Les sept îles artificielles chinoises dans l’archipel des Spratleys, en mer de Chine du Sud, ressemblent de plus en plus à des bases militaires : des canons antiaériens pouvant cibler des aéronefs, des missiles ou des drones ont été repérés sur les dernières images satellites publiées le 13 décembre par l’Asia Maritime Transparency Initiative (AMTI). Les clichés satellites publiés par cette unité d’un think tank américain font apparaître des plates-formes hexagonales fortifiées. Disposées à des emplacements stratégiques, elles permettent de « couvrir toutes les approches » sur les trois îles dotées de pistes d’atterrissage ainsi que sur les plus petits polders. Certaines des installations de défense repérées antérieurement ont été enterrées. Au début d’août, l’AMTI constatait déjà que les trois pistes d’atterrissage des récifs de Subi, Mischief et Fiery Cross étaient désormais opérationnelles et que des hangars renforcés pourraient bientôt accueillir 24 avions de chasse par île, soit au total 72 avions [1].
Ces nouvelles accusations contredisent le discours du président Xi Jinping, qui, en septembre 2015, au côté de Barack Obama avait assuré : « La Chine n’entend pas militariser » la mer de Chine méridionale. Le ministère de la défense chinois a jugé légitime le 15 décembre le « déploiement d’installations militaires d’autodéfense pour ces constructions à but civil ». Il a ajouté, sur son compte Weibo, le Twitter chinois : « Si quelqu’un montre ses muscles devant chez vous, n’est-il pas normal de préparer son lance-pierre ? »
Pour Wang Peng, de l’université de Fudan, à Shanghaï, c’est « un signal d’avertissement à Donald Trump », qui avait dénoncé dans un tweet récent le « complexe militaire » chinois en mer de Chine du Sud, où la Chine et les pays riverains d’Asie du Sud-Est ont des revendications territoriales concurrentes. Ces îles permettront à la Chine « de contrôler dans sa totalité la mer de Chine du Sud, de dissuader les pays hostiles et de développer nos activités militaires », nous dit-il.
« Aucun fondement juridique »
Pékin a fait un long chemin depuis son occupation de ces sept récifs des Spratleys dans les années 1980-1990 pour en faire des stations météorologiques ou océanographiques. Quatre d’entre eux étaient dans les eaux internationales et trois autres dans la zone économique exclusive des Philippines. Leur conversion en véritables îles artificielles a commencé en 2013, sous l’actuel président Xi Jinping. Le Vietnam, les Philippines, Taïwan et la Malaisie occupent une quinzaine d’autres îlots des Spratleys, également équipés. Saisie par les Philippines, la Cour permanente d’arbitrage de La Haye a conclu, le 12 juillet, que la revendication par Pékin de l’essentiel de la mer de Chine méridionale n’avait « aucun fondement juridique » et que ses activités dans la zone violaient les droits souverains des Philippines et ainsi aggravaient les différends.
Pour les experts interrogés par l’AMTI, ces îles artificielles chinoises, avec leurs pistes d’atterrissage, leurs dépôts de munitions et de carburant, ou encore leurs casernes, peuvent être « militarisées » du jour au lendemain, ce qui rend hors de propos toute promesse chinoise du contraire. Elles permettront à la Chine de mener en permanence des patrouilles aériennes dans les Spratleys ou d’y faire stationner une flotte de garde-côtes. L’enjeu ? Exercer une plus ample surveillance et une domination croissante de cette mer de Chine méridionale qu’elle juge essentielle à sa sécurité. Car c’est là que se cache, dans l’île-province de Hainan, sa base de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, qui doivent pouvoir gagner la haute mer sans se faire détecter.
Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)
Journaliste au Monde
* LE MONDE | 16.12.2016 à 11h03 • Mis à jour le 17.12.2016 à 12h19 :
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/12/16/pekin-justifie-la-militarisation-de-l-archipel-des-spratleys_5050023_3216.html
La Chine saisit une sonde sous-marine américaine
Les forces chinoises sont accusées de s’être emparées en mer de Chine méridionale d’une sonde qui fournit des informations cruciales à la marine américaine.
Le Pentagone a reproché à la Chine, vendredi 16 décembre, d’avoir saisi une sonde sous-marine appartenant à la marine américaine et qui évoluait en mer de Chine méridionale, au risque de tendre davantage la situation dans ces eaux très disputées.
« Elle a été saisie » par la Chine à quelque 50 milles marins au large des Philippines, selon le porte-parole du Pentagone, le capitaine de vaisseau Jeff Davis.
La sonde était utilisée pour mesurer la salinité et la température de l’eau, des informations cruciales en particulier pour la flotte des sous-marins américains.
L’incident — peu commun — est survenu au moment où l’équipage civil du USNS Bowditch, un navire océanographique, retirait de l’eau deux sondes.
Un navire chinois de type Dalang III, spécialisé dans le soutien et le secours aux sous-marins, qui se trouvait à environ 500 mètres a attrapé l’une des sondes. L’équipage du Bowditch a pu remonter la seconde à bord. Les Américains ont demandé aux Chinois de laisser la sonde, mais la réponse qu’ils ont eue a été sèche : « Retour aux opérations normales. »
Pékin accusé d’avoir agi illégalement
« Elle est à nous. C’est clairement écrit dessus. Nous voulons qu’on nous la rende et nous aimerions que cela ne se reproduise pas », a dit le représentant du Pentagone.
Le porte-parole du Pentagone, Peter Cook, a été plus ferme dans son ton, accusant Pékin d’avoir agi illégalement. « Nous appelons la Chine à nous rendre notre drone sous-marin immédiatement et à remplir toutes ses obligations imposées par la législation internationale ».
Le capitaine de vaisseau Davis a expliqué que l’appareil en lui-même valait environ 143 000 euros et était fait de composants disponibles dans le commerce. Les données collectées sur la salinité et la température de l’eau sont en revanche précieuses. Ce sont des facteurs déterminants dans la propagation du son en milieu marin.
Leur connaissance précise est indispensable pour l’utilisation des sonars ou aux sous-marins pour mieux étouffer le bruit de leur déplacement.
Ce nouvel incident devrait encore tendre un peu la situation dans ces eaux très disputées. De vastes portions de la mer de Chine méridionale sont revendiquées par les pays limitrophes (Chine, Philippines, Vietnam, etc.).
La Chine a aménagé toute une série d’îlots pour appuyer militairement ses revendications, et les Américains patrouillent régulièrement au large de ces installations au nom de la défense de la liberté de navigation dans cette zone stratégique.
Le Monde.fr avec AFP
* Le Monde.fr | 16.12.2016 à 19h24 • Mis à jour le 16.12.2016 à 20h29 :
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/12/16/la-chine-saisit-une-sonde-sous-marine-americaine_5050428_3216.html
Un porte-avions chinois en route vers le Pacifique
Après des exercices aériens jeudi, la Chine a annoncé son intention de faire des « manœuvres en pleine mer » sans en préciser le lieu.
L’unique porte-avions chinois se dirige vers le Pacifique pour sa première sortie dans l’océan, a rapporté dimanche 25 décembre la presse officielle chinoise, au moment où la tension avec Taïwan est ravivée par des commentaires du futur président américain, Donald Trump.
Cette sortie en dehors des eaux de la mer de Chine est la première du bâtiment construit en Union soviétique et racheté par la Chine, a annoncé sur son site Internet le quotidien Global Times. Le navire a été admis au service actif en septembre 2012.
« Une flottille de la marine chinoise, comprenant le porte-avions Liaoning, s’est dirigée vers l’ouest du Pacifique samedi pour des exercices prévus en pleine mer », avait fait savoir l’agence de presse Chine nouvelle samedi soir sans plus de détails.
Sept bâtiments et un porte-avions
On ignorait la durée prévue de la sortie dans le Pacifique et l’itinéraire choisi par la flottille. Le Liaoning étant basé à Dalian, dans le nord-est de la Chine, il devrait logiquement entrer dans le Pacifique en traversant le chapelet d’îles qui sépare Taïwan du sud du Japon.
Cité par le quotidien hongkongais South China Morning Post, le ministère de la défense japonais a précisé dimanche avoir repéré la flottille, composée outre le porte-avions de sept bâtiments : trois destroyers (contre-torpilleurs) équipée de missiles, trois frégates et un navire de ravitaillement. La formation se trouvait dans le centre de la mer de Chine orientale et se dirigeait à l’est, selon Tokyo.
Dans une autre dépêche diffusée plus tôt samedi, Chine nouvelle annonçait que le porte-avions avait effectué des exercices en mer Jaune, entre les côtes chinoises et coréennes, la semaine dernière.
Le Liaoning était alors accompagné de « plusieurs destroyers et frégates ». Vendredi, des avions J-15 « ont décollé du Liaoning, effectuant des exercices, tels que le ravitaillement et la confrontation en vol », selon la même source.
La marine chinoise avait par ailleurs annoncé le 15 décembre que le porte-avions avait mené son premier exercice avec des tirs réels, notamment d’une dizaine de missiles, en mer de Bohai, à l’intérieur des côtes chinoises.
Ces exercices sont menés alors que la tension est soudainement remontée au début du mois entre Pékin et l’île de Taïwan, à la suite d’un entretien téléphonique entre Donald Trump et Tsai Ing-wen, la présidente taïwanaise. Le régime communiste interdit tout contact officiel entre des Etats étrangers et Taïwan, qu’il considère comme une de ses provinces. Pékin n’exclut pas de recourir à la force pour rétablir sa souveraineté sur l’île.
Le Monde.fr avec AFP
* Le Monde.fr | 25.12.2016 à 05h07 • Mis à jour le 26.12.2016 à 07h41 :
http://www.lemonde.fr/international/article/2016/12/25/pekin-fera-des-manœuvres-de-porte-avions-dans-le-pacifique_5053769_3210.html