Et maintenant ?
Nuit debout a d’ores et déjà atteint trois objectifs...
« Leur faire peur ». à voir qui attaque désormais Nuit debout ça commence à marcher. Il y a là tous les partis dominants, du FN au PS, la « fachosphère », les « intellectuels » réacs et médiatiques, de Finkielkraut à Fourest en passant par Joffrin, Élisabeth Lévy et Askolovitch et, bien sûr, les flics, syndicats policiers et Cazeneuve en tête...
Casser l’état d’urgence. En occupant des places dans tout le pays, en lançant des actions et des manifestations sauvages, Nuit debout a démontré que nous pouvions reprendre l’espace public.
Redonner espoir. Après des années à subir la progression des idées et des politiques réacs, Nuit debout n’a pas fait que libérer la parole, le mouvement montre l’attente et l’audience qui existent pour une critique radicale de ces politiques.
Mais ces avancées et la contre-offensive qu’elles provoquent confrontent Nuit debout à de nouveaux enjeux. Car dans la réalité, rien n’a encore changé.
Merci patron ?
Le premier enjeu, sans doute le plus immédiat, est le mouvement contre la loi travail. Son développement est une nécessité pour l’avenir de Nuit debout. Sans cela, les occupations de place risquent de devenir des îlots isolés de la majorité de la société, des agoras qui tournent à vide où les mains qui s’agitent deviendraient les gestes stériles d’un théâtre de marionnettes.
Inversement, Nuit debout peut jouer un rôle. Les places pourraient devenir le lieu où convergent, secteur par secteur, les équipes syndicales combatives qui veulent organiser le bras de fer avec les patrons et le gouvernement. Sur la place de la République à Paris, « Hôpital debout » a organisé une assemblée, les intermittentEs et précaires ont fait de même comme certaines facs mobilisées. Il nous faut « CheminotEs debout », « PostierEs debout », « BTP debout », « Dockers debout »... Cela accélérerait deux autres niveaux de la convergence. La convergence entre secteurs d’une part et leur convergence avec les autres fronts de la lutte, mal-logés, migrantEs, écologie, etc. d’autre part.
Il ne s’agit bien sûr pas de faire des places occupées le substitut de l’organisation indispensable, lieu de travail par lieu de travail, fac par fac, lycée par lycée, quartier par quartier mais de rompre l’isolement des équipes combatives et les coordonner dans l’action commune. Et de relier les débats généraux qui se tiennent sur la place aux problématiques concrètes de la lutte.
Pour aider à cela, les échéances existent : le 23 avril, journée de mobilisation contre le Medef ; le 26 avril, grève des cheminots ; le 28 avril, journée nationale contre la loi travail ; le 1er Mai.
Notre démocratie
Ce lien plus organique avec les luttes sera une base pour répondre aux questions soulevées par la contre-offensive lancée contre Nuit debout. La première a trait à la démocratie et la liberté d’expression. Faut-il accepter que Nuit debout devienne un lieu où viennent s’exprimer le FN, les dirigeants du PS, les patrons... et Finkielkraut et ses pairs ? Celles et ceux qui nous écrasent de leur morgue dans tous les recoins de notre vie sociale, du contenu de nos manuels scolaires à l’organisation des étalages du magasin du coin, en passant bien sûr par la dictature du travail ? Ou bien Nuit debout est-il le lieu où nous avons décidé de nous battre, c’est-à-dire de rassembler exploitéEs et dominéEs pour prendre confiance dans notre force collective, dans le refus de ce qui nous domine, nous exploite et nous aliène ? Un lieu où on refuse la moindre légitimité aux débats justifiant l’inégalité : exploiter, oui mais pas trop, musulmanEs, oui mais pas trop visibles, migrantEs oui mais pas touTEs, femmes, oui mais soumises à la norme...
La démocratie réelle, c’est celle qui proclame, dans les faits, l’égalité. Le liberté d’expression c’est celle qui permet à touTEs de s’exprimer. Il n’y a pas de jours de fête, des jours de vote et d’expression quand tous les autres sont des jours de domination. Si on veut que participent activement les victimes des violences policières, les places doivent être interdites aux flics. Si on veut que participent celles et ceux qui se prennent dans la gueule tous les jours les politiques racistes, homophobes, sexistes, les places doivent être interdites au Front national, aux comportements homophobes et sexistes. Tout comme les places doivent proclamer la légitimité des grèves et des syndicalistes d’Air France ou de Goodyear, et accueillir comme frères et sœurs de lutte les migrantEs.
Violence et non-violence
Nuit debout est facteur de troubles. C’est vrai mais pour qui ? De troubles à l’ordre public. C’est vrai mais de quel ordre ? Des jeunes ont cassé des vitrines de banques. La belle affaire ! « Qu’est-ce qui est plus moral, créer une banque ou l’attaquer ? », disait Brecht... De quoi parlons-nous ? De violence ou des moyens de la riposte ? Quand casser la vitrine d’une banque redonne confiance à des milliers de jeunes dont les parents ont été écrasés, alors cela est juste. Quand casser la vitrine d’une banque marginalise une minorité du mouvement, alors cela n’est pas juste. Ce qui est juste est ce qui donne confiance et entraîne plus largement dans la lutte.
Voilà ce qui devrait être notre boussole. Parce qu’en dernier ressort « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Pas celle d’une minorité. C’est ce qui fait qu’une grève des employéEs de banque sera toujours plus efficace que de l’attaquer de l’extérieur, une révolte de quartier contre les contrôles au faciès plus efficace qu’un traquenard contre les flics.
Le mouvement contre la loi travail et l’occupation des places ont créé les conditions pour déplacer le débat du terrain de la morale abstraite à celui de la stratégie de lutte contre un ordre qui domine par la violence les corps et les idées. Ce n’est pas un hasard si, en plus du débat sur la violence, l’assemblée sur la place de la République a aussi commencé à aborder des questions comme celle de la révolution...
Pour que ces débats avancent, il faut que la lutte se développe et s’élargisse. Parce qu’on sera plus intelligentEs à des millions qu’à des milliers. Et plus fortEs. Debout. Alors la peur commencera vraiment à changer de camp.
Denis Godard
Des « Nuits Debout » partout !
Malgré les périodes de vacances successives, le phénomène ne faiblit pas... Plus de 70 villes debout la nuit, certaines depuis plusieurs semaines, d’autres depuis quelques jours.
Un mouvement national...
Venu de loin mais ancré place de la République, il a ensuite enflammé plusieurs grandes villes, avant de s’étendre à une partie des régions, comme en Bretagne ou dans l’ensemble de l’Île-de-France ou dans des villes moyennes comme Alençon, Blois, Chambéry et bien d’autres. Plusieurs facteurs à cela.
L’hyper violence policière, légalisée depuis la mise en œuvre de l’état d’urgence, a largement suscité l’organisation de la résistance à la répression à l’échelle du territoire, et d’abord dans les villes fortement impactées par cette brutalité : à Nantes, Toulouse, Lyon, Grenoble, Rouen...Dans le même temps, l’exigence du retrait de la loi scandaleuse sur le travail donne un objectif palpable, unifiant ceux qui ont du travail, ceux qui n’en ont pas ou plus, un peu ou pas encore...
De plus, le rôle de la Coordination des intermittentEs et précaires, forgée à des luttes radicales et originales, est dans « Nuit debout » un facteur de dynamisme à Montpellier, Avignon, Marseille, Toulouse, Grenoble...
Tout cela fabrique le « commun » de ces Nuits debout : un commun festif, jeune, hors des clous de la contestation et des organisations traditionnelles, pratiquant la bienveillance entre les participantEs dans les AG et les commissions, dans une démarche de plus en plus politique contre les racismes, le gouvernement, les institutions, la loi travail et très souvent anticapitaliste.
... planté dans les réalités locales
Les résistances et/ou les pratiques militantes locales sont « la chair » des AG, des commissions. Ainsi, à Tarbes, c’est le refus de la privatisation des barrages hydrauliques dans les vallées pyrénéennes qui s’invite dans les débats et les actions. à Saint-Denis, ce sont les militants qui luttent ensemble depuis des années pour les réfugiéEs, le logement, la culture, qui ont lancé l’initiative des premières nuits.
à Grenoble, issues des AG étudiantes et lycéennes, des jeunes diplômés, des intermittentEs mais aussi des militantEs contre le mal-logement, des squats, avec l’implication de Solidaires et de militants NPA, les Nuits debout sont au début profondément marquées par la sauvagerie de la violente répression policière et judiciaire du 31 mars. Une prise de conscience concrète et massive, qu’il fallait être aussi solidaires et organisés entre nous que les différentes institution (y compris la mairie) l’avaient été et l’étaient entre elles. Une prise de conscience aussi, grâce aux témoignages, que la répression raciste, hyper violente, était le quotidien de la vie des Roms, d’une partie des habitantEs des quartiers populaires tout proches, des sans-logement... Une prise de conscience aussi qu’il y avait des résistances grenobloises multiples. Pas de « convergences des luttes » possible sans connaissance des acteurs et de la culture de ces luttes. Avec enfin, portée par une association locale, l’adoption d’un communiqué de soutien aux insurgéEs de Mayotte.
Aujourd’hui, le débat d’ AG porte sur la concrétisation de la participation de Nuit debout à la manifestation du 28 avril. Avec la conviction de plus en plus partagée que le rejet de leur monde passe par la victoire contre la loi travail et qu’il n’y aura pas de « rêve général » sans mobilisation de toutes et tous, ni sans grève, générale elle aussi !
Roseline Vachetta
« Soyons réalistes, demandons l’impossible ! »
Chamboulant les agendas des organisations politiques, bousculant les conservatismes les plus enracinés, l’irruption des mouvements sociaux sur la scène publique pose aux révolutionnaires un questionnement permanent sur leur utilité, leur légitimité, et la place qu’il leur est échue. « Visionnaires » illuminés, dix pas en avant des masses, simples accompagnateurs acritiques... ou participants à égalité avec des milliers d’autres.
La plus grande erreur que pourraient faire les anticapitalistes par leur intervention dans le mouvement Nuit debout, serait de penser qu’ils n’ont rien à apprendre « des autres ». Que leur engagement militant permanent et leur culture politique les exonéreraient d’interroger leurs certitudes et leurs recettes. Chaque expérience possède sa propre dynamique, ses rythmes de politisation et progresse (ou pas) dans ses capacités à répondre aux questions et aux défis qui lui sont en permanence posés.
Nuit debout n’échappe pas à la règle, et a su en quelques jours seulement se doter d’instruments de contrôle et de gestion collectifs lui assurant une continuité de l’occupation de la place de la République, et la tenue quotidienne d’assemblées générales de très bonne qualité. Des commissions se sont constituées : elles posent les jalons d’une autre forme démocratique d’une société débarrassée du capitalisme. Au fil des jours, les débats sont plus précis : des questions telles que le rapport à la violence, l’oppression et l’exploitation spécifiques des femmes, le refus du machisme et des propos sexistes, la parité des interventions à la tribune, la solidarité avec les migrantEs et sans papiers, l’écosocialisme... sont chaque jour traitées.
Ni donneurs de leçons, ni « récupérateurs », ni spectateurs
L’alternative à la politique des organisations traditionnelles et aux échéances institutionnelles se traduit par une véritable volonté d’émancipation. Quoi qu’on puisse en penser, la mise en place d’une commission planchant sur l’établissement d’un projet d’assemblée constituante, si elle n’est aujourd’hui qu’une utopie, indique les préoccupations riches pour l’avenir d’un mouvement qui désire vraiment transformer de fond en comble la société et en finir avec le système capitaliste.
Alors laissons les prédictions auto-réalisatrices à celles et ceux qui espèrent avant tout frileusement voir le mouvement rentrer dans leurs grilles de lecture et leurs certitudes inoxydables... Les révolutionnaires ne doivent nourrir aucun complexe, et se sentir parfaitement à l’aise dans le mouvement. Ni donneurs de leçons, ni « récupérateurs », ni spectateurs, nous devons nous jeter sans recul dans un des épisode les plus enthousiasmants depuis bien longtemps.
Quelle que soit l’issue de l’importante bataille pour le retrait de la loi travail, les milliers de jeunes et moins jeunes qui ont goûté aux joies de l’émancipation, de la réappropriation des places publiques, de l’apprentissage de la démocratie directe, en sortiront plus forts, plus déterminés, et plus que jamais décidés à continuer le combat.
Alain Pojolat
Mise en pratique de la « convergence des luttes »
Le mouvement Nuit debout, dès sa genèse à la suite de la manifestation interprofessionnelle du 31 mars, a tenté de répondre à une préoccupation : comment faire converger nos luttes, comment aller vers le tous-ensemble pour le retrait de la loi travail ?
C’est devant l’incapacité des directions syndicales d’appeler à une grève reconductible, d’appeler à un mouvement plus fort que de simples journées isolées qu’est né le mouvement Nuit debout. « On ne rentre pas chez nous » parce que cela ne suffira pas, a été le premier constat de Nuit debout. Un mouvement qui s’est prolongé depuis près de trois semaines maintenant. Si le mouvement va bien plus loin que le seul retrait de la loi, celle-ci reste au cœur du mouvement, tout comme la jonction entre les différents secteurs qui luttent.
à Paris, le mouvement s’est rapidement doté d’une commission « Convergence des luttes » et d’une autre « Grève générale », l’une et l’autre répondant à la convergence à en invitant des secteurs en lutte sur la place de la République. De ce point de vue, le « Meeting des luttes » organisé sur la place après la manifestation du samedi 9 avril, en invitant des syndicats mais aussi des salariéEs de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), de Sanofi, de La Poste ou encore de la SNCF, a permis de faire franchir un cap au mouvement.
Ces commissions proposent aussi des actions de « convergence des luttes » : il y a deux semaines, les actions de soutien aux cheminotEs à la gare de Saint-Lazare, puis le lendemain à la gare Montparnasse, ont été particulièrement médiatiques, et il n’y a pas un seul jour où une distribution de tracts sur tel commerce ou telle entreprise n’est proposée à l’assemblée générale.
« Hôpital debout » et intermittentEs
Si sur des journées spécifiques (comme le « forum des luttes » qui s’est tenu dimanche 10 avril), un ensemble de secteurs viennent prendre part à l’occupation de la place de la République, deux secteurs y ont pris une place beaucoup plus importante.
Ainsi dès le 31 mars, les salariéEs de l’AP-HP avaient créé un « Hôpital debout », et depuis ce jeudi 14 avril, celui-ci s’est matérialisé sur la place avec une tente et des prises de paroles : pour discuter la réforme Hirsch, du manque criant de budget dans le secteur de la santé, etc.
De la même façon, les intermittentEs ont pris une place très importantes dès le début de Nuit debout, intervenant régulièrement dans les AG pour discuter de leur statut, et depuis leur AG massive du 4 avril au théâtre de la Colline, leur mobilisation s’est aussi conjuguée avec celle de République, donnant un visibilité à leur participation par des pancartes, banderoles, prise de parole au mégaphone...
Vers la grève générale ?
En parlant de convergence des luttes, on aurait parfois tendance à oublier que les participantEs à Nuit debout sont aussi en majorité des travailleurEs souvent précaires, au chômage, à temps partiel, assez éloignés des « bobos » auxquels veulent nous faire croire les médias.
Le principal problème à cette convergence, c’est que des secteurs mobilisés, en grève, se comptent sur les doigts d’une main. La condition pour que Nuit debout devienne véritablement ce à quoi le mouvement aspire, un lieu de centralisation des luttes, c’est le développement d’une grève reconductible, ce que tous les participantEs de Nuit debout appellent de leur vœux. Une grève générale !
Mimosa Effe
Les « Banlieues Debout ! »
Après le samedi 9 avril où des militantEs des banlieues comme Amel Bentoussi et Almany Kanouté sont intervenus à République, a été lancé un mouvement « Banlieues debout » qui se souci que l’occupation des places passe le périphérique dans la région parisienne, et se développe dans les quartiers populaires...
Et de fait quelque chose a démarré : des Nuits debout se développent dans de nombreuses villes de Seine-Saint-Denis (93), du Val-de-Marne (94) mais aussi dans l’Essonne (91), en Seine-et-Marne (77) ou à Vaulx-en-Velin, dans la banlieue lyonnaise. Mais ces Nuits debout ont des visages, des formes d’organisation et des préoccupations différentes, et de celle de République, et entre elles, selon les dynamiques qui les ont impulsées et l’écho qu’elles rencontrent.
Ainsi, « On a bloqué nos lycées et organisé une assemblée générale interlycéenne dès le 9 mars », témoigne Henni Darrat, en première au lycée Eugénie-Cotton à Montreuil. « Je vais à la place de la République tous les soirs depuis qu’ils ont lancé le mouvement et j’ai rapporté l’idée de faire une Nuit debout dans ma ville, pour répondre à l’appel de faire émerger ce mouvement dans les banlieues. » à Montreuil, la première Nuit debout qui s’est tenue le vendredi 8 avril a réuni 300 personnes.
à Saint-Denis dans le 93
L’appel à une Nuit debout dionysienne a été lancé le 11 avril... après une soirée passée avec une trentaine de militantEs encerclés par la police, et une quarantaine d’autres venus les soutenir, tous dénonçant la venue en catimini de Hollande à la Maison d’éducation de la Légion d’Honneur, le symbole le plus criant de l’inégalité d’accès à l’éducation dans le 93 ! Cet appel a été signé par les unions locales et des structures syndicales de la CGT et de Solidaires, des associations de sans-papiers, de parents d’élèves, des collectifs en lutte pour le logement, le MRAP, ainsi que par des organisations politiques (AL, NPA, Ensemble, PCF).
Outre les réseaux sociaux, la popularisation de l’initiative a été faite par des distributions de tracts aux métros faites par l’Interpro (un regroupement de militantEs de différents secteurs qui se sont réunis à plusieurs dizaines à l’appel des unions locales CGT, SUD et FO, le 31 mars, le 5 et le 12 avril).
Dans des barnums prêtés par la mairie, on a installé un espace enfants, une cantine et des ateliers artistiques animés par des militantEs de l’Interpro et des volontaires. Autour de 500 personnes se sont retrouvées, avec des interventions à l’image d’une ville où la lutte est une question de « survie » : des parents d’élèves qui avaient occupé les écoles puis pique-niqué à plus de 150 au même endroit le matin même pour revendiquer les 400 enseignantEs qui manquent pour assurer les remplacements dans les écoles du 93 ; les collectifs de sans-papiers ; les salariéEs d’une maison de retraite qui démarraient une grève le lendemain contre le mépris et la violence managériale ; des enseignantEs ; des mal-logés ; des étudiantEs de Paris 8 mobilisés depuis un mois contre la loi travail…
Pour le moment, ces luttes se juxtaposent, et leur convergence est un enjeu vital pour construire un rapport de forces global mais aussi pour obtenir des victoires pour chacune. Se retrouver au même endroit est une première étape de convergence, nécessaire mais pas suffisante. Car la convergence se construit autour de revendications qui unifient dans le combat contre un adversaire commun. L’intervention des militantEs du NPA vise à participer à l’émergence de cette conscience commune. Prochain rendez-vous dyonisien le mercredi 20 avril.
Cathy Billard
« Soyons réalistes, demandons l’impossible ! »
Chamboulant les agendas des organisations politiques, bousculant les conservatismes les plus enracinés, l’irruption des mouvements sociaux sur la scène publique pose aux révolutionnaires un questionnement permanent sur leur utilité, leur légitimité, et la place qu’il leur est échue. « Visionnaires » illuminés, dix pas en avant des masses, simples accompagnateurs acritiques... ou participants à égalité avec des milliers d’autres.
La plus grande erreur que pourraient faire les anticapitalistes par leur intervention dans le mouvement Nuit debout, serait de penser qu’ils n’ont rien à apprendre « des autres ». Que leur engagement militant permanent et leur culture politique les exonéreraient d’interroger leurs certitudes et leurs recettes. Chaque expérience possède sa propre dynamique, ses rythmes de politisation et progresse (ou pas) dans ses capacités à répondre aux questions et aux défis qui lui sont en permanence posés.
Nuit debout n’échappe pas à la règle, et a su en quelques jours seulement se doter d’instruments de contrôle et de gestion collectifs lui assurant une continuité de l’occupation de la place de la République, et la tenue quotidienne d’assemblées générales de très bonne qualité. Des commissions se sont constituées : elles posent les jalons d’une autre forme démocratique d’une société débarrassée du capitalisme. Au fil des jours, les débats sont plus précis : des questions telles que le rapport à la violence, l’oppression et l’exploitation spécifiques des femmes, le refus du machisme et des propos sexistes, la parité des interventions à la tribune, la solidarité avec les migrantEs et sans papiers, l’écosocialisme... sont chaque jour traitées.
Ni donneurs de leçons, ni « récupérateurs », ni spectateurs
L’alternative à la politique des organisations traditionnelles et aux échéances institutionnelles se traduit par une véritable volonté d’émancipation. Quoi qu’on puisse en penser, la mise en place d’une commission planchant sur l’établissement d’un projet d’assemblée constituante, si elle n’est aujourd’hui qu’une utopie, indique les préoccupations riches pour l’avenir d’un mouvement qui désire vraiment transformer de fond en comble la société et en finir avec le système capitaliste.
Alors laissons les prédictions auto-réalisatrices à celles et ceux qui espèrent avant tout frileusement voir le mouvement rentrer dans leurs grilles de lecture et leurs certitudes inoxydables... Les révolutionnaires ne doivent nourrir aucun complexe, et se sentir parfaitement à l’aise dans le mouvement. Ni donneurs de leçons, ni « récupérateurs », ni spectateurs, nous devons nous jeter sans recul dans un des épisode les plus enthousiasmants depuis bien longtemps.
Quelle que soit l’issue de l’importante bataille pour le retrait de la loi travail, les milliers de jeunes et moins jeunes qui ont goûté aux joies de l’émancipation, de la réappropriation des places publiques, de l’apprentissage de la démocratie directe, en sortiront plus forts, plus déterminés, et plus que jamais décidés à continuer le combat.
Alain Pojolat