Les chances de conserver la majorité sont faibles pour les républicains ; c’est du moins ce que laissent entendre les sondages et la presse, qui les reprend en les combinant aux discours « d’experts » ou de militants en campagne. Ces signes rappellent pourtant la campagne de 2004, et si cela ne permet pas de prédire le résultat purement électoral, cette incertitude donne des pistes sur les dilemmes politiques qui se poseront au sommet de l’état pour les prochaines années.
L’ensemble de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat (mandats de deux et six ans respectivement) seront renouvelés mardi, soit plus de 450 sièges. La majorité pourrait tenir à peu de choses, et la bataille est acharnée pour une poignée de sièges considérés comme très incertains. Les sondages annoncent un scrutin-référendum sur G.W. Bush, au milieu de son second mandat. A l’origine d’un mécontentement croissant, les coûts humains et budgétaires de la guerre en Irak pourraient fragiliser certains bastions républicains. Le président a dû retirer son leitmotiv de « garder le cap » et il parle maintenant de flexibilité en Irak, espérant se refaire sur la sécurité intérieure et la « guerre contre le terrorisme » (loi sur les commissions militaires et la torture, projet de mur sur la frontière mexicaine). La presse parle aussi beaucoup d’une affaire de pédophilie qui touche le Congrès (affaire Foley), scandale qui a supplanté diverses affaires de corruption mêlant parfois les deux partis. Dans une campagne où les républicains parurent parfois ravis de parler d’autre chose que de l’Irak, les conséquences sur le vote final ne sont pas évidentes, comme pour d’autres thèmes perturbateurs par excellence (avortement, mariage gay, euthanasie...).
Tout cela n’empêche pas les deux partis d’abonder dans le même sens sur plusieurs questions cruciales, comme en 2004, et comme souvent. Ils rivalisent sur le terrain sécuritaire. Les républicains font campagne sur les impôts, et leurs adversaires s’interdisent de les augmenter, conscients de la composition sociale de leur électorat et de la faiblesse des mouvements sociaux progressistes. Si les candidats démocrates savent bien récupérer les critiques contre le gouvernement, ils se maintiennent dans les sondages, même sans propositions alternatives claires, et ils réaffirment le fait qu’ils ont soutenu la guerre (et « soutiendront toujours les troupes ») pour en dénoncer les « abus ». Les vidéos télévisées évitent de mentionner les partis : les programmes politiques se déclinent en messages quasi-individualisés, grâce à des techniques très ciblées de mobilisation de l’électorat. Dans ce contexte, on ne peut affirmer, comme on le lit parfois, que le parti démocrate voit sa gauche renforcée, et rien ne garantit aujourd’hui qu’un changement de majorité ouvrirait un nouveau cycle politique. Dans les faits, de nombreux dossiers feraient l’objet de compromis « bipartisans », à commencer par l’Irak ou la situation économique difficile. Quoi qu’il arrive, suite à l’agitation sur les impôts, l’impasse budgétaire incitera les deux partis à instrumentaliser la politique anti-immigrés et les restes de services publics seront menacés. Tout projet fédéral implique un bras de fer budgétaire et idéologique risqué, que les démocrates comptent éviter en parlant seulement d’augmenter le salaire minimum (dont l’incidence est faible). Si elle n’est peut-être pas suffisante aujourd’hui pour maintenir la majorité, la force des républicains restera déterminante, comme la perspective de 2008...
Les pronostics les plus fréquents sont trop dépendants des sondages et interprètent parfois trop à gauche les opinions sur l’Irak. Les thèmes de campagne, quant à eux, montrent clairement que les principales forces sociales organisées dans le pays demeurent extrêmement réactionnaires ; les forces et les faiblesses du mouvement des immigrés de ce printemps montrent le chemin à parcourir pour y faire face.