- Qu’est-ce que le mouvement des Femmes en noir ?
Judith Warschawski - Le mouvement des Femmes en noir a été créé en décembre 1987 début de la première Intifada par quelques femmes (dont Hagar Roubless, décédée il y a un peu plus d’un an), sur le modèle des Mères de la place de Mai en Argentine. Tous les vendredi, les femmes habillées de noir (signe de la tragédie qu’endurent les deux peuples) brandissent une main noire avec pour slogan « Halte à l’occcupation ». Le mouvement a débuté à Jérusalem, sur la place de France rebaptisée par les femmes place Hagar et s’est étendu à tout le pays (actuellement près de dix places et carrefours) et dans le monde entier.
Jusqu’à la guerre du Golfe, on pouvait compter plus de cent femmes réunies chaque vendredi, puis le mouvement s’est réduit. Il a repris de l’essor depuis la seconde Intifada. Des femmes prenant conscience du désastre engendré par l’occupation, ne voulant plus rester inactives se sont jointes au mouvement. Depuis plus de quatorze ans, grâce à la persévérance propre aux mouvements de femmes et malgré les fluctuations politiques, les réactions hostiles et souvent machistes des passants, les contre manifestations de groupes d’extrême droite, nous n’avons pas cessées de clamer notre unique slogan « Halte à l’occupation ! »
- Quels liens entretenez-vous avec le Mouvement pour la paix en Israël et les mouvements palestiniens similaires ?
J. Warschawski - Après les événements d’octobre 2000 au cours desquels treize palestiniens citoyens d’Israël ont été tués par la police israélienne, la Coalition des femmes pour une paix juste, réunissant une dizaine de mouvements de femmes uvrant pour la fin de l’occupation, a été créé. Les Femmes en noir font évidemment partie de cette coalition et participent aux activités et manifestations (plus de deux mille participants à la marche du 28 décembre 2001), de même qu’elles participent à toutes les manifestations organisées par les différents mouvements pour la paix. Après les accords d’Oslo, des Palestiniennes se joignaient aux Israéliennes sur la place Hagar ; actuellement, la situation empêche toute normalisation des rapports entre femmes israéliennes et palestiniennes même si, sur le plan personnel, de bons rapports existent. Nous continuons à coopérer dans le cadre des groupes de dialogue qui existent depuis longtemps.
- Comment appréciez-vous la nouvelle phase de la guerre menée par Sharon ?
J. Warschawski - Nous sommes témoins d’une escalade dans la répression et dans les moyens employés par Sharon et sa coalition. Sharon ne veut pas de pourparlers. Il ne veut pas payer le prix de la paix. Ceux qui pensaient, lors de son élection il y a un an, qu’il avait changé, qu’il n’était plus le Sharon de la guerre du Liban, se sont trompés. Sa politique se résume à la répression et à la destruction des villes palestiniennes, comme lors de la guerre du Liban. Le 4 mars, il a fait une déclaration en affirmant que son but était d’anéantir Arafat et les Palestiniens avant d’envisager le dialogue. A l’occasion du 8 mars, les Femmes en noir vont participer à des manifestations et à la délégation de femmes qui va apporter une pétition israélo-palestinienne à toutes les ambassades et les consulats étrangers, laquelle demande l’intervention d’une force internationale de protection des Palestiniens. C’est important car l’opinion israélienne bouge.
Ces derniers temps, Les Femmes en noir et Machsom Watch ont été rejoints dans leur actions par de nombreuses femmes qui avaient cessé de s’engager depuis le début de la deuxième Intifada. La gauche modérée comme Shalom Ah’shav (La Paix maintenant) s’implique à nouveau et organise de très grandes manifestations : nous étions 20000 à Tel-Aviv il y a deux semaines, 10 000 cette semaine. Ce sont les premières grandes manifestations depuis longtemps. Le peuple de gauche commence à réaliser que ce n’est pas par la force que l’on résoudra le conflit, qu’il faut dialoguer. A droite, ils refusent toujours de voir le lien entre la conduite d’Israël et la réponse palestinienne (attentats). Le refus de servir dans l’armée israélienne, pour perpétrer des exactions sur les populations civiles et protéger les colonies, par de plus en plus de soldats et officiers israéliens a été essentiel dans ce début de réaction de l’opinion israélienne et des mouvements de la gauche modérée.
- A l’occasion du 8 mars, quel appel voudriez-vous lancer aux mouvements des femmes en France et en Europe ?
J. Warschawski - Déjà, savoir que nous ne sommes pas seules, que d’autres femmes soutiennent notre combat est encourageant. Concrètement, c’est important qu’elles fassent pression sur leurs gouvernements pour qu’ils se démarquent plus nettement de la position américaine pro-israëlienne et qu’ils agissent en faveur de l’envoi d’une force de protection internationale dans les territoires occupés. Elles peuvent aussi participer aux missions civiles de solidarité organisées par les comités de soutien du peuple palestinien. Enfin, plus modestement, elles peuvent populariser le mot d’ordre de boycott des produits israéliens qui viennent des territoires occupés.