POLEMIQUE - Jean-Luc Mélenchon a-t-il commis « le dérapage de trop ? » : c’est ce que se demande jeudi le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) sur son site internet, après des propos controversés du député européen sur les « travailleurs détachés » qui « vole(nt leur) pain » aux travailleurs locaux.
« Les mots ont un sens. Et, non, les travailleurs, détachés ou non, ne volent rien. Ils travaillent, sont exploités, sont volés par leurs patrons. C’est bien à une mise en concurrence des travailleurs que fait référence Mélenchon », attaque le NPA dans un article signé d’un militant, Alexandre Raguet, et relayé sur Twitter par l’ancien candidat à la présidentielle Olivier Besancenot.
Accusant Jean-Luc Mélenchon de « populisme », l’auteur de l’article appelle ses soutiens, « pour beaucoup présents dans les différents collectifs de solidarité avec les sans-papiers », à « dénoncer ces propos ». Car pour le NPA, c’est bien « la rhétorique de l’extrême droite » qu’utilise le candidat déclaré à l’élection présidentielle. « Déjà sur l’Allemagne, Jean-Luc Mélenchon a fait preuve d’une germanophobie insupportable. Sous couvert d’une juste dénonciation du capitalisme allemand, ou du proto-Etat capitaliste qu’est l’UE, il en profite pour distiller une position souverainiste et patriotique », regrette le parti concurrent d’extrême gauche qui a investi le syndicaliste Philippe Poutou pour porter ses couleurs en 2017.
Le 5 juillet, le cofondateur du Parti de gauche avait fustigé devant le Parlement européen « une Europe de la violence sociale, comme nous le voyons dans chaque pays chaque fois qu’arrive un travailleur détaché qui vole son pain aux travailleurs qui se trouvent sur place ».
Internationaliste et patriote, Jean-Luc Mélenchon est régulièrement attaqué sur ses déclarations au vitriol. Il avait notamment été accusé (à tort) d’antisémitisme pour des propos visant Pierre Moscovici mal retranscrits par la presse. Ce n’est pas le cas cette fois-ci.
Interrogé par Le Monde, Jean-Luc Mélenchon a confirmé avoir tenu ces propos, assumant une formulation qui « décrit très bien la compétition entre les travailleurs détachés et les travailleurs locaux ».
Agacé par les critiques qui s’expriment à son égard, le candidat à la présidentielle dénonce une« nouvelle campagne » visant à le faire passer pour « nationaliste, chauvin, raciste, germanophobe et poutinophile ».
Geoffroy Clavel
* Le HuffPost avec AFP. 14/07/2016 17h50 CEST Mis à jour : 14/07/2016 17h53 CEST :
http://www.huffingtonpost.fr/2016/07/14/npa-accuse-melenchon-rhetorique-extreme-droite_n_10992720.html
Mélenchon : le dérapage de trop ?
Le candidat de la « France Insoumise », Jean-Luc Mélenchon, vient encore une fois de créer la polémique. Il faut dire que c’est un habitué du genre.
En effet, ce dernier, au parlement européen, a prononcé une phrase malheureuse : « Je crois que l’Europe qui a été construite, c’est une Europe de la violence sociale, comme nous le voyons dans chaque pays chaque fois qu’arrive un travailleur détaché, qui vole son pain aux travailleurs qui se trouvent sur place. ». Du côté de ses soutiens, ça rétro-pédale, en nous expliquant que l’ancien Tribun du Front de gauche veut simplement dénoncer l’Europe du Dumping social et de la mise en concurrence des travailleurs entre eux. Sauf que les mots ont un sens. Et, non, les travailleurs, détachés ou non, ne volent rien. Ils travaillent, sont exploités, sont volés par leurs patrons. C’est bien à une mise en concurrence des travailleurs que fait référence Mélenchon. Il faudrait donc que chacun ait du travail chez soi, et ainsi les brebis seront bien gardées.
Dans Le Monde, le théâtral candidat à la présidentielle maintient son propos. Selon lui l’expression est populaire et n’a rien de xénophobe. Pourtant, c’est la rhétorique de l’extrême-droite, à n’en pas douter, qu’il utilise. Et cela est somme toute assez logique, puisqu’il s’exprime, à la base, sur le Brexit, avant de formuler son propos nauséabond. En effet, Mélenchon soutient le Brexit sans nuance. Or, nous savons très bien que le vote d’outre-Manche est aussi fondé sur le rejet de l’autre, de l’étranger, sur une appartenance identitaire. Au-delà du fait d’être pour rester ou non dans l’Union européenne, pour construire une Europe de la solidarité entre les peuples de l’intérieur ou de l’extérieur des institutions, il est indispensable, dans le cas britannique, de prendre en compte le fait que l’hégémonie idéologique est placée très à droite… Ce Brexit n’est pas seulement l’expression populaire d’un rejet des institutions anti-démocratiques de l’UE... elle est aussi celle d’un racisme puant, basé en particulier sur la peur que suscite les migrants de Calais. Le fait que la campagne du Brexit ait été menée principalement par la droite et l’extrême-droite a d’ailleurs poussé dans ce sens, ne donnant pas de contenu anticapitaliste et internationaliste au Brexit. Cela aurait pu être le cas en Grèce par exemple, mais au Royaume-Uni le centre de gravité politique n’est pas placé au même endroit. Mélenchon a tord de ne pas prendre en compte ce facteur...
Déjà sur l’Allemagne Jean-Luc Mélenchon a fait preuve d’une germanophobie insupportable. Sous couvert d’une juste dénonciation du capitalisme allemand, ou du proto-Etat capitaliste qu’est l’UE, il en profite pour distiller une position souverainiste et patriotique. Son slogan, La France Insoumise, annonce d’ailleurs la couleur. C’est la France que Mélenchon souhaite représenter, pas celles et ceux d’en-bas, par delà les frontières. L’ancien disciple de Mitterrand, celui qui voit dans la mort de Rocard le départ « d’un guide », a décidément un vrai problème avec la gauche comme valeurs. Il le dit sans hésiter : il ne veut pas être un candidat de gauche, car cela le pousse à être minoritaire. D’où son récent passage au populisme, ni de droite, ni de gauche, mais populaire. Le populisme, c’est la rencontre d’un peuple avec un chef. Que Mélenchon fasse ce choix n’est pas étonnant, même si on peut largement douter du fait que le peuple le rencontrera. Sur les terres identitaires, le Front National a pris beaucoup d’avance.
Nous aimerions sincèrement que les tribunes des élus « de gauche », dans les instances comme celles du parlement européen, mais aussi à l’Assemblée, ou dans les institutions locales, servent à dénoncer le racisme, à demander l’ouverture des frontières sans condition pour stopper le drame méditerranéen. Liberté de circulation, d’installation, régularisation de tous les sans-papiers. Il n’y a pas à tergiverser là-dessus. Que les soutiens de Mélenchon, pour beaucoup présents dans les différents collectifs de solidarité avec les sans-papiers, se manifestent et dénoncent ces propos dans une période suffisamment difficile qui voit tout le spectre politique se déplacer sur la droite.
Alexandre Raguet
* Jeudi 14 juillet 2016, mise à jour Jeudi 14 juillet 2016, 14:12 :
https://npa2009.org/actualite/politique/melenchon-le-derapage-de-trop