Assassinat du bâtonnier de Diyarbakir, figure de la cause kurde
Tahir Elçi, le bâtonnier de Diyarbakir, avant son assassinat, le samedi 28 novembre.
Firat Anli, le co-maire de Diyarbakir, la « capitale » à majorité kurde du sud-est de la Turquie, a annoncé, samedi 28 novembre, l’assassinat par balle le matin même de Tahir Elçi, le bâtonnier de l’ordre des avocats pour la ville.
Militant actif de la cause kurde, l’avocat a été mortellement touché à la tête, samedi matin, alors qu’il s’apprêtait à faire une déclaration sur les destructions survenues quelques semaines plus tôt dans le quartier historique de Sur, situé à l’intérieur des murailles de la vieille ville.
Le tireur, décrit par la presse turque comme un « civil barbu », a commencé par viser Tahir Elçi, qui venait d’achever sa conférence de presse au pied d’un vieux minaret. Avant de prendre la fuite, l’assaillant a mitraillé les personnes présentes, causant la mort d’un policier et blessant plusieurs témoins dont trois agents de police et des journalistes. Les forces de l’ordre ont riposté sans parvenir à le rattraper.
« Le PKK n’est pas une organisation terroriste »
« Je veux dire ma tristesse. Je viens d’apprendre la nouvelle de l’assassinat de Tahir Elçi, le bâtonnier de Diyarbakir. Un policier est mort. Il y a des blessés parmi la police et les journalistes. Je présente mes condoléances à la famille de Tahir Elçi et à celle du policier tué. Cet événement montre combien nous avons raison de lutter contre le terrorisme », a déclaré le président Erdogan, en visite à Burhaniye, dans la région de Marmara, dans l’ouest du pays. « Nous avons perdu un homme courageux et bon », dit le compte Twitter de l’ambassade du Royaume-Uni.
Né à Cizre en 1969, Tahir Elçi, marié, père de deux enfants, avait pris la tête du barreau de Diyarbakir en 2010. Engagé dans la lutte pour les droits de la minorité kurde, il n’avait eu de cesse, ces derniers temps, d’appeler l’Etat turc, ainsi que les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie) à faire taire leurs armes.
« Il est plus facile de tirer des coups de feu que de faire la paix », avait-il confié au Monde lors d’un entretien réalisé le 18 octobre à Diyarbakir. Le lendemain, il avait été interpellé et inculpé pour avoir déclaré publiquement, quelques jours plus tôt, que « le PKK n’était pas une organisation terroriste ». Mis en examen, il risquait jusqu’à sept ans de prison.
Combats urbains
A l’automne, alors que les combats urbains faisaient rage, il avait critiqué le fait que les jeunes rebelles kurdes masqués creusent des tranchées au centre des villes (Cizre, Silvan, Varto, Diyarbakir), ce qui, à ses yeux, empêchait toute vie normale pour les habitants.
Avec ses souks, ses vieilles mosquées, ses ruelles étroites, le quartier de Sur est devenu ces derniers mois le terrain d’affrontement privilégié des jeunes rebelles kurdes du PKK, qui font le coup de feu contre les forces spéciales. A plusieurs reprises, entre septembre et novembre, les habitants de Sur ont été soumis au strict régime du couvre-feu, sans possibilité de communiquer avec l’extérieur, sans électricité. La vieille mosquée Kursunlu et le minaret « à quatre pieds » n’ont pas été épargnés.
La conférence de presse donnée par Tahir Elçi samedi matin était censée attirer l’attention des médias sur les dégâts infligés aux monuments lors des combats. Il s’était donc installé en pleine rue, à côté du minaret vieux de cinq cents ans. C’est là que la balle du tueur l’a fauché.
Marie Jégo (Istanbul, correspondante)
Journaliste au Monde
* Le Monde.fr | 28.11.2015 à 13h57 • Mis à jour le 28.11.2015 à 14h04 :
http://www.lemonde.fr/international/article/2015/11/28/turquie-assassinat-du-batonnier-de-diyarbakir-figure-de-la-cause-kurde_4819752_3210.html
L’assassinat d’Etat de Tahir Elçi
Maison Franco-Kurde Midi-Pyrénées (MFK-MP)
Collectif de Solidarité avec le Peuple Kurde (CSPK Toulouse)
Ce matin, samedi 28 novembre, deux policiers turcs ont assassiné d’une balle dans la tête, Tahir Elçi, prenant pour cible un groupe d’avocats et de journalistes rassemblés à Sur, district de Diyarbakir (Amed en kurde). Avocat, bâtonnier du parquet de Diyarbakir, Tahir Elçi était un défenseur respecté des droits humains, parmi lesquels le droit du peuple kurde à son autodétermination. Il était dans le collimateur du gouvernement de l’AKP, qui l’avait traîné en justice pour avoir déclaré que le « PKK [Parti des Travailleurs du Kurdistan] n’est pas une organisation terroriste » lors d’une émission télévisée de CNN Türk en octobre dernier.
La MMFK-MP et le CSPK assurent la famille et les proches de Tahir Elçi de toute leur solidarité, ils exigent l’arrestation et l’inculpation des policiers assassins.
Cet assassinat d’Etat fait suite à l’inculpation et la mise en détention, mercredi dernier, de deux journalistes du Cumhuriyet, Can Dündar et Erdem Gül, accusés par Erdogan d’« espionnage » et de « trahison » pour avoir écrit et publié, en janvier 2014, un reportage révélant la fourniture d’armement à Daesh par les services secrets turcs.
Cela fait deux fois, depuis un an, que la MFK-MP et le CSPK, reçus à la préfecture, a mis en garde les autorités françaises sur le terroriste d’Etat Erdogan, qui massacre les citoyens kurdes et réprime toute contestation démocratique dans son pays.
Erdogan est attendu demain, à Paris, pour la COP 21. Nous exigeons de Hollande et Valls qu’ils annulent l’accueil de ce complice de Daesh. A défaut, que la population de France sache qu’ils serreront la main d’un complice des tueurs du 13 novembre et bafoueront la mémoire des victimes de Paris et Saint-Denis.
Toulouse, le 28 novembre 2015
Contacts : kobane.kurde gmail.com