Ne nous voilons pas la face : difficile de résister aux bulles de champagne entre deux boules de Noël, difficile aussi de ne pas payer en migraines nos lendemains de fêtes. Mais laissez-moi vous remonter le moral, car si l’alcool est l’ennemi de notre foie, il est plus cool avec notre sexe. Quand il est consommé avec modération. Oh, et plutôt avant l’action que pendant.
Commençons par la phase de séduction. Pourquoi drague-t-on autant dans les bars ? Pas seulement parce qu’on y rencontre de nouvelles personnes, ou parce que ça fait partie des classiques de la sociabilité. Aussi pour des raisons bassement pragmatiques – on y décuple nos chances de finir au lit. L’alcool joue en effet à trois niveaux :
1) Il nous rend beaux. Selon une étude publiée cette année dans la revue Alcohol and Alcoholism (tout un programme) [1], nous trouvons les gens plus séduisants après qu’ils aient bu un verre. Attention à ne pas en tirer de conclusions hâtives devant un triple-whisky avalé dès le réveil… car après deux verres d’alcool, on plaît moins que quand on reste sobres. Donc quand on propose de sortir prendre un verre, c’est UN. Les raisons avancées sont exactement celles que vous pouvez imaginer : un teint plus rose, des yeux qui pétillent, et vogue le navire.
2) Boire un peu d’alcool nous rend beaux dans le regard des autres… et change notre propre regard. Car comme le notaient les scientifiques de l’université de Bristol en 2014 [2] : après à peine un verre nous avons tendance à trouver non seulement les paysages plus beaux, mais aussi les êtres humains – précisément, nous les trouvons 10 % plus séduisants que quand nous sommes à jeun. C’est beaucoup. Au fait, pourquoi tant d’enthousiasme ? Parce que notre cerveau devient partiellement incapable de prendre de bonnes décisions (même s’il est déprimant de penser qu’en pleine possession de nos moyens, nous trouvons la vie moins belle et notre banquier moins sexy). On appelle ce phénomène, en anglais, les beer goggles (les lunettes à bière). Ce sont les hommes qui y sont les plus sensibles [3], donc les plus sujets à l’effet « tu t’es vu quand t’as bu » avec inconnue dans son lit au réveil – je vous laisse gérer ça avec votre conscience. Les effets dureraient jusqu’à 24 heures après la prise d’alcool, ce qui explique certainement cette citation de Jim Harrison : « L’acte physique élémentaire consistant à ouvrir une bouteille de vin a apporté davantage de bonheur à l’humanité que tous les gouvernements de l’histoire de la planète. » Bah oui, il parlait de sexe.
3) Tout est question de confiance ! Nous séduisons plus facilement après un verre, et nous sommes plus facilement séduits. Mais selon une étude franco-américaine de 2012 [4], et là ça devient amusant, l’effet Placebo fonctionne tout aussi bien. Si vous pensez avoir bu de l’alcool, votre confiance atteint le même niveau que si vous aviez vraiment bu, et vous osez faire le premier pas. Alors que si vous avez ingéré trois vodkas à l’insu de votre plein gré (une option parfaitement crédible, d’ailleurs ça m’arrive régulièrement)... bref, si vous ne savez pas que vous êtes ivre, vous continuez de vous trouver moche. Vous restez dans votre coin. Vous ne tentez rien. Donc vous n’obtenez rien.
Une fois au lit, tout devient plus compliqué
Les vertus aphrodisiaques de l’unique verre de vin étant beaucoup plus convaincantes que celles du cocktail huîtres-gingembre, vous pouvez changer en urgence votre liste au Père Noël. Car des petits malins occupent bien sûr ce marché très spécifique de l’alcool qui séduit. Vous trouverez ainsi des bouteilles de vin Harlequin, aux parfums Coeur Sauvage (un mélange), Substitut d’Amour (Chardonnay) ou Excuse Mon Corps (Cabernet Sauvignon 2013). A compléter avec le vin officiel 50 Shades of Grey : le rouge satin ou le blanc de soie – si vous commandez le paquet complet, vous recevrez en outre une plume chatouillante et un masque façon carnaval de Venise (vous pouvez boire pour oublier cette information). Si ça ne suffit pas, vous avez aussi le vibromasseur parfumé au Bordeaux.
Puisque nous en avons soupé de la séduction : que se passe-t-il quand on se met au lit ? Là, tout devient plus compliqué. Avec l’alcool c’est quitte ou trouble. Côté femme, bienvenue dans un monde de désinhibition [5] : plus d’excitation, plus d’intérêt pour le sexe, mais pas forcément plus de plaisir (l’orgasme met plus de temps à se produire, ensuite c’est une question de personnes : certaines femmes ont des orgasmes plus puissants que d’habitude, d’autres au contraire cumuleront déception et gueule de bois). En somme, les effets relaxants de l’alcool sont efficaces au niveau psychologique, beaucoup moins au niveau physiologique. Et dans les comportements ? Apparemment, peu d’impact. Inutile donc d’espérer qu’une femme fasse des choix sexuels différents selon qu’elle ait bu ou pas.
Si vous êtes un homme, autant afficher tout de suite la couleur : vous feriez mieux de vous abstenir d’alcool si vous ne voulez pas vous abstenir sexuellement. Ok, j’exagère, mais ce verre de vin qui vous rendait si beau il y a quelques paragraphes, se retourne maintenant contre vous. Et il tape sous la ceinture. En effet l’alcool inhibe la production de testostérone, ce qui est embêtant vu qu’il s’agit de votre principale hormone sexuelle (elle est produite dans vos testicules, c’est dire). Ainsi vous risquez d’être moins excité, d’avoir des orgasmes moins satisfaisants... si déjà vous parvenez à l’orgasme, étant donné que l’éjaculation est délayée. Autant dire qu’il va falloir choisir entre ivresse tout court et ivresse des profondeurs.
Dans ces conditions, comment agir ? En respectant les vieux spots de prévention : « Un verre, ça va, trois verres, bonjour les dégâts. » (Vous pouvez également boire pour oublier le fait que cette campagne date de 1984 – ça ne nous rajeunit pas.) L’alcool a ses avantages pour se mettre en jambes, d’accord, mais à condition de s’arrêter avant d’avoir l’oeil vitreux. Ensuite, si les femmes peuvent tenter de ramener le Champagne dans la chambre à coucher (au péril de leur haleine au réveil), on recommandera aux hommes une grande tasse de tisane à la camomille. Pas sexy ? Peut-être. Mais le retard à l’allumage non plus !
Maïa Mazaurette
Journaliste au Monde