De retour de Calais, le même mot revient en boucle : « choqués ». La plupart n’ont pas réussi à dormir la nuit qui a suivi. Et pourtant les situations dramatiques, Diallo, Alioune, Mariama, Ali et les autres, ils connaissent...
Ils et elles – 150 sans-papierEs et soutiens de la Coalition internationale des sans-papiers et migrantEs (CISPM), venus d’Italie, d’Allemagne, de Belgique et de France – sont allés manifester à Calais vendredi 25 septembre. Puis ils sont allés rencontrer les migrantEs dans le campement appelé « la jungle ». « En Afrique même on n’a jamais vu des situations comme ça... », a dit Alioune membre de l’Union nationale des sans-papiers (UNSP). Réunis à Paris le lendemain, et participant à l’événement Alternatiba sur le climat, ils sont plus que jamais décidés à faire connaître la réalité à tous ceux qui pensent que le gouvernement accueille les réfugiéEs...
« Accueil »
Car la situation à Calais est le symbole d’une réalité qui ne colle pas avec la communication des autorités. À Paris, porte de Saint-Ouen, des réfugiés syriens – hommes, femmes et enfants – croupissent dans un campement de fortune. Sur plainte de la mairie, le tribunal administratif de Paris a ordonné ce même vendredi l’expulsion sous un mois des 500 migrantEs du lycée occupé du 19e arrondissement.
La révolte couve dans les centres dans lesquels ont été envoyés les migrants « mis à l’abri » tout l’été. Au centre Aurore de la place de Clichy, les migrantEs ont même entamé dimanche une grève de la faim pour protester contre les conditions d’accueil....
Et le 9 octobre, un migrant et 3 soutiens passent en jugement pour avoir apporté au mois d’août leur soutien à des réfugiés qui avaient décidé d’occuper leur centre Emmaüs dans le 14e. Anne Hidalgo a prévenu qu’elle voulait « faire un exemple ».
Solidarité
Le mouvement de solidarité qui s’est développé cet été et qui a été médiatisé suite à l’image du cadavre d’Aylan est à un tournant. Il ne s’agit plus seulement de dons et de se satisfaire d’appels abstraits à « l’accueil ». Les moyens existent pour accueillir réellement les migrants, les héberger et régulariser leur situation, qu’ils soient considérés comme réfugiés ou sans-papiers. Cela exige désormais une mobilisation contre l’hypocrisie des autorités.
À Perpignan, la mobilisation autour de déboutés du droit d’asile occupant un immeuble a permis de gagner au tribunal : leur expulsion a été refusée. À Rennes ce samedi 26 septembre, la manifestation réunissant migrants et soutiens a rassemblé 1 500 personnes, la plus grosse mobilisation de ces dix dernières années sur cette question. La CGT PSA de Mulhouse a diffusé un tract dénonçant les préjugés : « Regardez comment un préfet du Pas-de-Calais parlait des mineurs polonais en 1929 pendant la crise »... À Paris, un comité de soutien se constitue porte de Saint-Ouen, avec notamment des personnels du centre hospitalier de Bichat, et a appelé à un rassemblement le mercredi 30 septembre. Les soutiens du 18e organisent une assemblée de quartier le soir même.
La CISPM prépare des mobilisations européennes, notamment à l’occasion du sommet de Malte des 11 et 12 novembre réunissant des chefs d’État du monde entier sur la question migratoire. Un cortège de migrantEs de toute l’Europe sera aussi à la manifestation sur le climat le 29 novembre à Paris.
Manifestation
En Hongrie, le gouvernement autorise désormais la police à tirer sur les migrantEs. L’Allemagne elle-même ferme ses frontières. Et tous les pays européens publient des messages pour « dissuader les migrants de venir ». C’est aussi le message principal de Manuel Valls qui assure que la France n’accueillera pas plus de 30 000 réfugiéEs, soit 5 réfugiés pour 10 000 habitants ! Alors que, partout, l’extrême droite durcit ses discours et menace de passer à l’acte, la mobilisation est urgente.
Ce dimanche 4 octobre, une manifestation a lieu à Paris. Deux ans après le drame de Lampedusa du 3 octobre 2013, il s’agit de dénoncer toute l’hypocrisie des discours tenus alors par les dirigeants européens. L’appel pour la liberté de circulation exige des solutions : « Qu’ils/elles soient nommés réfugiéEs, migrantEs ou sans-papiers, nous exigeons des droits égaux pour touTEs, des titres de séjour, l’accès aux soins et au logement. Et face à l’urgence de la situation, ouvrons les frontières, liberté de circulation pour toutes et tous ». Ces solutions sont les seules à même de répondre à la situation et d’empêcher les drames en cours et la propagation du racisme.
Manifestons pour envoyer un message clair : l’heure de la communication est terminée, nous sommes en colère. « De l’air, ouvrez les frontières ! »
Denis Godard