Ce mardi se tient une réunion du Front de gauche qui pourrait bien être la dernière. Les points de vue des trois composantes du rassemblement antilibéral semblent en effet s’éloigner irrémédiablement. Après l’annonce à la hussarde de la candidature de Jean-Luc Mélenchon, c’est au tour de Pierre Laurent d’affirmer son option : pour le PCF, ce sera la primaire de toute la gauche.
Depuis l’élection présidentielle de 2012, chaque consultation électorale nourrit la discorde. Faute d’accords entre le Parti communiste et le Parti de gauche, le Front de gauche est demeuré un cartel d’organisations : il n’a pas pu franchir le pas d’être mieux qu’une alliance électorale. Plutôt boiteuse.
Coup de grâce pour le Front de gauche ?
Les vues du PCF se sont exprimées de façon continue avec un double objectif. D’abord, ne pas rompre avec les électeurs de François Hollande dans l’espoir de les rallier à une proposition politique vraiment de gauche. La première partie du quinquennat fut donc celle d’une invocation du « discours du Bourget » pour faire signe aux électeurs déçus de François Hollande… au grand dam du PG qui faisait, lui, le pari de la rupture avec les choix gouvernementaux.
La seconde préoccupation du PCF est de ne pas perdre de positions électives. Dès le lendemain de la présidentielle, 80% des candidats aux législatives étaient communistes. Cette ultra-domination du PCF ne s’est jamais démentie, élection après élection. Et elle s’est accompagnée d’une ligne politique aussi variable que les situations locales. On pensait que la tension entre les deux principales forces du Front de gauche avait atteint son comble avec les municipales. Mais les régionales ont été encore plus grandioses : c’est-à-dire d’une totale confusion, avec autant de régions que de configurations d’alliance.
Sur toute cette séquence, les résultats furent très mitigés. Le PCF perd la moitié de ses députés, un tiers de ses élus municipaux et les deux tiers de ses conseillers régionaux. Après les piètres résultats de Robert Hue en 2002, de Marie-George Buffet en 2007, la candidature de Jean-Luc Mélenchon a certes permis au PCF de passer honorablement l’élection présidentielle, mais elle ne lui a pas apporté la relance espérée.
Pourtant, bon an, mal an, les affrontements, parfois de personnes, ont été surmontés. Le Front de gauche en a été à chaque fois affaibli, mais personne n’avait intérêt à son explosion. Après l’annonce de la candidature de Jean-Luc Mélenchon, la prise de position de Pierre Laurent en faveur de la primaire de toute la gauche risque bien d’être le coup de grâce.
Pari hasardeux et calculs électoraux
Ce week-end, sur France Inter, sur Liberation.fr et Lemonde.fr, Pierre Laurent s’est engagé dans le processus des primaires de « toute la gauche » proposées par Libération et quarante personnalités, aujourd’hui acceptées par le PS. Selon Le Monde, « M. Laurent a affirmé n’avoir « aucun problème » avec [une participation de François Hollande à la primaire] car il a « confiance dans le choix que feront les citoyens de gauche ». Mais « si la gauche va à l’élection présidentielle avec un représentant qui défend le bilan du quinquennat actuel, qui est rejeté par les électeurs de gauche, la gauche va être éliminée », a-t-il pronostiqué ».
Comment Pierre Laurent peut-il espérer qu’un tel processus, avec le poids du PS, déboucherait sur un autre scénario ? Ce faisant, Pierre Laurent légitime cette primaire. Il ne peut penser la gagner, mais il s’engage à en accepter le verdict et à soutenir un ministre ou un ancien ministre, voire l’actuel président. Et cela face à la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Le PCF espère-t-il un bénéfice pour les législatives de 2017 ? En soutenant le candidat issu des primaires, le PCF escompte sans doute un gentlemen agreement avec le PS et l’absence de candidatures socialistes, notamment face à ses députés sortants.
Comment cet engagement dans la primaire socialiste va-t-il être accepté par le corps militant communiste ? Ce dernier en a certes vu d’autres, mais se laissera-t-il convaincre qu’il faut à tout prix un candidat unique de la gauche pour assurer une présence au second tour, quitte à se rallier à un candidat social-libéral ? C’est le pari de Pierre Laurent. En cela, il pourrait engager son parti dans la voie de la radicalisation… au sens « radical de gauche ».
Karine-Gabrielle Bertrand