Vague de grèves annoncées en Tunisie
Le 25 novembre, la Commission administrative nationale de l’UGTT a décidé d’appeler à une grève générale du secteur public pour le 8 décembre. Le but de celle-ci est de mettre un terme à la dégradation considérable du pouvoir d’achat des salarié-es ainsi qu’aux suppressions d’emplois par gel des recrutements.
La détermination des syndicalistes tunisiens est d’autant plus forte qu’avait eu lieu, au premier semestre 2015, une vague historique de grèves dans le secteur public.
Suite à celles-ci, des accords avaient été signés devant notamment permettre, dans ce secteur, un maintien approximatif du pouvoir d’achat sur plusieurs années.
Mais le gouvernement néolibéral, pourtant dirigé par la même majorité politique qu’en 2015, refuse aujourd’hui obstinément d’appliquer les augmentations salariales prévues et publiées au Journal officiel.
Il est envisagé cet automne que l’ensemble des salariés du pays fassent grève simultanément.
Cela n’avait pas été le cas en 2015 où les grèves avaient eu lieu successivement au premier semestre dans le public, et à l’automne dans le privé. A l’automne 2015 en effet, dans la foulée du succès des mobilisations du secteur public, un cycle de grèves générales régionales tournantes avait été programmé dans le privé.
La première d’entre elles, à Sfax le 19 novembre, avait eu une ampleur plus importante qu’en janvier 2011. Mais les grèves régionales suivantes avaient été brutalement stoppées suite à un attentat meurtrier de Daech en plein Tunis, à la veille de la grève générale prévue le 25 novembre dans cette région. Résultat, les avancées dans le privé ont été en 2015 plus limitées que dans le public.
Cette année, une grève avait été initialement envisagée dans le privé pour le 22 décembre.
La Commission administrative nationale du 25 novembre a décidé de retenir le principe d’un appel à la grève dans le privé. Mais elle a simultanément décidé de poursuivre les discussions au sein des structures syndicales du privé et du public pour voir s’il était possible que les deux secteurs fassent grève simultanément le 8 décembre.
En toile de fond de ces mobilisations, figure le refus de la politique du pouvoir néolibéral dirigé par des notables de l’ancien régime et les islamistes d’Ennahdha. Celui-ci veut faire voter un budget d’austérité en tous points conforme aux dogmes du FMI, de la Banque mondiale et de l’Union européenne.
Refusant de lutter contre la corruption, la contrebande, l’évasion fiscale, la fuite des capitaux, ainsi que de recouvrir ses créances auprès des entreprises et sociétés, les gouvernements qui se sont succédés depuis 2011, ont endetté lourdement le pays auprès de créanciers étrangers.
De leur côté, les travailleurs et les travailleuses ont vu leur salaires augmenter moins vite que l’inflation. En ce qui les concerne, ils n’ont eu aucune possibilité de se dérober à leurs obligations fiscales dans la mesure où leurs impôts sont prélevés à la source !
Néanmoins, après avoir consciencieusement vidé les caisses de l’Etat, le pouvoir veut aujourd’hui présenter la note aux salarié-es en bloquant les salaires et les recrutements, ce qui ne peut qu’aggraver la crise économique et sociale majeure que traverse le pays.
Comment s’étonner dans de telles conditions que 549 suicides ou tentatives de suicides aient été recensés pour la seule année 2015, et qu’environ 40 000 tunisien-nes aient cherché depuis 2011 à émigrer clandestinement au péril de leur vie !
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les mouvements sociaux soient loin de se limiter aux seules grèves à venir :
– Pour préparer les grèves à venir, des rassemblements et des manifestations ont eu lieu un peu partout dans le pays le week-end du 26/27 novembre.
– Les enseignants du secondaire et du primaire seront dans la rue dès le mercredi 30 novembre sur les revendications générales et leurs revendications spécifiques.
– Depuis 6 ans, des diplômés-chômeurs bloquent périodiquement la production et/ou le transport du phosphate dans le bassin minier de Gafsa. Il en a été de même cette année pour le gaz extrait au large de l’île de Kerkennah.
Jemna ou l’esquisse d’une alternative
Depuis janvier 2011, les habitant-e-s de l’oasis de Jemna dans le sud de la Tunisie se sont emparés des terres dont leurs ancêtres avaient été spoliés lors de la colonisation française et les gèrent collectivement avec succès.
Pour mener leur combat, ils et elles se sont dotés d’une association animée par des bénévoles, qui s’est placée sous le contrôle de la population.
En prenant leurs propres affaires en mains, ils et elles sont parvenu-es, non seulement à sortir en partie de la misère, mais également à financer un certain nombre de services publics locaux dont la population est cruellement privée.
Leur combat est celui pour la dignité et la justice sociale qui, au même titre que la liberté, faisaient partie du slogan central de la révolution inachevée de 2011.
Des originaires de la région de Jemna vivant en région parisienne ont constitué un collectif de soutien, qui comme à Jemna, est basé sur l’adhésion individuelle. Celui-ci se place sous le contrôle politique de l’association existant à Jemna. Csjemnafrance gmail.com
Le collectif de France organise mardi 6 décembre de 18h à 22h30 une soirée de soutien (37 rue Léopold Bellan 75002 Paris).
L’Union syndicale Solidaires participera bien entendu à cette initiative à laquelle sont notamment conviées un grand nombre d’associations et organisations syndicales.
Pour en savoir plus :
Alain Baron
www.autogestion.asso.fr/?p=6428
Henda Chennaoui
http://nawaat.org/portail/2016/10/13/reportage-a-jemna-la-fete-loin-de-lhysterie-politique/
Habib Hayeb
https://habibayeb.wordpress.com/2016/10/03/jemna-ou-la-resistance-dune-communaute-depossedee-de-ses-terres-agricoles/