Un nouveau mouvement à la gauche de la gauche a été lancé le 28 octobre en Belgique. Il incarne l’expression politique des luttes ouvrières menées l’année dernière contre les attaques néolibérales du gouvernement sur les retraites et la Sécurité sociale. Ce mouvement a obtenu le soutien de trois figures emblématiques du mouvement syndical, dont celui de George Debunne, ex-président de la Confédération européenne des syndicats (CES).
Le 28 octobre 2005, plus de 100 000 syndicalistes manifestaient dans les rues de Bruxelles contre le plan gouvernemental « Pacte générationnel ». Appliquant la stratégie de Lisbonne, le gouvernement belge, alliant sociaux-démocrates et libéraux, lançait une attaque contre les retraites et d’autres acquis sociaux de la classe ouvrière. Ce mouvement social s’est conclu par une défaite, aucun des partis politiques représentés au Parlement n’ayant voulu le soutenir.
Au cours de l’été 2005, deux anciens députés sociaux-démocrates, Jef Sleeckx et Lode Van Outrive, ainsi que l’ancien président de la CES, George Debunne, avaient organisé une campagne et une pétition contre le projet de Constitution européenne et pour exiger la consultation démocratique de la population belge. Dès le début du mouvement contre le « Pacte générationnel », ces trois anciens dirigeants du mouvement socialiste en Belgique choisirent le camp des syndicalistes contre celui des partis sociaux-démocrates (le SPA en Flandres et le PS en Wallonie).
Le 15 octobre 2005, Jef Sleeckx et quelque 150 syndicalistes organisèrent un rassemblement devant les portes du congrès du SPA. Sur leurs banderoles, on pouvait lire : « Nous nous détournons du SPA ». C’était un tournant. À partir de ce moment, des syndicalistes et des organisations politiques invitèrent systématiquement Jef Sleeckx à leurs meetings, à travers tout le pays, pour expliquer ses positions. Jef Sleeckx exprima clairement son souhait : la création d’un nouveau parti de gauche en Belgique afin de défendre le mouvement ouvrier et de mettre fin aux politiques néolibérales. Il créa le Comité pour une autre politique (CAP), un comité flamand se donnant pour but la présentation d’une alternative de gauche au niveau national pour les élections fédérales de 2007.
Au même moment, se développa, en Wallonie, un mouvement similaire appelé Une autre gauche (UAG). Ce mouvement faisait suite à un appel dans lequel un groupe de militants de gauche mettait en avant la nécessité de créer une nouvelle force politique, à la gauche du PS et des Verts. Le PS de Wallonie était au centre d’une longue série de scandales de corruption et était coresponsable, tout comme le SPA flamand, de la politique néolibérale et des attaques contre le mouvement ouvrier.
À l’automne 2006, ces deux initiatives se sont mises de plus en plus à collaborer entre elles. En juin 2006, le CAP et UAG décidèrent d’organiser ensemble une conférence afin de rassembler tous ceux qui veulent construire une alternative politique pour les élections fédérales de 2007. Cette conférence a eu lieu le 28 octobre dernier. Avec 650 militants de la gauche anticapitaliste, des syndicats et des mouvements sociaux, elle fut un grand succès. Les lignes de force d’un futur programme y ont été discutées. Une motion indiquant que le nouveau mouvement politique s’engageait à participer aux élections fédérales de mai 2007, là où les conditions nécessaires pour une participation crédible seraient réunies, a été approuvée, à une très large majorité.
La journée a débuté par deux introductions politiques. Jef Sleeckx, ex-parlementaire du SP (aile flamande du PS), a résumé comment le CAP s’est constitué et a plaidé pour la construction d’une nouvelle force politique se posant également sur le terrain électoral. Ensuite, Didier Brissa, au nom d’UAG a pris la parole pour évoquer l’expérience d’UAG et la volonté d’aboutir à un projet commun qui puisse servir de relais aux revendications sociales. Lode Van Outrive (CAP) et Nadine Rosa-Rosso (UAG) ont présidé l’assemblée.
Elargissement
Après ces deux introductions, plusieurs messages de soutien ont été lus, notamment ceux de Georges Debunne (l’un des « pères fondateurs » du CAP, également ex-président de la Confédération syndicale belge FGTB) et de François Houtart (Centre tricontinental). Les participants se sont répartis en douze groupes de travail thématiques, qui ont rassemblé entre 20 et 60 participants chacun. Ces groupes ont débattu de thématiques programmatiques, telles que les services publics, le changement climatique, les questions d’énergie, la protection des délégués syndicaux, l’accord interprofessionnel, les droits des femmes, l’Europe, le logement ou la solidarité internationale. Il s’agit surtout d’un point de départ, ces groupes de travail sont appelés à poursuivre leur réflexion au cours des mois à venir.
Le projet de tenir un congrès, au cours duquel sera décidée la transformation ou non du mouvement en un parti politique, et où seront définies des structures, a été également mis en chantier. Provisoirement, il s’agit de construire un mouvement politique composé des deux initiatives co-organisatrices, le CAP et UAG, mais qui, bien entendu, peut encore s’élargir.
Il faut se réjouir du succès significatif de cette journée et mesurer toute son importance. Il s’agit bel et bien d’un événement historique car une telle activité, visant à construire une alternative à « gauche de la gauche », et avec autant de participants, ne s’était pas vue depuis une bonne dizaine d’années en Belgique. Cette journée ouvre donc, concrètement, la possibilité pour qu’émerge enfin une force politique alternative de gauche, et qu’elle se constitue avec crédibilité.