Projet de loi travail : Manuel Valls recourt au 49-3
Le gouvernement a décidé de passer en force sur la loi travail. Après le feu vert du conseil des ministres, réuni en conseil extraordinaire, Manuel Valls a recouru, mardi 10 mai, au 49-3. L’usage de cet article de la Constitution vise à contrer les blocages qui persistent contre le projet de loi travail, car il permet à l’exécutif d’adopter un texte sans vote, avec engagement de la responsabilité du gouvernement. Il a déjà été utilisé à trois reprises en 2015 sur le projet de loi Macron.
Le gouvernement, en « recherche permanente du compromis », a intégré « 469 amendements [au texte], issus d’un travail collectif », a défendu le premier ministre. Déplorant une « alliance des contraires et des conservatismes » face au projet de loi, Manuel Valls a justifié le recours au 49-3 afin d’éviter de « revenir sur l’ambition et la cohérence du projet de loi et [d’]offrir le spectacle désolant de la division et des postures politiciennes dues à une minorité de blocage ». « Nous avons le devoir d’aller de l’avant, de dépasser les blocages [...], a-t-il affirmé. C’est cette exigence qui m’amène à engager la responsabilité de mon gouvernement ». « J’exprime une fronde contre la division », a-t-il ajouté.
Conséquence du recours au 49-3, le débat sur le projet de loi a été « immédiatement suspendu ». Seule une motion de censure peut s’y opposer. Elle doit être déposée dans les 24 heures, c’est-à-dire avant 16h30 mercredi. Si une telle motion de censure était déposée, puis adoptée, elle renverserait le gouvernement.
Devant les députés, un peu plus tôt, Manuel Valls avait indiqué qu’il allait recourir au 49-3 « avec responsabilité, mais aussi avec confiance ». Il avait justifié ce passage en force par le fait que « la réforme doit aboutir », que « le pays doit avancer », et « parce que les représentations salariales et les droits des salariés doivent progresser ».
Manuel Valls a défendu un texte « qui a évolué depuis deux mois » mais qui reste « cohérent et équilibré », « fruit d’un compromis » avec les syndicats dits « réformistes ». « Ce compromis a réuni le groupe majoritaire. Pourtant certains refusent de s’inscrire dans la logique de ce compromis », a-t-il regretté devant les députés. « Je comprends cette position mais ne la partage pas », a-t-il ajouté, provoquant un brouhaha dans l’Assemblée.
Le mouvement Nuit debout, né le 31 mars dans la foulée de la manifestation contre le projet de loi, a appelé à se mobiliser mardi devant l’Assemblée nationale pour protester contre le recours au 49-3, une « attaque contre nos droits sociaux et notre démocratie ».
Débat jeudi sur une motion de censure de la droite
Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidentielle de 2017, a appelé tous les députés à voter la censure contre le gouvernement. « Fin de règne crépusculaire : le recours au 49-3 pour passer sans débat et sans majorité la loi El Khomri contre le droit du travail ! Qui veut l’empêcher doit voter la censure ! », s’exclame le fondateur du Parti de gauche dans un communiqué. Les communistes, emmenés par Pierre Laurent et André Chassaigne, appellent aussi à censurer l’exécutif.
Avant même le discours de M. Valls devant les députés, le député socialiste Pouria Amirshahi a proposé notamment à ses collègues, « pour répondre à la brutalité politique du gouvernement », de « déposer une motion de censure issue des rangs progressistes » en cas de recours au 49-3.
« J’espère que nous serons suffisamment nombreux — soit au minimum cinquante-huit — pour porter collectivement une telle démarche. Le cas échéant, si nous n’y arrivions pas, pour ma part je voterai une motion de censure [de la droite]. »
De leur côté, les députés Les Républicains (LR) et UDI ont en effet déjà déposé leur motion de censure du gouvernement, dénonçant « l’impasse dans laquelle François Hollande a mené [le] pays ». Pour le groupe LR, Christian Jacob a précisé qu’il souhaitait un débat sur cette motion mardi prochain, jour initialement programmé pour le vote solennel sur l’ensemble du projet de loi. Le débat sur la motion de censure LR et UDI aura lieu jeudi à l’Assemblée nationale, ont indiqué les présidents de groupes.
« Le débat n’a plus lieu sur le texte mais sur des postures »
Mardi dans la matinée, les députés « frondeurs » du PS avaient exprimé leur colère après avoir été reçus à Matignon au sujet de l’examen du texte. Pour le rapporteur du texte, Christophe Sirugue, « le débat n’a plus lieu sur le texte mais sur des postures ».
Manuel Valls n’a « pas envie d’aller vers un compromis sur la loi travail », avait de son côté déclaré le député Christian Paul, ajoutant qu’un éventuel recours à l’article 49-3 n’avait pas été évoqué par le gouvernement lors de cette réunion.
Dans la rue, le prochain temps fort aura lieu jeudi 12 mai, avec une cinquième journée de mobilisation (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, FIDL, UNL). S’y ajoutent Nuit debout et une grève reconductible des routiers appelée par la CGT et FO à partir du 16 mai.
* LE MONDE | 10.05.2016 à 06h47 • Mis à jour le 10.05.2016 à 17h29 h :
http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/05/10/loi-travail-l-hypothese-d-un-49-3-se-renforce_4916365_823448.html#PLuOclQQxrrqbd5U.99
Nuit Debout Face au 49-3
Nuit debout organise un rassemblement (prenant déjà de l’ampleur sur Facebook depuis ce matin) :
https://www.facebook.com/events/1041846769235385/
"Ensemble refusons le 49.3 ! Rassemblons nous tou-te-s ce soir à 18H pour un rassemblement devant l’Assemblée Nationale.
1 307 000 signataires contre la loi travail, des centaines des milliers de manifestant-e-s à plusieurs reprises dans les rues, 200 #NuitDebout en France, 71% de la population contre la loi travail : la seule réponse du gouvernement c’est le passage en force et la répression !
49.3 et Loi « Travail », une insulte au peuple
Après deux mois de manifestations massives contre le projet de « Loi Travail » et une opinion publique majoritairement opposée à ce texte, le gouvernement Hollande-Valls menace d’utiliser le 49.3 pour empêcher le débat à l’Assemblée nationale. Le rapporteur du projet, le député PS Christophe Sirugue, avoue qu’il manque 40 voix au parlement pour l’approuver. La majorité est donc divisée face à cette loi qui serait un recul sans précédent des droits des travailleuses et des travailleurs en France, un retour au XIXe siècle.
En mars, Manuel Valls menaçait de démissionner s’il était empêché d’appliquer la loi El Khomri. Aujourd’hui il brandit la menace du 49.3. Ce déni de démocratie après un mouvement social qui a regroupé des centaines de milliers de personnes dans la rue, dans les entreprises, les universités, les lycées et sur les places de France est une insulte au peuple de ce pays.
Plusieurs commissions de Nuit Debout Paris dénoncent cette volonté de passage en force. Si Manuel Valls persiste dans cette voie, nous répondrons par tous les moyens légitimes en proportion au mépris affiché. Nous appelons toutes et tous les démocrates à se mobiliser contre cette dernière attaque contre nos droits sociaux et notre démocratie.
Démocrates, debout !« + un autre appel sur Nuit debout qui dit : »En cas de 49.3, rendez-vous le soir même dans votre Nuit debout la plus proche"