Les Pakistanaises sont confrontées à des coutumes et à des lois profondément discriminatoires. C’est en particulier le cas des « ordonnances Hudood », instaurées en 1979 sous la dictature militaire du général Zia-ul-Haq. Remplaçant la précédente loi contre le viol, elles criminalisent les relations hors mariage et ont considérablement aggravé la situation des femmes victimes de violences. Pour prouver légalement le viol qu’elles ont subi, elles doivent en effet avoir quatre témoins mâles prêts à témoigner. Dans n’importe quel pays, il serait la plupart du temps impossible de répondre à une telle obligation. Au Pakistan, en outre, les témoins éventuels seront soumis à des pressions pouvant aller jusqu’à la menace de mort de la part de la famille, du clan ou de la tribu de l’homme mis en cause.
Pire encore, si une plaignante ne peut « prouver » le viol, la justice considère qu’elle a, en se portant en justice, avoué un crime d’adultère pour lequel elle peut être lourdement condamnée. La victime devient la coupable et risque jusqu’à la peine de mort. Avec ces ordonnances, la police dispose d’un redoutable instrument de chantage contre les victimes de violences. Les femmes de milieux populaires se trouvent particulièrement démunies face à des tribunaux locaux composés de juges à la culture machiste et patriarcale.
Depuis vingt ans au Pakistan, les mouvements de défense des droits humains, les organisations féministes et progressistes luttent pour l’abrogation pure et simple des ordonnances Hodood. L’actuel régime militaire, sous la présidence du général Pervez Musharraf, soucieux de son image internationale, a finalement annoncé qu’il allait les amender (et non les abroger) en présentant une nouvelle loi pour la « protection des femmes ». Il s’agissait notamment de retirer du code pénal les rapports sexuels consentis et de permettre la libération sous caution des quelque 1.300 Pakistanaises actuellement en détention pour des faits autres que le vol, le meurtre ou le terrorisme.
Le gouvernement peut, du moins s’il le veut, obtenir une majorité au Parlement pour amender les ordonnances Hudood — une mesure qui resterait en soi très insuffisante. Pourtant, deux mois après avoir déposé le projet de loi, il se refuse toujours à passer à l’acte. Il préfère ne pas s’aliéner les partis religieux comme la coalition Muttahida Majlis-e-Amal (MMA), le Front uni d’action. Des modifications au projet sont ainsi évoquées qui referaient un « crime », dans le code pénal, des rapports sexuels hors mariage et qui exigeraient que la mise en œuvre de la loi soit en conformité avec le Coran et autres fondements de la tradition religieuse — alors que l’interprétation de la sharia est précisément le prétexte aux affrontements les plus meurtriers entre sectes musulmanes !
Il y a eu, ces derniers mois, de nombreuses mobilisations au Pakistan pour exiger l’abrogation des ordonnances Hudood. Dans son éditorial du 30 octobre, le quotidien de langue anglaise Dawn, vient une nouvelle fois de condamner une loi qui « identifie le viol à l’adultère », « permet de condamner les victimes » et facilite les « abus » policiers. L’action est d’autant plus urgente que le nombre de viols s’avère très élevé. Dans un rapport de 2002, la Commission des droits humains du Pakistan souligne qu’une femme est violée toute les deux heures et qu’un viol collectif, une « tournante », est commis toute les huit heures. Une estimation jugée inférieure à la réalité tant le silence règne en ce domaine du fait des tabous sociaux, des lois discriminatoires et de la victimisation des victimes par la police.