’ailleurs téléphoné à François Hollande. Son entourage ne confirme ni ne dément que la discussion ait été tendue comme l’indique la FAS.
Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant)
journaliste
* Le Monde.fr | 12.07.2015 à 00h04 • Mis à jour le 12.07.2015 à 07h04.
Le SPD allemand pris dans la tourmente grecque
Quelle que soit l’issue de la crise grecque, celle-ci a déjà fait une victime en Allemagne : le parti social-démocrate. Coincé entre la solidarité gouvernementale et une gauche européenne plutôt encline à soutenir les Grecs, le SPD n’a plus de boussole, et son président, Sigmar Gabriel, multiplie les sorties de route.
Cela a commencé dès l’annonce du référendum en Grèce. Après un week-end de flottement, Sigmar Gabriel décide le lundi 29 juin d’adopter une position encore plus dure qu’Angela Merkel. La vraie question du référendum à venir, explique-t-il, c’est, pour les Grecs, de dire s’ils sont « pour ou contre le maintien de la Grèce dans la zone euro ». Voilà les Grecs prévenus. Au passage, Sigmar Gabriel accuse Alexis Tsipras de vouloir en fait détruire la zone euro en s’affranchissant des principes fondateurs de la monnaie unique.
Le soir du référendum, même tonalité. Alors que les dirigeants du SPD sont priés de ne pas s’exprimer, Sigmar Gabriel s’affranchit du principe qu’il a lui-même édicté. Tsipras a « rompu tous les ponts avec l’Europe ». Dans ces conditions, une nouvelle aide à la Grèce est « difficilement envisageable », explique-t-il au Tagesspiegel.
Réunion houleuse avec les dirigeants du parti
Le président du SPD préconise donc une sortie de la Grèce de la zone euro. Les camarades n’en reviennent pas. Le lundi, à l’issue d’une réunion houleuse des dirigeants du parti, Sigmar Gabriel est plus nuancé. Il faut maintenant reconstruire des ponts avec la Grèce !
Vendredi matin, alors que le gouvernement allemand refuse de se prononcer sur les dernières propositions d’Athènes, qualifiées de « sérieuses et constructives » par François Hollande, le SPD se positionne sur la même ligne que la France et se félicite qu’Athènes fasse, enfin, un pas vers ses créanciers.
Samedi 11 dans la soirée, fuite la proposition du ministre des finances allemand de contraindre la Grèce à « sortir temporairement » de la zone euro. Dans un premier temps, Carsten Schneider, numéro deux du groupe social-démocrate au Bundestag, explique sur Twitter que cette proposition n’est pas sérieuse et menace la zone euro. Michael Roth (SPD), secrétaire d’Etat aux affaires européennes – et donc théoriquement au cœur de la machine gouvernementale – retweete même le message.
Dépassé par la situation
Seul problème : Sigmar Gabriel était au courant. Peu avant minuit, celui-ci publie la déclaration suivante sur Facebook : « Le but du SPD est et reste de maintenir la Grèce dans la zone euro si les conditions nécessaires sont réunies. C’est aussi le but de tout le gouvernement. Et c’est ce dont il est question à Bruxelles. Le SPD attache une importance particulière à une démarche commune et concertée avec la France. Le SPD connaît naturellement la proposition du ministre des finances Wolfgang Schäuble d’une sortie temporaire de la Grèce de la zone euro. Dans cette situation difficile, chaque proposition concevable doit être étudiée de manière impartiale. Mais cette proposition ne serait réalisable que si le gouvernement grec la tenait, lui aussi, pour la meilleure solution possible. »
Dimanche, le SPD tente de limiter la casse en expliquant qu’il était au courant de la proposition Schäuble, mais qu’il ne l’approuve pas. Ce qui ne saute pas aux yeux. Le communiqué de Sigmar Gabriel dit à peu près tout et son contraire puisqu’il fait comme si la France n’était pas contre le « Grexit » et que le gouvernement grec n’avait pas lui aussi rejeté la proposition de Wolfgang Schäuble.
La crise grecque va manifestement laisser des traces au sein du SPD car, pour la première fois qu’il est vice-chancelier, Sigmar Gabriel semble dépassé par la situation et est remis en cause par une partie du SPD qui le taxe de populisme. Seul espoir pour les sociaux-démocrates : qu’Angela Merkel approuve un accord pour aider une nouvelle fois la Grèce et, ce faisant, provoque une division de la CDU encore bien plus profonde qu’un « Grexit » ne diviserait le SPD.
Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant)
* Le Monde.fr | 12.07.2015 à 14h37 • Mis à jour le 12.07.2015 à 16h28 .
Grèce : le projet d’accord durcit encore les réformes exigées
Les ministres des finances se sont quittés dimanche après-midi, certains évoquant des « progrès » vers un accord d’ici ce soir. C’est au tour des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro de se réunir. Athènes risque de devoir avaler encore quelques couleuvres.
De notre (Mediapart) envoyé spécial à Bruxelles. Le sommet des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro s’est ouvert dimanche après-midi à Bruxelles, sur fond d’un regain de tensions entre Paris et Berlin sur la Grèce. « Il n’y aura pas d’accord à n’importe quel prix », a prévenu Angela Merkel à son arrivée. « La France va tout faire pour trouver un accord ce soir », lui a répondu François Hollande.
De son côté, Alexis Tsipras, le premier ministre grec, a dit espérer un « compromis honnête ». Quand à Jean-Claude Juncker, le président de la commission, il a promis de « (se) battre jusqu’à la dernière milliseconde pour un accord ». État des lieux des négociations, tandis que la menace d’un Grexit désordonné n’est toujours pas écartée.
Quel est l’enjeu des heures à venir ?
À défaut d’un feu vert pour un nouveau plan d’aide, qui semble hors de portée dimanche soir, les membres de la zone euro ont besoin, d’ici lundi matin, d’envoyer un signal politique à Mario Draghi, le patron de la Banque centrale européenne (BCE), s’ils veulent éviter la sortie de la Grèce de la zone euro. Draghi est présent à Bruxelles et participe aux discussions. Il veut savoir s’il y a encore une chance de débloquer un nouveau plan d’aide pour Athènes, dans les jours à venir, et lui éviter le défaut.
Depuis des semaines, le système bancaire grec ne tient plus qu’à un fil, grâce aux « liquidités d’urgence » débloquées par l’institution de Francfort. À tout moment, la BCE, indépendante par ses statuts, peut estimer que ce programme (dit ELA, pour emergency liquidity assistance) est caduc. Si l’institution décide d’en finir avec ce programme, elle mettrait en péril les banques grecques – ce qui pourrait obliger Athènes, dans la foulée, à émettre une nouvelle monnaie.
Mardi, la BCE a choisi de maintenir le plafond des fonds d’urgence des liquidités (ELA), à 89 milliards d’euros, mais surtout, de durcir l’accès, pour les banques emprunteuses grecques, à ce fonds. Ce qui a été perçu comme un énième tour de vis de la banque de Francfort, et renforce un peu plus la perspective d’un Grexit. En clair, les jours sont comptés, et le sommet de la zone euro, dimanche en fin d’après-midi à Bruxelles, est sans doute l’une des dernières occasions.
Du côté de la présidence du conseil européen, la volonté est bien d’obtenir un texte, d’une manière ou d’une autre, d’ici demain matin. « Les “durs” ont le réflexe de repousser. Mais c’est compliqué de repousser, assurait un diplomate européen dimanche midi. L’objectif est d’arriver à quelque chose d’ici ce soir. » C’est l’une des raisons pour lesquelles le Polonais Donald Tusk, à la tête du conseil européen, a choisi d’annuler le conseil européen (à 28) censé se tenir plus tard dans la journée : il veut donner tout le temps au sommet de la zone euro pour qu’un accord finisse par émerger…
« Le sommet à 28, qui a été annulé, était un format idéal pour discuter d’un éventuel “plan B” », confie un diplomate, en référence au Grexit. « Les dirigeants ne travaillent plus aujourd’hui que sur un plan A », assure-t-il, misant sur un début d’accord dans la soirée. En cas d’accord, même a minima, ce soir, un nouvel Eurogroupe – prévu depuis des mois, celui-là – se tient à Bruxelles lundi. Il pourrait alors valider les orientations des chefs d’État et de gouvernement.
Où en est-on dans la négociation ?
L’Eurogroupe est profondément divisé, entre des faucons, emmenés par l’Allemagne, partisans d’une ligne dure à l’égard d’Athènes et qui n’excluent pas un Grexit, et des capitales plus prudentes, comme Paris, qui estiment que la Grèce a déjà fait d’importantes concessions. Mais des « avancées », du point de vue des créanciers, ont été réalisées dimanche.
Les ministres se sont séparés dans l’après-midi, avec, selon le Belge Johan Van Overtveldt, « un accord sur à peu près 90 % » du texte final. Signe qui ne trompe pas, le Finlandais Alexander Stubb, l’un des plus durs durant la négociation, a jugé que « des progrès ont été faits » dimanche midi. Quant au président de l’Eurogroupe, le néerlandais Jeroen Djisselbloem, il devait faire un rapport oral aux chefs d’Etat et de gouvernement, en ouverture du sommet de la zone euro. Il reste à savoir si les chefs d’Etat et de gouvernement vont se risquer à s’entendre sur ce texte.
Sur le fond, le débat se concentre sur deux exigences :
– Athènes doit prouver sa détermination, pour restaurer la « confiance » perdue après l’organisation du référendum, jugent ses partenaires. Le vote sur le mandat de négociation, remporté haut la main par Alexis Tsipras (251 élus sur 300) dans la nuit de vendredi à samedi, n’a semble-t-il pas suffi. Les créanciers souhaiteraient l’adoption d’un texte de loi - ou sa présentation au parlement - d’ici mercredi 15 juillet. Ce texte intégrerait certains des éléments les plus durs des réformes voulues par les créanciers. Voici l’idée : l’ouverture d’un nouveau plan d’aide, ne pourrait avoir lieu qu’une fois des changements adoptés sur la TVA et les retraites, ou encore des garanties apportées sur l’indépendance de l’office statistique.
– Athènes doit répondre à des « attentes supplémentaires ». Puisque la Grèce demande désormais un plan d’aide sur trois ans, jusqu’en 2018, les conditionnalités fixées en juin - qui correspondaient à un prêt plus modeste, de sept milliards d’euros, censé permettre à la Grèce de tenir jusqu’à l’automne - ne suffisent plus, jugent certaines capitales.
De ce point de vue, si l’on en croit Le Soir, Berlin pousserait pour la création d’un fonds géré par les Européens, dans lequel Athènes apporterait des actifs d’une valeur de 50 milliards d’euros, qui seraient destinés à être privatisés, pour rembourser une partie de la dette publique grecque. Ce fonds, qui pourrait être basé à Luxembourg, était déjà mentionné dans le document allemand du 10 juillet, révélé samedi par la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le dossier pourrait de nouveau être débattu lors du sommet zone euro.
Selon le projet de communiqué discuté par l’Eurogroupe samedi soir, auquel Reuters a eu accès, la liste des demandes va beaucoup plus loin. L’objectif d’un excédent budgétaire (c’est-à-dire sans les charges de la dette) à 3,5 % du PIB en 2018, objectif qui semblait hors de portée aux yeux des créanciers, est maintenu. Ce qui implique qu’Athènes va devoir compenser en annonçant sans doute d’autres économies...
Il est aussi question, par exemple, de la poursuite de la privatisation d’un opérateur d’électricité (ADMIE), ou encore de réformer de manière « vigoureuse » le marché du travail, les conventions collectives, ou encore les licenciements collectifs, « conformément à l’approche suggérée par les institutions ». Et de préciser : « Tout changement doit reposer sur les meilleures pratiques internationales et européennes, et ne devrait pas entraîner un retour aux arrangements politiques passés, qui ne sont pas compatibles avec les objectifs d’une croissance soutenable et inclusive ». Un texte plus précis devrait être publié dans la soirée, en cas d’accord des 19. Mais d’ores et déjà, les nombreuses mesures détaillées qui ont été rendues publiques organisent comme une mise sous tutelle extrêmement ferme du pouvoir grec. Il n’est ainsi pas certain, qu’à l’issue d’un Eurogroupe qui pourrait apparaître comme une humiliation supplémentaire de la Grèce, Alexis Tsipras accepte un tel plan.
LUDOVIC LAMANT
* Mediapart. http://www.mediapart.fr/journal/international/120715/grece-le-projet-daccord-durcit-encore-les-reformes-exigees