Parti socialiste
Vote en trompe-l’œil
Christian Picquet
À l’heure où ces lignes sont écrites, on ne sait encore quel choix auront fait les adhérents du Parti socialiste pour départager les prétendants à l’investiture présidentielle. La campagne interne se sera achevée avec la révélation du souhait de Ségolène Royal de voir les enseignants travailler 35 heures par semaine. Une option qui, au-delà de sa volonté de concurrencer Sarkozy sur le terrain du libéralisme autoritaire, s’inscrit dans l’attaque frontale contre les services publics européens, déclenchée avec l’agenda de Lisbonne.
Sans doute, y a-t-il plus que des nuances entre Laurent Fabius - qui tente d’incarner une ligne « de gauche » à même de reconquérir les classes populaires -, Dominique Strauss-Kahn - tenant d’un social-libéralisme rebaptisé, pour le rendre présentable, « social-démocratie moderne » - et Ségolène Royal, qui cherche son inspiration auprès de Tony Blair et dissimule de moins en moins la visée de porter sur les fonts baptismaux un nouveau PS, à la manière dont, outre-Manche, le New Labour a supplanté le vieux Labour Party. Sous les auspices d’une démocratie d’opinion, de slogans bricolés en fonction de leur popularité dans les sondages, il s’agit bel et bien d’opérer la mutation définitive de la social-démocratie française, pour l’adapter aux exigences d’un capitalisme entré dans un nouvel âge de son développement.
Reste que, entre les trois postulants à la magistrature suprême, les différences s’effacent dans l’absolue soumission, qui les caractérise, à la personnalisation du débat politique telle que la favorise la Ve République et, surtout, dans le creuset commun que constitue le « projet socialiste ». Ce projet demeure marqué du sceau des politiques d’accompagnement du libéralisme. Il ne dit rien, par exemple, de la nécessité d’une redistribution radicale des richesses, par une hausse massive des salaires et des revenus (qui ne saurait se limiter à la terne promesse d’un Smic à 1 500 euros brut... en 2012) et en s’en prenant aux énormes profits amassés par les actionnaires depuis des lustres. Autrement dit, il demeure dans le moule de ces alternances qui évacuent tout réel choix de société. C’est donc contre cette direction socialiste qu’il convient de bâtir une alternative de rupture...
PARTI COMMUNISTE
Plébiscite pour Marie-George Buffet
Alain Krivine
96 % des militants du PCF ont approuvé le choix de Marie-George Buffet comme candidate à la candidature des comités antilibéraux.
Avec plus de 60 000 votants sur 90 000 inscrits, c’est l’un des meilleurs scores de participation à ce type de scrutin interne. À peine un peu plus de 2 % des votants ont répondu à l’appel d’une vingtaine de militants et élus refondateurs des Bouches-du-Rhône et de la région parisienne de voter blanc. Il faut dire que l’enjeu du vote était pipé, les deux candidats alternatifs - Maxime Gremetz et Jean-Jacques Karman - n’étant en rien représentatifs de l’opposition. Mais la vraie question qui fâche n’est toujours pas réglée : que fera la direction du PCF si les collectifs ne choisissent pas Marie-George Buffet et comment le choix va-t-il se faire ?
Ce qui est certain, c’est que ce vote massif va être utilisé comme un élément essentiel dans le dispositif mis en place pour l’emporter dans les comités. Partout, les militants du PCF construisent des comités avec leurs seuls militants, arguant souvent du fait qu’ils ne trouvent pas, là où ils sont, les militants des autres organisations participant au regroupement unitaire... Un quatre pages a été tiré à 2 millions d’exemplaires et est disponible dans les locaux des fédérations du PCF. Une démonstration de force qui s’est accompagnée, lors de la réunion de la direction nationale des collectifs où a eu lieu la discussion avec la LCR (lire page 5), d’un refus de changer quoi que ce soit à l’orientation stratégique adoptée par les collectifs sous la pression du PCF et qui se contente de condamner le « social-libéralisme ».
C’est ce genre de pratiques qui a poussé Raoul Marc Jennar à démissionner du collectif national et José Bové à préciser, dans Libération, que, pour lui, il ne fallait pas envisager de participation à un gouvernement PS. Si, dans les comités, beaucoup s’inquiètent de l’interprétation que fait la direction du PCF du contenu des textes adoptés et du fonctionnement du réseau, il faut cependant noter que cette politique a permis de remobiliser les militants du PCF de façon encore plus massive que lors de la campagne du référendum.
Souvent à l’origine de l’organisation de départs en cars - à Toulouse, Martigues ou Nice -, les meetings de Marie-George Buffet ont rassemblé, à chaque fois, plus d’un millier de personnes. Et ce chiffre grossit lorsque José Bové et les différents postulants à la candidature sont présents dans les meetings, comme au rassemble-ment régional de Grenoble, le 13 novembre, où 3 000 personnes étaient présentes. Partout, l’argumentation de la LCR expliquant que le débat et le désaccord ne portent pas sur le choix du candidat mais sur le contenu de la campagne est écoutée avec sérieux, et de plus en plus compris, même si beaucoup de militants ne voient pas encore qu’en décembre les jeux seront faits. Il sera alors impossible non seulement de changer l’orientation politique, mais aussi de choisir un candidat autre que celui voulu par le PCF qui, avec ses 12 000 élus, peut encore attendre.