3 août : Un remaniement de façade pour une même politique
http://lapresse.tn/03082016/118111/un-remaniement-de-facade-pour-une-meme-politique.html
« Le prochain gouvernement sera le pire de tous ceux qui l’ont précédé depuis le 14 Janvier, quel que soit le nom de celui qui va le présider tant que le modèle de développement n’a pas changé » (Ammar Amroussia, Front populaire)
Depuis que le nom de Youssef Chahed a été fuité par Carthage, les réactions s’enchaînent et animent les débats. Les unes, juridiques, jugeant qu’il n’est pas logique de nommer un nouveau chef de gouvernement qui fait partie du gouvernement sortant et qui n’a pas obtenu la confiance de l’ARP, faisant ainsi fi du principe constitutionnel relatif à la responsabilité solidaire (voir l’article de La Presse « Evitons l’erreur de la Troïka » du 22 juillet 2016). Les autres, politiques, voyant dans la désignation de ce prétendu gendre éloigné du président de la République, le retour sur la scène politique du règne des familles.
Les critiques les plus virulentes, à ce propos, proviennent du Front populaire dont les dirigeants considèrent que cette nomination vient entériner leur position quant aux vrais enjeux du changement du chef du gouvernement. Invité, hier, par Radio Monte-Carlo, Ammar Amroussia déclare que le retrait de confiance du gouvernement Essid fait de celui-ci un bouc émissaire pour essayer de faire sortir de la crise aussi bien Nida Tounès que l’alliance gouvernementale.
Il fait remarquer, toutefois, que ce nouvel épisode, qui était initialement conçu pour procéder à un nouveau partage du butin sur la base de quotas partisans, n’ira pas jusqu’au bout, étant donné que les neufs partis réunis au départ vont bientôt se disperser avec l’annonce des parts des uns et des autres. Autrement dit, ceux qui n’obtiendront pas ce qu’on leur a promis ou ce dont ils projetaient d’obtenir, vont quitter la partie et se repositionner sur l’échiquier politique, tout en essayant de persuader l’opinion publique qu’ils ont agi par principe et que s’ils avaient rejoint l’initiative présidentielle, relative au gouvernement d’union nationale et qu’ils avaient signé le « Pacte de Carthage », c’était parce qu’ils cherchaient l’intérêt général et qu’ils voulaient sauver le pays.
Tout en faisant remarquer que l’histoire se répète, étant donné que le refus par le Front populaire de rallier cette initiative rappelle la position du Pcot, en 1988, lorsqu’il était le seul parti politique tunisien à refuser le Pacte national du 7 Novembre, Amroussia considère que, contrairement à la thèse développée par les signataires du « Pacte de Carthage », cette initiative est loin d’être une opération de sauvetage. Elle vise, soutient-il, le démantèlement de l’Etat, à travers :
– la désignation d’un chef de gouvernement plus docile vis-à-vis du président de la République,
– qui cède au bon vouloir des mafieux et des lobbys, en fermant les yeux sur la contrebande, le commerce parallèle, l’évasion fiscale, etc.
– qui applique à la lettre le diktat des institutions financières internationales.
Dans le même ordre d’idées, le conseiller politique, Ahmed Nouisser, estime que la mission principale du nouveau chef du gouvernement est de céder aux injonctions du FMI, en exécutant les mesures dites douloureuses, se rapportant, principalement, à
– la suspension de recrutement dans la fonction publique, pour l’année prochaine,
– la suppression de la caisse de compensation,
– la dévaluation du dinar,
en contrepartie du déblocage de la nouvelle tranche du crédit accordé par le FMI.
Par ailleurs, le conseiller politique se demande pourquoi le ministre des Finances ne s’est-il pas manifesté pour annoncer la vérité amère aux Tunisiens, à propos de de la situation désastreuse sur le plan économique et sociale, caractérisée, notamment, par un déficit budgétaire passant de 40 à 60%, celui de la Cnam et de toutes les autres caisses sociales qui sont dans l’incapacité de verser leurs dus, ainsi que par les éventuelles difficultés de paiement des salaires, et dont la gravité est telle qu’elle laisse préfigurer une crise similaire à celle de la Grèce.
Ce scénario est, selon lui, inéluctable, tant qu’on demandera aux Tunisiens plus de sacrifices. La seule explication qu’il trouve au silence du ministre des Finances, c’est sa déception de ne pas être retenu pour le poste de chef de gouvernement après y avoir été pressenti, ces derniers temps.
Toutes ces données laissent Ammar Amroussia conclure que le prochain gouvernement sera, à coup sûr, le pire de tous ceux qui l’ont précédé depuis le 14 Janvier, et ce, quels que soient le nom de celui qui va le présider et ceux qui seront choisis pour faire partie de son équipe gouvernementale. D’ailleurs, pour revenir au document fixant les priorités du nouveau gouvernement, il importe de préciser que celles-ci se recoupent en plusieurs points avec le programme de Habib Essid, comme il l’a lui-même souligné. On se demande alors à quoi ça sert de reproduire l’échec de l’actuel gouvernement. Ce document a évité de mentionner les dossiers brûlants et conflictuels et s’est complètement tu sur les objectifs. Il se contente d’annoncer une série de principes et de slogans sans s’approfondir sur les termes d’un programme susceptible d’être appliqué par un gouvernement. Il ajoute que ce document n’affronte pas les vraies difficultés qu’il survole, tout en essayant de faire croire qu’il y apporte des solutions alors qu’il est incapable même de les soulager. Partant, le but poursuivi, d’après lui, ne consiste ni dans un programme de gouvernement, ni dans le changement d’un gouvernement en panne d’alternative, mais dans le remplacement d’Essid par un autre. En d’autres termes, on persévère dans la même voie de l’échec.
Le porte-parole du Front populaire, Hamma Hammami, fait remarquer qu’il n’existe pas de volonté chez l’alliance au pouvoir de procéder au changement du modèle de développement, en révisant les choix économiques fondamentaux à tous les niveaux, dans le but d’émanciper l’économie nationale des forces étrangères, qui la paralysent et l’asphyxient. Ce qui est de nature à la revigorer et à permettre de réaliser l’abondance et la redistribution sociale des richesses sur des bases équitables. C’est ainsi, selon Hammami, que l’on peut sortir de la crise sans prendre de mesures douloureuses à l’encontre des classes laborieuses et sans renoncer à la souveraineté nationale. C’est la voie préconisée par le FP, la seule à pouvoir garantir le salut aux Tunisiens. « C’est pourquoi ni Youssef Chahed, ni qui que ce soit d’autre, ne sera capable d’apporter les solutions attendues, en l’absence d’un programme adéquat ; c’est là que réside la vraie question », scande le porte-parole du FP.
4 août : Le Front s’oppose à la désignation de Youssef Chahed
Dans un communiqué rendu public sur sa page officielle, le Front populaire a exprimé son refus quant à la désignation de Youssef Chahed en tant que chef du futur gouvernement.
Le Front populaire a considéré que cette désignation émane de la propre décision du président de la République et que les concertations n’étaient que « protocolaires », estimant qu’elle consacre la poursuite des politiques de l’ancien gouvernement et ses choix économiques, sociaux et ses relations étrangères.
Par ailleurs, le FP a appelé toutes les forces nationales et démocratiques à se mobiliser afin de faire face aux « plans » du président de la République et de la coalition au pouvoir visant à anéantir le processus révolutionnaire.
6 août : Le choix de Youssef Chahed est « un danger pour la vie politique qui va reproduire l’ancien régime »
(...) Le Front Populaire (FP) a réaffirmé jeudi son rejet du choix de Youssef Chahed au poste de chef de gouvernement d’union nationale « car ce choix représente un danger pour la vie politique et constitue une solution à la crise de la coalition au pouvoir aux dépens des aspirations du peuple et une dérobade de la responsabilité de l’échec de la coalition ».
Dans un communiqué rendu public jeudi par le conseil central, le FP a estimé que « le choix de Youssef Chahed au poste de chef du gouvernement futur « va reproduire l’ancien régime avec comme corolaire le clientélisme, l’autoritarisme et l’association du destin du peuple avec les intérêts d’une couche minime aux dépens du peuple et de la nation ».
Le Front Populaire a critiqué le fait que le président de la République ait choisi individuellement le nom de son candidat pour diriger le prochain gouvernement, estimant qu’il constitue « une preuve irréfutable du caractère formel des consultations avec les partis et les organisations dont le seul rôle à consister à démettre le chef du gouvernement".
Le FP n’avait pas répondu favorablement à la demande de participation aux consultations lancées par le président de la république sur son initiative de formation d’un gouvernement d’union nationale, auxquelles ont pris part 9 partis et 3 organisations nationale, rappelle-t-on.
De même, il n’avait pas pris part ainsi que d’autres partis au vote lors de l’assemblée plénière de l’ARP qui n’avait pas renouvelé samedi la confiance au gouvernement Essid.
Selon le Front Populaire, « le choix de Youssef Chahed au poste de chef du nouveau gouvernement n’a pas été l’aboutissement de consultations nationales et d’un large consensus politique et civile comme veut le faire croire la coalition au pouvoir mais un choix qui consacre l’ancien mode de pouvoir fondé sur les liens de parentés, le clientélisme et la mainmise par une petite catégorie sur les leviers du pouvoir qui a des inintérêts communs avec les centres de corruption ».
Pour le FP, le choix de Chahed « consacre la loyauté en premier lieu au président de la République qui veut contourner la constitution pour imposer un régime présidentiel comme première étape en désignant un chef de gouvernement proche et docile dont on pourra orienter les décisions et en amendant la constitution au moment approprié, en seconde étape, comme l’ont affirmé plusieurs parties de la coalition au pouvoir ».
Le Front Populaire a indiqué que « le choix de Chahed est une poursuite des politiques du gouvernement sortant, ses choix socio-économiques et ses liens avec l’étranger, ce qui ne fera qu’aggraver la crise du pouvoir, poussera à réprimer les libertés et contourner les acquis démocratiques obtenus grâce aux sacrifices du peuple ».
Il a lancé un appel aux « forces nationales et démocratiques, partis et organisations, associations, aux organisations des jeunes, des femmes et aux personnalités culturelles et nationales à se mobiliser pour rejeter les plans du président de la république et sa coalition au pouvoir visant à mettre fin au processus révolutionnaire et à retourner à la dictature et à la répression ».
Hamma Hammami, secrétaire général du parti des travailleurs et porte-parole du FP, avait estimé lundi à Monastir que « le gouvernement prochain connaîtra l’échec car il n’a pas d’autres alternatives et un nouveau programme et sera contraint de réprimer les libertés pour imposer des mesures douloureuses ».
10 août : Le Front boycotte les palabres avec le pouvoir
http://www.lapresse.tn/10082016/118445/lheure-est-au-choix-des-nouveaux-ministres.html
(...) le Front populaire composé d’un groupe de partis et d’organisation de la société civile, a boycotté les consultations auxquelles ont pris part au total 9 partis et 3 organisations nationales.
Il avait aussi boycotté le vote sur le renouvellement de la confiance au gouvernement Essid qui avait été désavoué lors du scrutin du 30 juillet dernier.
Le Front estime que le choix de Youssef Chahed « n’est pas l’aboutissement de consultations nationales et le fruit d’un large consensus politique mais un choix qui perpétue l’ancien régime fondé sur les liens de parenté, le clientélisme et le monopole des institutions par une infime minorité liée par des intérêts en relation avec les centres de pouvoir et de corruption ».
10 août : Le Front refuse de rencontrer Chahed
http://www.lapresse.tn/10082016/118446/le-front-populaire-refuse-de-rencontrer-chahed.html
Le conseil central de la coalition du Front populaire a décliné l’invitation du chef du gouvernement désigné, Youssef Chahed, à rencontrer ses représentants.
Selon un communiqué du conseil rendu public hier, le bureau de Youssef Chahed a contacté hier le porte-parole du Front populaire, Hamma Hammami, pour inviter une délégation du Front populaire à le rencontrer aujourd’hui.
Le Front populaire a décliné l’invitation en raison de son refus de participer aux concertations autour de la formation d’un gouvernement d’union nationale, précise le communiqué, rappelant que le FP n’avait pas signé l’accord de Carthage et a refusé le processus adopté dans la désignation de Youssef Chahed à la tête du nouveau gouvernement.
Le Front populaire ne voit aucune utilité à participer à cette « rencontre formelle » qui concerne la composition et la structure du nouveau gouvernement de la coalition au pouvoir, lit-on de même source.
Le FP se prononcera au moment opportun sur la structure et la composition du nouveau gouvernement dès qu’il sera annoncé publiquement et déterminera sa relation avec celui-ci en fonction des actions à engager vis-à-vis des questions prioritaires dans le pays, précise-t-on de même source.
10 août : Pour Hamma Hammami, Youssef Chahed constitue une menace pour l’agriculture tunisienne
Le porte-parole du Front populaire (FP), Hamma Hammami, a révélé, lors d’une intervention sur la chaîne privée Nessma TV (lundi 8 août 2016), plusieurs informations sur le futur nouveau chef du gouvernement, Youssef Chahed.
En voici les plus importantes.
Youssef Chahed, docteur en agriculture, a travaillé en tant qu’expert, au sein de l’ambassade américaine à Tunis, plus exactement dans le cadre d’un département chargé de la promotion des secteurs agricoles alimentaires américains à l’étranger.
Interpellant Youssef Chahed, le porte-parole du Front populaire lui a demandé si, une fois chef du gouvernement, il va défendre les intérêts de l’agriculture tunisienne ou ceux de l’agriculture américaine. Hamma Hammami y voit un risque qui expose le futur chef du gouvernement au reproche de conflit d’intérêt aux dépens de la Tunisie.
Toujours selon Hamma Hammami, dans la thèse de doctorat de Youssef Chahed dont une copie est parvenue aux experts du FP, qu’ils ont déchiffrée et analysée, Youssef Chahed défend le développement les Organismes génétiquement modifiés (OGM), sévèrement critiqués partout dans le monde en raison de la pollution génétique qu’ils génèrent. De ce fait, Hamma y voit une menace pour une agriculture tunisienne traditionnelle et encore sous-développée.
Toujours dans cet ordre d’idées, Youssef Chahed serait « contre les droits des agriculteurs sur leurs terres estimant que cette approche est désormais caduque ». Sous-entendu : Youssef Chahed serait, selon Hamma, favorable à la libéralisation de l’agriculture tunisienne et éventuellement à l’appropriation des terres agricoles par des investisseurs étrangers.
Pour toutes ces raisons, Hamma Hammami pense que Youssef Chahed, qui n’a à son actif aucun programme clair à l’exception de sa responsabilité dans l’émiettement de son parti Nidaa Tounès, constitue une sérieuse menace pour l’agriculture tunisienne et, par ricochet, pour la souveraineté du pays.
Hamma Hammami va plus loin. Il craint que Youssef Chahed ne soit nommé non pas pour mettre en œuvre la feuille de route ou le pacte de Carthage sur le gouvernement d’union nationale laquelle ne serait, de l’avis de tous les observateurs, qu’un ensemble de professions de foi mais du programme de réformes que gouvernement tunisien avait envoyé au Fonds monétaire international pour l’obtention de facilités de paiement (dernier crédit stand-by).
A noter que le dirigeant du FP n’a pas voulu s’associer à l’initiative du président de la République de former un gouvernement d’union nationale. Donc, à la limite, que M. Chahed applique ou non la feuille de route de Carthage, cela ne devrait pas l’intéresser outre mesure, cela dit en passant.
Il a rappelé que le gouvernement s’était engagé à exécuter, au nom du peuple tunisien, ce programme avec toutes ces conditionnalités. Au nombre de celles-ci, le porte-parole du FP a cité la privatisation des entreprises publiques, la suppression de la compensation, la promulgation des lois sur la libéralisation bancaire et sur l’indépendance de la Banque centrale de Tunisie, la révision des Caisses de sécurité sociale, l’accélération de l’adhésion de la Tunisie à l’Accord de libre-échange approfondi avec l’Union européenne (ALECA)…