L’exception marseillaise aurait-elle vécu ? Restée à l’écart du mouvement des banlieues à l’automne 2005, on aurait pu penser que la ville était épargnée. Certes, il n’y avait pas eu cette révolte collective, appelée ailleurs « émeutes ». Jean-Claude Gaudin et son équipe municipale vantaient leur politique, mais ne pipaient mot sur la réalité économique de la ville. C’était ainsi occulter la mobilisation sociale, sous d’autres formes, autour des luttes de la SNCM et de la RTM.
Mais, à Marseille, il existe aussi des zones où le chômage reste endémique et largement au-dessus de la moyenne nationale. Il frappe 40 % de la population dans les cités proches du lieu où le bus a été incendié. Les jeunes sont les plus touchés ; si l’on ajoute la dégradation et l’absence de service public, il n’est pas difficile de comprendre le sentiment de relégation des populations qui y vivent : l’avenir est un mot qui ne peut prendre sens lorsque le quotidien est celui d’une survie au jour le jour.
Alors, s’il ne s’agit en aucun cas de justifier l’injustifiable, il ne faut pas hurler avec les loups. D’autant que nombre de médias en rajoutaient sur « l’anniversaire », montaient en épingle des incidents et mettaient en valeur les effets plutôt que les causes profondes : rien n’a changé dans la réalité quotidienne des populations les plus touchées par le chômage et la précarité. L’incendie du bus était une preuve irréfutable de la faillite de la politique de Sarkozy et du gouvernement Villepin. Aucun des problèmes à la racine de la légitime révolte de la jeunesse n’a été réglé. Pour la majorité des plus défavorisés, l’accès à l’emploi, à la formation et au logement reste une gageure. Alors nous sommes en droit de nous demander si ce tapage médiatique n’a pas eu pour conséquence d’offrir des prétextes au gouvernement pour masquer ses responsabilités dans la casse sociale.
Tel est le contexte dans lequel a eu lieu le dramatique fait-divers du 28 octobre. Il plonge des familles dans la douleur et l’angoisse, des mères et des pères dans la honte et la consternation. C’est contre cette stigmatisation que se sont mobilisés des habitants des cités, après l’interpellation des jeunes soupçonnés d’être les auteurs des faits. Il est trop facile de vouloir les rendre seuls responsables. « Je ne suis pas là pour défendre l’acte absurde de samedi. Juste pour dire qu’il suffisait d’être jeune et à proximité de ce rond-point pour être impliqué », affirme l’un des jeunes mobilisés. Avec eux, la LCR partage cette révolte face à l’asphyxie du tissu associatif orchestrée par Chirac et son gouvernement. Lucide, le maire de secteur assure : « Il faut apaiser les esprits, appeler à la sérénité et éviter les provocations, tout en s’interrogeant sur nos responsabilités. »
Alors quand, face à ce drame, la réponse du gouvernement est l’envoi de deux compagnies de CRS et une visite médiatique du ministre de l’Intérieur, on ne peut que partager un légitime sentiment d’injustice. À cette gesticulation, qui ne répond pas aux problèmes posés, nous préférons et respectons la dignité de la famille de la victime, et tenons à lui témoigner notre soutien. Ceux qui voudraient nous diviser et faire de nous leurs complices dans un émoi de façade, ce gouvernement comme ses soutiens, doivent le savoir : nous n’aurons de cesse de lutter contre leur politique ! Il est totalement indigne d’utiliser ce drame pour aggraver encore cette politique autoritaire, totalitaire et discriminatoire. Rien ne pourra changer si la loi de l’argent continue de prévaloir sur celle du respect des droits et de la justice sociale. Nous ne tomberons pas dans le piège « d’une guerre des pauvres contre les pauvres ». Avec les populations en butte à l’arbitraire, nous disons : « L’insécurité naît d’abord de l’insécurité sociale. »