Rodrigo Duterte a remporté le 9 mai l’élection présidentielle aux Philippines.
Jusque tard dans la soirée de lundi 9 mai, les chaînes de télévision philippines ont repassé en boucle les images de Rodrigo Duterte quelques heures avant l’annonce de sa victoire à la présidentielle. En chemise rose, blanc et noir, il votait le poing levé, ce même poing qui illustra sur les affiches son programme de campagne : frapper fort. L’organisme de contrôle des élections ne l’a pas démenti, annonçant sa victoire avant même la fin du dépouillement. Le candidat a aussitôt fait savoir qu’il acceptait ce mandat.
La communication enragée de M. Duterte lui a valu d’être comparé à Donald Trump. Du viol d’une missionnaire australienne en 1989 dans la ville de Davao, qu’il dirigeait déjà à l’époque – au sujet duquel il affirmait : « Le maire aurait dû passer en premier » –, au pape François qu’il a insulté pour les embouteillages qu’a causés sa visite, chacune de ses petites phrases a fortement échauffé les réseaux sociaux et les plateaux de télévision, laissant aux commentateurs politiques le soin de réagir, et à ses concurrents, distancés, celui de s’indigner.
Escadron de la mort
A l’automne dernier, lorsqu’il avait annoncé tardivement sa candidature, peu d’observateurs avaient cru au succès de M. Duterte. « Il est arrivé comme un éclair dans le ciel, s’étonne Edna Co, politologue à l’université des Philippines. Les gens peuvent s’identifier à son attitude, à son langage. Il promet de changer les choses à sa manière, selon ses propres règles. »
M. Duterte se vante d’avoir fait de Davao une ville sûre, alors que les autres centres urbains des Philippines sont connus pour leur fort taux de criminalité. Les organisations de défense des droits de l’homme rappellent qu’il a pour ce faire laissé opérer, voir incité, un escadron de la mort qui a abattu plus d’un millier de personnes, suspects de crimes mais aussi simples errants. En campagne, il a d’ailleurs dit : « Oui c’est moi », à propos de cet escadron de la mort de Davao, tout en mettant au défi ceux qui l’accusent d’apporter les preuves de son implication.
Au cours de ses meetings, M. Duterte a tout aussi bien assuré qu’il garantirait le droit à une procédure équitable, que lancé : « Les trafiquants de drogue, les kidnappeurs, les voleurs, trouvez-les tous et arrêtez-les. S’ils résistent, tuez-les tous. Allez-y, condamnez-moi pour meurtre, pour que je puisse vous tuer également. »
Harold Thibault (Manille, envoyé spécial)
Journaliste au Monde