Début décembre, Paris va accueillir la 21e Conférence des parties (COP21) de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (UNFCCC), six ans après celle de Copenhague. Près de 190 chefs d’États et de gouvernement avaient été conviés dans la capitale danoise pour clore plusieurs années de négociations par ce qui était déjà présenté comme « un accord historique », dont l’ambition était, ni plus ni moins, de régler le problème du réchauffement climatique. Les entreprises devaient elles ouvrir la voie à une « croissance verte », supposée concilier prospérité et protection de l’environnement. Les ONG n’étaient pas en reste puisque 17 millions de personnes avaient signé une pétition confiant aux chefs d’Etat et de gouvernement le mandat de « sauver la planète ». Las, Copenhague s’est achevé sans « accord historique », dans la confusion générale, et a ouvert de fait un nouveau cycle de négociations qui doit se conclure à Paris en décembre.
L’objectif officiel n’a pas vraiment changé : il s’agit toujours d’obtenir un accord impliquant tous les pays de la planète pour limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici à la fin du siècle. Pourtant, pas plus aujourd’hui qu’à Copenhague, le compte n’y est. La responsable des négociations de l’ONU, Christiana Figueres, le reconnait ouvertement. Les engagements volontaires et non-contraignants que les Etats de la planète sont en train de dévoiler mènent droit au chaos climatique : +3°C, voire +4°C, ou pire, si nous continuons irrémédiablement sur la trajectoire actuelle : +9° à +11° d’ici à 2300 – ce qui entraînerait la fonte complète des calottes glaciaires et provoquerait une élévation du niveau des océans de 60 mètres. Résultat, hormis peut-être François Hollande, rares sont ceux qui osent affirmer que Paris sera une « conférence historique ».
Pour peu que la gravité ambiante ne débouche pas sur un renoncement définitif à toute action, cet enthousiasme mesuré n’est pas une mauvaise nouvelle en soi. Être lucide sur les négociations, leur histoire et leur inertie doit nous servir de socle pour élaborer les analyses et les stratégies d’action dont nous avons besoin. Depuis que s’est ouvert le processus onusien de négociations sur le climat, à Rio, en 1992, les émissions de GES ont augmenté de plus de 60 %. La situation est donc a minima paradoxale : plus les Etats négocient des politiques visant à contenir ou à atténuer le réchauffement climatique, plus le climat se dérègle. Le tout alors que les rapports scientifiques s’accumulent, insistant à chaque fois un peu plus sur l’urgence et la gravité de la situation.
Face à cette situation, les pollueurs historiques (États-Unis, Union Européenne, Japon, Australie, Canada) tergiversent et mettent en balance leur propre responsabilité avec celle des tout nouveaux gros pollueurs (notamment la Chine), et réciproquement. L’arène onusienne se transforme alors en espace sans souffle, sclérosé dans les arcanes de la recomposition géopolitique internationale. Le caractère historique (à l’échelle géologique) de la période se trouve évincé de la table des négociations alors que les climatologues ne cessent d’expliquer qu’une courte fenêtre, de 5 à 10 ans maximum, doit être utilisée pour initier la transition vers un monde juste et soutenable, sous peine de provoquer des bouleversements majeurs pour des dizaines de milliers d’années.
Nous pouvons en tirer une première leçon : le temps de l’alerte, celui où il était nécessaire de fournir des données, sécuriser des hypothèses, prouver le caractère anthropique et la gravité du réchauffement climatique auprès des chefs d’Etat et de gouvernement, auprès des décideurs politiques et économiques, est révolu. Leur inertie climaticide n’est pas le résultat d’un manque de connaissances ou d’une dissonance cognitive généralisée, mais la conséquence de choix politiques qui conduisent au chaos climatique. Tergiverser et refuser de toucher aux causes profondes du réchauffement climatique n’est plus une option. C’est un crime climatique [1].
Les attentes mesurées envers la COP21, y compris de la part de nombre d’ONG jusqu’ici focalisées sur la technicité des négociations, est une opportunité à saisir pour affaiblir le récit selon lequel la cause climatique réunirait l’ensemble de l’humanité dans un combat commun pour sa survie. Ce récit, qui n’a pas disparu, contribue à rendre invisibles les inégalités profondes entre responsables et victimes du changement climatique – inégalités qui se superposent pourtant quasi parfaitement avec les inégalités économiques et sociales, à l’échelle mondiale comme nationale. Il tend à ignorer les peuples, les communautés et les individus qui subissent dès maintenant les conséquences du réchauffement climatique, alors que les effets de la crise climatique se déploient à travers les dominations raciales, patriarcales, impérialistes et capitalistes, tout en les renforçant. De plus, un tel récit nourrit l’illusion selon laquelle le progrès, de nouvelles technologies et de nouveaux marchés, ou quelques super-héros, pourraient sauver l’humanité des conséquences de ces actes.
Paradoxalement, c’est peut-être le moment où la lucidité et des formes de radicalité politique et sociale pourraient s’imposer à ce récit dépolitisant. Ce moment, où, comme l’écrit Naomi Klein, prendre au sérieux le changement climatique « change tout » [2] et implique de mettre à jour les causes réelles du réchauffement climatique. Ce moment où nous pouvons, sans être cantonnés à la marginalité, déconstruire les ressorts de la pensée magique de la culture occidentale selon laquelle le progrès technologique permettrait de surmonter tous les défis auxquels nous faisons face. Ce moment est enfin celui où l’ont peut expliquer que le changement climatique s’inscrit dans une histoire, celle d’un capitalisme prédateur, dominé par les populations riches des pays occidentaux – et désormais des pays émergents – qui soumet notre avenir à la poursuite indéfinie d’un business as usual insoutenable qui épuise et dévaste tant les territoires que les populations.
Pour chaque dollar investi dans les énergies renouvelables, 4 dollars le sont dans les énergies fossiles. C’est ce que Robert Bell appelle le « ratio espoir/ déluge » (hope/doom ratio) : « pour chaque dollar misé sur l’espérance d’un monde protégé des catastrophes climatiques et économiques, ce sont quatre dollars qui sont misés selon le principe “après moi, le déluge” » [3]. Les forces motrices du capitalisme mondial libéralisé, que sont les multinationales et le secteur financier, misent des centaines de milliards de dollars sur l’échec des politiques climatiques actuelles et futures et aucun gouvernement ne semble vouloir les empêcher de toucher le pactole. Le secteur des énergies fossiles détient le pouvoir de changer les caractéristiques géophysiques de notre planète et il est en train de l’activer, quitte à hypothéquer le futur de nombre d’entre nous.
Le décalage entre la réalité des politiques climatiques – et des discours – et la réalité d’une globalisation économique et financière insoutenable, devient abyssal. Ce décalage, que certains nomment « schisme de réalité » [4] devient tangible pour beaucoup. La liste des crimes climatiques commis au nom de la recherche de la croissance et de la compétitivité économiques à tout prix, et encouragés par la libéralisation du commerce international et les droits démesurés donnés aux investisseurs privés, ne cesse de s’allonger : gaz et pétrole de schiste, sables bitumineux, mines à ciel ouvert de lignite, fermes-usines, centrales à charbon, gigantesques pipelines, etc. Les actionnaires, les financiers et les politiques derrière ces projets sont ceux qui ont le doigt sur la gâchette : 90 entreprises, aux premiers rangs desquels Shell, BP, Chevron, ExxonMobil ou encore Total, sont responsables des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre depuis le début de la révolution industrielle [5].
Responsables du dérèglement climatique actuel, ces entreprises – et quelques autres – sont également assises sur une véritable bombe climatique ! Les deux cents entreprises, privées et publiques, les plus importantes du secteur fossile disposent de réserves qui, si elles venaient à être exploitées, utiliserait l’essentiel du budget carbone disponible d’ici à 2050 [6]. Extraire ces réserves et les mettre sur les marchés mondiaux comme l’envisagent ces entreprises revient à garantir le chaos climatique. Ces réserves sont d’ores et déjà valorisées sur les marchés financiers, et ces entreprises n’ont pas prévu de les laisser sous terre. Le détonateur de la bombe climatique est donc enclenché et il nous revient de le désamorcer : nommer les responsables (en l’occurrence l’industrie fossile), les tenir pour tels et batailler pour stopper leur expansion, voilà les trois conditions afin de déverrouiller toute possibilité de déclencher la transition énergétique qui est nécessaire.
Un ensemble de faits qui conduisent à un déplacement du centre de gravité des analyses et propositions des intellectuels et de la société civile. Ainsi, le physicien allemand Hans Joachim Schellnhuber, figure scientifique de l’alerte climatique et du célèbre Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique, appelle-t-il à faire « imploser » l’industrie des énergies fossiles et les systèmes économiques basés sur leur combustion sans limites [7]. Ce qui revient à affirmer qu’il ne faut pas se limiter à batailler pour des promesses – qui n’engagent que ceux qui y croient – de réduction d’émission de gaz à effet de serre : Hans Joachim Schellnhube propose au contraire de s’attaquer au cœur de la machine à réchauffer la planète. De leur côté, les chercheurs Christophe McGlade et Paul Ekins proposent que toutes les réserves d’hydrocarbures non conventionnels [8] (pétrole et gaz des grandes profondeurs océaniques, pétrole et gaz de schiste, sables bitumineux, hydrocarbures des régions arctiques etc.), sur lesquelles se précipitent États et multinationales, soient classées comme « non brûlables » [9]. Ils proposent ainsi une forme de moratoire international sur toute nouvelle exploration et mise en exploitation d’énergies fossiles.
Ils reprennent là une idée qui n’est pas nouvelle. Dès les années 1990, des organisations luttant contre les impacts de l’exploitation des énergies fossiles sur les territoires et les populations locales, comme Acción Ecológica (Équateur) et le réseau international Oilwatch, avaient suggéré un moratoire international du même type. Moratoire qui avait été balayé d’un revers de la main par des États appliqués à négocier le protocole de Kyoto, et qui n’avait pas connu le succès escompté auprès d’autres ONG, (trop) focalisées sur les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre [10]. Cette proposition de moratoire a l’immense avantage de prendre le problème à sa racine : au niveau de la production des énergies fossiles, là où le carbone contenu dans la lithosphère est remonté à l’air libre et vient alors perturber les fonctionnements de notre Terre.
Proposer de geler les réserves d’énergie fossiles percute frontalement l’inertie des négociations et politiques de lutte contre les dérèglements climatiques. En plus de vingt ans de négociations de l’ONU sur le changement climatique, il n’a jamais été question de laisser tout ou partie des réserves d’énergies fossiles dans le sol [11]. Aucun État, aucune multinationale et aucune institution internationale ne propose de limiter à la source la production de charbon, de gaz et de pétrole. Comme l’écrivent McGlade et Ekins : « L’instinct des hommes politiques, consistant à exploiter rapidement et complètement les énergies fossiles disponibles sur leur territoire, est incompatible avec leur engagement à tenir l’objectif de 2 °C » [12]. Les chefs d’État et de gouvernement agissent comme s’il était possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre sans réduire ce qui les génère. C’est impossible.
C’est donc à nous de rendre possible une véritable lutte contre les dérèglements climatiques : « we are the ones we’ve been waiting for » ! [13] comme l’exprime l’organisation 350.org [14]. Ne soyons pas naïfs face aux obstacles. Ils sont nombreux. Les forces politiques et économiques qui ne veulent pas geler 80% des réserves d’énergie fossiles sont puissantes et bien organisées. Le pari est difficile, c’est évident. Certains le disent inaccessible, utopique. C’est pourtant l’alternative qui n’est pas imaginable et qui n’est pas acceptable, à savoir un monde majoritairement invivable à + 4 °C ou plus. Un seul scénario est acceptable et enviable, celui qui nous permettra de stopper cette machine infernale à réchauffer la planète. Il est temps de sortir de l’âge des fossiles pour rouvrir le champ des possibles.
Quand Desmond Tutu dresse un parallèle explicite entre le régime d’apartheid et ce qui se joue aujourd’hui face au réchauffement climatique, il nous faut le considérer avec une attention toute particulière. Cet archevêque sud-africain et prix Nobel de la Paix (1984) appelle à « rompre les liens avec les sociétés qui financent l’injustice que constituent les dérèglements climatiques », considérant que « cela n’a pas de sens d’investir dans des entreprises qui minent notre avenir ». Par cet appel au boycott de l’industrie fossile, il opère un double mouvement, déplaçant la lutte contre les dérèglements climatiques sur le terrain de la morale et de l’éthique, tout en la politisant : il est urgent de nous organiser collectivement pour arracher les chaînes qui nous relient à l’industrie fossile, afin d’inventer un autre avenir que celui que Big Oil, Big Gas et Big Coal nous réservent.
« Pas en autre nom ». C’est sur ce principe que le mouvement pour le désinvestissement du secteur des énergies fossiles progresse significativement, souvent à l’initiative d’étudiants et citoyens mobilisés collectivement dans leurs universités et auprès des institutions dont ils dépendent. La logique est simple : s’il faut préserver la stabilité du climat, alors il ne faut pas tirer profit de sa destruction. Ce mouvement vise à exploiter les fragilités des « majors » des combustibles fossiles, ainsi que les banques et fonds qui les financent. L’enjeu est double. Il s’agit de casser la légitimité sociale accordée à ce secteur tout en le privant peu à peu des liquidités indispensables à son fonctionnement. En outre, le réinvestissement rendu possible par ce désinvestissement doit anticiper l’explosion de la bulle carbone et contribuer au développement des politiques de sobriété et efficacité énergétiques, et au développement des énergies renouvelables.
Depuis Copenhague, deux autres dynamiques citoyennes ont pris leur essor. La première s’appuie sur les résistances qui visent à stopper l’expansion de la frontière extractiviste (des hydrocarbures de schiste aux nouveaux projets miniers) et la construction de nouvelles infrastructures inutiles, imposées et inadaptées (aéroports, autoroutes, barrages, stades, centres commerciaux ou de loisirs, etc.). À la suite des puissantes mobilisations en Amérique du Nord contre la construction de nouveaux pipelines visant à exporter le pétrole issu des sables bitumineux d’Alberta (Canada), nous pouvons, avec Naomi Klein, appeler « Blockadia » cette dynamique de mobilisation internationale.
De façon complémentaire et indissociable, les luttes de résistance favorisent l’émergence d’initiatives pour des alternatives concrètes, locales ou à ambition régionale ou globale. Ces initiatives visent à transformer profondément nos modèles de production et de consommation, jusqu’ici insoutenables. En empruntant le terme au processus lancé en octobre 2013 à Bayonne (Pays basque) par Bizi ! et des dizaines d’organisations basques, espagnoles ou françaises, nous pouvons, par extension, appeler « Alternatiba » cette dynamique citoyenne à l’œuvre, sous des formes différentes, aux quatre coins de la planète.
Ces deux dynamiques, Blockadia et Alternatiba, incarnent clairement un virage éco-territorial des luttes sociales, pour reprendre le terme que la sociologue argentine Maristella Svampa [15] utilise pour caractériser l’essor des luttes en Amérique latine qui mêlent langage écologiste et pratique de la résistance et de l’alternative inscrite dans des territoires. Ici, le territoire n’est pas un village enfermé pour se protéger des dégâts du productivisme. Il est plutôt l’espace à partir duquel se construisent résistances et alternatives. Ici, aucun égoïsme du type « je ne veux pas de ce projet chez moi, allez le faire ailleurs » : la préservation, la promotion et la résilience de tous les territoires représentent l’horizon d’ensemble. Les mobilisations contre le gaz et le pétrole de schiste, en France et dans de nombreux autres pays, qui clament « Ni ici ni ailleurs » [16] et portent des exigences de transition énergétique radicale, participent de cette même logique.
Ces deux processus, Blockadia et Alternatiba, contribuent à l’ancrage territorial des luttes et des imaginaires tout en s’inscrivant dans la perspective d’un mouvement global pour la justice climatique : les points de contact entre ces mouvements et les mobilisations contre la négociation de nouveaux traités de libre-échange et d’investissement, tels que le TTIP, sont nombreux. Ils ouvrent, à partir de points de vue distincts, des espaces d’élargissement et de radicalisation des dynamiques citoyennes pour la justice climatique. En s’appuyant sur la révolte contre des projets qui dévastent les milieux de vie et sur des expériences qui améliorent le quotidien et donnent à voir le monde de demain, ils permettent l’inclusion de franges de la population qui ne sont a priori ni expertes ni militantes. C’est précisément dans l’action que se construisent l’expertise et la prise de conscience politique et idéologique.
Par ailleurs, ces processus autorisent la juxtaposition de pratiques, tactiques et stratégies diverses et variées. Le mouvement contre les gaz de schiste n’aurait pas obtenu des succès d’une telle ampleur s’il ne savait pas faire cohabiter actions de terrain et de désobéissance, manifestations, guérilla juridique, pression politique... Les citoyens peuvent choisir leur registre d’engagement sans se conformer à un moule militant souvent perçu et vécu comme trop étroit. Cet élargissement amène souvent un processus de radicalisation – au sens d’« aller à la racine ». Se confronter à la puissance des promoteurs des projets climaticides ou à la résistance des pouvoirs contre le déploiement des alternatives concrètes à grande échelle permet de comprendre pourquoi la lutte contre le changement climatique ne sera pas le long fleuve tranquille d’une humanité réconciliée avec elle-même et la nature, mais une tumultueuse bataille politique et idéologique. En même temps, ces luttes de terrain remportent souvent des victoires et redonnent ddu pouvoir d’agir aux citoyens.
Hydrocarbures de schiste, expansion de la frontière extractiviste, grands et petits projets inutiles, accords de libre-échange et d’investissements, dispositifs de financiarisation de la nature, accaparement de l’eau, agro-industrie et OGM, géo-ingénierie et bio-ingénierie, nucléaire, inégalités croissantes de richesse et de pouvoir, lobbying effréné des multinationales, banques climaticides... les luttes locales et globales contre les responsables des dérèglements climatiques ne manquent pas. Tout comme celles pour mettre en œuvre des expériences alternatives concrètes : souveraineté alimentaire et agro-écologie paysanne, circuits courts, relocalisation, partage du travail et des richesses, reconversion sociale et écologique du tissu productif, réappropriation et promotion des biens communs, réparation et recyclage, réduction des déchets, transports doux et mobilité soutenable, éco-rénovation, énergies renouvelables, etc. C’est en s’appuyant à la fois sur ces luttes et ces alternatives, en les renforçant pour les rendre incontournables, pour faire refluer l’emprise des multinationales sur nos vies et la nature, pour replacer les États et les politiques publiques sous le contrôle de la société, que nous construirons ce puissant fleuve de la justice climatique dont nous avons tant besoin.
C’est tout l’enjeu des mobilisations à l’occasion de la COP21 : délaisser la technicité mortifère des négociations et transformer Paris2015 en une puissante caisse de résonance pour faire avancer nos luttes et emmagasiner de la force. Objectif : faire en sorte que Paris2015 soit un moment fondateur pour le mouvement pour la justice climatique tel que Seattle le fut pour le mouvement altermondialiste. D’une certaine manière, il s’agit donc, au nom de l’urgence climatique, de ne pas se limiter à des batailles défensives au sein des négociations de l’ONU, et de mettre toutes nos forces dans les mobilisations de nature à transformer durablement le rapport de force en faveur d’une transition écologique et sociale d’ampleur.
Des manifestations décentralisées sont prévues les 28 et 29 novembre dans un maximum de capitales et grandes villes la planète pour interpeller les gouvernements nationaux et les autorités locales et poser les jalons de mobilisations qui puissent s’inscrire dans le temps long ! Tout l’enjeu consistera ensuite à faire monter en puissance la détermination citoyenne jusqu’aux mobilisations et actions de désobéissance civile de masse organisées à la fin de la COP21, consistant à générer de la tension politique avec des institutions internationales et des gouvernements incapables de prendre les mesures qui s’imposent. Ainsi, la colère née des errements et des limites des négociations pourrait galvaniser les énergies lors des tous derniers jours, et nous permettre d’être plus forts au lendemain de Paris2015 : « vous, les gouvernements, vous parlez et négociez pour le pire, vous les multinationales utilisez les négociations pour maintenir votre emprise sur notre futur, nous, les peuples, nous marchons, nous agissons et nous désobéissons pour changer de système et nous ne lâcherons jamais ». Le défi est de taille. Mais comme l’écrivait Murray Bookchin, « si nous ne faisons pas l’impossible, nous devrons faire face à l’impensable ! » [17]. Engageons-nous donc à faire l’impossible !
Nicolas Haeringer, chargé de campagne à 350.org, auteur de Zéro fossile : désinvestir du charbon, du gaz et du pétrole pour sauver le climat, Les Petits matins, novembre 2015
Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France, auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition, Seuil, Anthropocène, octobre 2015.