Sylvie Colas
Ce mardi 10 janvier, la Confédération paysanne du Gers organisait une réunion pour défendre les éleveurs victimes de l’épizootie de grippe aviaire. Sylvie Colas (porte-parole départementale de la Conf’) nous a accueilli dans la ferme qu’elle exploite avec son mari et son fils à Lectoure. Au programme : visite de la ferme et discussion-débat avec Laurent Pinatel, porte-parole national et Roxanne Mitralias, animatrice du Pôle agriculture et environnement, biodiversité, OGM, sanitaire et semences à la Conf’.
Serre de maraîchage avec des salades en fin de récolte
Les Colas ont trois activités : les volailles (poulets, pintades, canards et volailles festives), le maraîchage et les grandes cultures. Toute l’exploitation est biologique. Même avec une aide ponctuelle lors des coups de feu, on imagine qu’ils ne doivent pas chômer !
Serre de maraîchage
La partie qui nous intéresse ici est la partie élevage. C’est un élevage « autarcique », c’est-à-dire que les Colas produisent tout ce dont les volailles ont besoin, les couvoirs livrent des poussins d’un jour, et ceux-ci ne ressortent de la ferme que prêts à la consommation car les Colas ont aussi leur propre abattoir.
Les Colas travaillent en circuit court, vente sur les marchés ou aux Biocoop locales, il est donc essentiel pour eux d’avoir tout au long de l’année des volailles à vendre pour fidéliser et garder leur clientèle. Leur système est bien rodé, 350 poussins [1] sont livrés tous les quinze jours dans de petites poussinières chauffées ; les jeunes poussins ont besoin d’une température d’approximativement 30°C puisqu’ils ne peuvent pas se réchauffer sous leur mère. 350 poussins constituent dans cet élevage une toute petite bande alors que les élevages fermés peuvent recevoir jusqu’à 16 000 poussins et les industriels plus de 100 000 !
Poussinière
Chez les Colas, les poussins sont ensuite transférés dans un poulailler situé dans un grand parcours (en bio au moins 4 m2 par poulet) où ils vont passer le reste de leur vie.
Poussinières
À part les vaccinations obligatoires qui sont effectuées par le couvoir, les poulets ne reçoivent aucun traitement médical. La prévention est donc essentielle, la solution est simple mais elle demande de la place et du temps. Il y a une vingtaine de poulaillers qui sont suffisamment petits et légers pour être déplacés. Du coup, à n’importe quel moment les parcours peuvent être remis en culture, puisqu’il n’y a pas de fondation en béton. Par contre, il est très difficile de mécaniser les opérations. L’aliment est stocké à l’abri de la pluie en dehors des bâtiments et les mangeoires sont remplies à la main. À la fin de la bande, le poulailler est déplacé sur un autre parcours, le but étant que chaque parcours bénéficie d’un vide sanitaire d’au moins trois mois. En effet, si les bâtiments peuvent et doivent être nettoyés et désinfectés entre chaque bande, les parcours eux, sont des réservoirs de pathogènes. Mais la nature faisant bien les choses, ces pathogènes sont éliminés par les organismes du sol si, et seulement si, celui-ci est vivant.
À la tribune, de gauche à droite, Laurent Pinatel, Roxanne Mitralias et Sylvie Colas
Encore faut-il laisser le temps au temps. Le vide sanitaire pratiqué dans les élevages de poulets fermiers est de seulement 6 semaines, sans parler des poulets industriels qui eux ne passent pas une minute de leur vie au grand air. La vie du sol étant plus ou moins active selon les saisons et le temps, six semaines, ne permettent pas au sol de s’auto-nettoyer. Dès que les poussins sont assez grands pour sortir, ils s’infectent et doivent donc être traités avec des anti-parasitaires et autres antibiotiques…
Pendant l’intervention de Laurent Pinatel
Ce système simple fonctionne très bien et permet aux Colas de produire des poulets bio depuis des années sans le moindre problème. Mais on comprend très vite que les mesures de bio-sécurité imposées à tous les éleveurs sont inapplicables dans cet élevage. Difficile de construire un sas et de carreler l’entrée de poulaillers mobiles. Impossible aussi de confiner les poulets. Les bâtiments ne sont pas conçus pour garder les poulets à l’intérieur, ils seraient beaucoup trop serrés, certes pas plus que dans un bâtiment industriel… mais, cloitrés, les poulets deviendraient nerveux, agressifs et finiraient par s’attaquer. Et puis, il est quand même problématique de vendre des poulets de plein air qui, par dérogation, ne sont pas de plein air !
Comment le virus H5N8 de la grippe aviaire est-il arrivé dans le Gers
Le virus de la grippe aviaire est naturellement présent dans la faune sauvage. C’est un régulateur des populations d’oiseaux sauvages. Si le sous-type peut changer d’une année à l’autre (H5N1 en 2004, H5N8 cette année), la grippe aviaire est là pour rester.
Comment est-elle arrivée dans le Gers ? La contamination par les oiseaux sauvages ne tient pas car le département n’est pas sur les couloirs migratoires utilisés par les oiseaux venant d’Asie. La Hongrie étant aussi durement affectée par l’épidémie, certains ont suggéré que les oiseaux sauvages, toujours eux, l’auraient transporté de Hongrie jusqu’à nous. Cela ne tient pas non plus, car il n’y a eu aucun cas de contamination entre nos deux pays.
En fait cette fois, on sait exactement ce qui s’est passé. Un éleveur du Tarn a constaté une mortalité de canards sur son exploitation, quelques uns le premier jour, des dizaines le lendemain et 700 le troisième jour, ce qui montre la virulence de ce virus. Cette virulence a toutefois un avantage, on repère la maladie beaucoup plus tôt. Dès le samedi 26 novembre il a alerté les services sanitaires qui sont venus sur l’exploitation et fait des prélèvements. Son voisin, à seulement 800 m de là, est aussi éleveur de canards. Il est difficile de croire qu’il n’était pas au courant de ce qui se passait chez un voisin et collègue aussi proche. Pourtant le 30, Vivadour, la plus grosse coopérative gersoise, la championne des filières intégrées, organisait le transport de canards vers cinq élevages, trois dans le Gers, un dans le Lot-et-Garonne et un dans les Hautes-Pyrénées (à 265 km !). Le lendemain à Monlezun dans le Gers, c’était déjà l’hécatombe… Mais les négligences criminelles ne s’arrêtent pas là, car les mêmes camions, mal ou pas nettoyés, sont ensuite partis vers le département des Landes qui a lui aussi été contaminé.
Finalement, les services vétérinaires ont établi leur verdict le 1er décembre. On suspecte que les résultats étaient connus avant. Leur divulgation a-t-elle été retardée pour satisfaire Vivadour ?
« Dans tous les cas, même en l’absence d’analyse, la mort de centaines de canards sur un élevage, venant après l’épizootie de l’année dernière, aurait dû faire sonner toutes les alarmes. »
Dans tous les cas, même en l’absence d’analyse, la mort de centaines de canards sur un élevage, venant après l’épizootie de l’année dernière, aurait dû faire sonner toutes les alarmes. La réglementation européenne autorise dans ces cas-là à mettre en place un périmètre de sécurité et interdire tout transport. Cela n’a pas été fait et la question est maintenant posée de savoir si l’État ne peut pas ou si l’État ne veut pas…
Mensonges et mauvaises décisions
La première réaction des autorités a été de mentir, l’État mettant tout sur le compte des oiseaux sauvages, comme l’année dernière d’ailleurs. Encore le 3 janvier, ces pauvres volatiles étaient mis en cause alors que la responsabilité des transports était avérée depuis plus d’un mois. Finalement il a fallu attendre le 5 janvier pour que l’État admette la réalité. La décision d’abattre massivement les volailles a apparemment été prise au plus au niveau dès le début de décembre, mais jusqu’aux premiers jours de janvier les autorités ont assuré aux éleveurs qu’il n’en était pas question.
Au niveau local, il semble que ce soit Vivadour qui fasse la loi dans le département. Alors que la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne portait plainte contre X pour établir les responsabilités de ce fiasco, dans le Gers, Philippe Martin, président du Conseil départemental a refusé de se joindre à cette plainte « pour ne pas polémiquer » et a préféré consacrer son énergie à soutenir les pauvres chasseurs privés de chasse à la palombe, victimes collatérales des mensonges étatiques : puisque le danger venait prétendument du ciel, la chasse du gibier à plumes a été interdite dans les zones concernées. Inutile de dire que la Chambre d’agriculture, sous la coupe de la FNSEA, à fond dans le système des filières et complètement asservie à Vivadour et co. n’a pas bougé non plus.
Finalement toutes sortes de décisions ont été prises et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles n’étaient pas frappées par le sceau du bon sens. L’abattage massif, qui est quand même la bombe atomique de la prophylaxie, est aussi la solution de facilité. Il s’agit en fait de faire le boulot de la grippe avant qu’elle n’ait eu le temps de le faire elle-même. Imaginons un instant que l’on utilise les mêmes méthodes pour l’Homme. Plutôt que saturer les hôpitaux parisiens avec toutes ces personnes âgées grippées, il suffirait d’euthanasier toutes les personnes âgées de Paris, j’ai bien dit toutes, pas seulement celles qui sont malades. Forcément, quant tout le monde est mort, le virus ne peut plus se propager.
Une fois qu’on a admis que l’épizootie dans le Gers était due à l’action humaine, il n’y a aucun raison de confiner les animaux dans les bâtiments. Cela n’a qu’un effet : stresser les animaux et leurs éleveurs. Il est très perturbant pour un éleveur qui a choisi d’élever des canards ou des poulets en plein air, qui s’en est occupé pendant des semaines, de devoir les enfermer et de les voir souffrir et s’attaquer les uns aux autres.
« Sur cinquante foyers de grippe dans le Gers, dix sont dus directement au transport, trente aux visites de techniciens et autres visiteurs qui vont d’un élevage à un autre et les dix derniers à des visites de voisinage. »
Sur cinquante foyers de grippe dans le Gers, dix sont dus directement au transport, trente aux visites de techniciens et autres visiteurs qui vont d’un élevage à un autre et les dix derniers à des visites de voisinage. On voit donc bien que ce qu’il faut faire c’est isoler les élevages pour qu’il n’y ait pas de contamination de l’un à l’autre.
Quelles compensations et pour qui ?
Comme par hasard, les mieux lotis sont ceux qui sont affiliés à une « coopérative », les éleveurs qui sont intégrés dans la filière. Leurs dossiers sont instruits par leur groupement et leur cas est relativement simple puisqu’ils ne s’occupent que d’un stade de la production. C’est évidemment beaucoup plus compliqué pour les petits éleveurs qui font tout eux-mêmes et qui se retrouvent seuls face à toute une paperasse qui parait destinée à les décourager.
Les dégâts collatéraux sont nombreux, ainsi, sans canards, les conserveurs et les abattoirs sont au chômage technique. Bien que les poulets ne soient pas affectés par le virus H5N8, les élevages dans les zones à risque ne peuvent plus fonctionner normalement, du fait des limitations sur les transports d’animaux vivants. Les couvoirs refusent souvent de leur livrer des poussins à cause des risques. Les couvoirs eux-mêmes perdent leurs clients locaux dont les élevages sont fermés. Ils vont perdre aussi des marchés à l’exportation qui sont fermés pour raison sanitaire, comme cela a été le cas avec la Russie l’année dernière. Quand les élevages reprennent, ils ne sont souvent pas en mesure de faire face à la demande car tous les éleveurs veulent rentrer des canetons en même temps. C’est ce qui explique en grande partie que les importations de canetons de Hongrie aient été multipliées par trois en un an.
Le plus gros des aides touchées par les éleveurs l’année dernière n’a pas servi à compenser les pertes mais à mettre les exploitations aux nouvelles normes de bio-sécurité. Les éleveurs sont donc sur la corde raide, d’autant que 30 % des aides n’ont toujours pas été versées.
De nombreux éleveurs sont désespérés et la Conf’ demande la mise en place de cellules de soutien psychologique. Elle demande aussi que les aides soient ajustées en fonction du type de production (de qualité par opposition à de l’industriel). Curieusement, au nom de l’« urgence » les services de l’État ont affirmé qu’il n’était pas possible de « valoriser » les centaines de milliers de canards sains qui partent à l’équarrissage. Pourtant les canards sont mis à mort dans des abattoirs, donc grosso modo la procédure suivie est la même que pour des volailles destinées à la consommation. Les animaux sont mis dans des caisses pour le transport. Ces caisses peuvent contenir un certain nombre de canards, il suffit donc de compter les caisses pour avoir le nombre de canards par camion. Il y a des ponts-bascules un peu partout à la campagne et particulièrement à proximité des abattoirs, il suffit donc de peser le camion avant et après pour avoir le poids total de canards. L’opération est aussi rapide que de se peser sur une balance, on ne comprend donc pas cette volonté de ne pas « valoriser » les canards.
Et l’année prochaine, on recommence ?
Comme l’année dernière les solutions vont vers toujours plus d’investissement et donc plus d’industrialisation.
Xavier Beulin, président de la FNSEA, a la solution, il faudrait vacciner tous les canards. Ça tombe bien, Avril, le groupe qu’il préside, surnommé la « pieuvre » dans le milieu agricole, a racheté Ceva santé animale, un laboratoire de vaccin il y a deux ans. Problème, gros problème même, comme l’explique Mediapart [2], Ceva ne fabrique pas de vaccin contre la grippe aviaire, il reconnait qu’« il n’a pas la solution pour les canards » et estime qu’il est « irresponsable vis-à-vis des éleveurs » de « donner l’impression que la vaccination des canards pourrait être la solution […] On ne veut surtout pas qu’il y ait une demande, parce que ce n’est pas une option réaliste. »
Alors que clairement la faune sauvage n’est au pire que marginalement responsable, il faudrait transformer les parcours en immenses volières et les couvrir de filets. Outre le prix pharaonique (un petit parcours est plus grand qu’un terrain de football !) d’installation et d’entretien, combien d’animaux se prendraient dans les mailles du filet ?
Les parcours étant des réservoirs de pathogènes, il est suggéré de les passer à la chaux vive. Ce type de chaulage tue toute la vie du sol, il est à ce titre est interdit en agriculture. Ce procédé aurait pour conséquence de rendre le sol encore plus vulnérable puisqu’il n’y aurait plus d’organismes pour traiter les futurs pathogènes. De plus un chaulage répété de manière aussi fréquente provoquerait une alcalinisation élevé du sol qui le rendrait impropre aux cultures.
Une barrière de sécurité à l’entrée des bâtiments avec sol carrelé est maintenant envisagé. Pourtant, depuis des années des normes de plus en plus complexes ont été mis en place sans le moindre effet : sas pour entrer dans le bâtiment, pédiluves pour laver ses bottes comme à l’entrée des piscines, puis sas à l’extérieur du bâtiment, etc.
Au niveau administratif, il faudra bientôt que chaque éleveur soit accompagné en permanence d’un secrétaire pour noter tout ce qu’il fait pour pouvoir prouver qu’il a bien respecté toutes les normes de biosécurité.
Heureusement, cette année, la Conf’ a obtenu une dérogation pour les élevages autarciques puisque, par définition, ils ne sont pas en contact avec l’extérieur.
Comme nous l’avons vu, c’est le système qui est fautif, et aucune réglementation ne pourra y remédier. Mais en plus la réglementation n’est pas respectée par les plus gros opérateurs. Ainsi, les caisses dans lesquelles sont transportées les volailles repartent souvent vers les élevages sans avoir été lavées, de l’abattoir de Condom (dont Vivadour est actionnaire) alors que les techniciens qui sont la première cause de transmission du virus devraient donner l’exemple. Pour ne pas compromettre l’emploi de l’abattoir de Condom, un « corridor sanitaire » a été mis en place. Comme les volailles doivent être transportées dans des caisses ajourées, pour éviter leur étouffement, on peut suivre les camions à la trace par les plumes qui en tombent…
Qu’en pensent la Confédération paysanne et le Modef [3] ?
Déroulant « Un avenir pour l’agriculture du Gers »
À partir des faiblesses du système actuel, les deux syndicats agricoles développent une série de propositions que le NPA partage et qui dépassent largement le cadre des élevages de palmipèdes.
Biodiversité animale. Le manque de diversité génétique dans les élevages crée un risque majeur. Quand un animal est malade, la plupart de ses congénères qui ne sont pas des clones mais qui en sont proches, tombent tous malades. Il faut donc utiliser des races différentes, même si elles sont légèrement moins productives, limiter l’insémination artificielle qui multiplie le nombre de canetons du même père et utiliser des souches qui ont plus de variabilité.
Concentration des animaux. Il va sans dire que la concentration augmente les risques de propagation. Il faut donc des élevages dans lesquels les animaux ont de l’espace et peuvent aller sur un parcours herbeux, ce qui, de facto, implique la fin des élevages industriels hors-sol.
Transports. Ils doivent être limités au maximum pour d’une part limiter les émissions de gaz à effet de serre et pour réduire autant que faire se peut les risques de contamination. Pour cela une seule solution : avoir des fermes autarciques du poussin jusqu’à l’abattoir. Pour cela il faut que les fermes produisent les céréales pour nourrir leur cheptel, qu’elles soient à même de les transformer en aliment. Pour les canards gras, il faut aussi qu’il y ait un atelier de gavage. On peut imaginer dans un premier temps que les agriculteurs et éleveurs se regroupent dans une petite zone géographique, comme une commune pour mutualiser la production de céréales par exemple ou pour la construction d’un petit abattoir. Dans ce cas chaque exploitation ne serait pas autonome mais les transports seraient limités à quelques kilomètres. Le risque de contamination serait donc limité à quelques élevages. Ce système élimine, lui, le système des filières intégrées.
Spécialisation. Alors que le sud-ouest a une longue tradition de production de foie gras, les éleveurs doivent aujourd’hui faire venir les canetons de Vendée ou de Hongrie (alors que la Hongrie est elle-même très touchée par le virus. Si le maïs pour le gavage vient pour la plupart du temps du sud-ouest, il n’en est pas de même pour les autres aliments, en particulier le soja, la plupart du temps importé d’Amérique du sud. Cette spécialisation qui a commencé avec la transformation de la Bretagne en une immense porcherie, favorise aussi les épizooties, car le virus trouve toujours de nouveaux élevages à proximité pour se propager.
Vide sanitaire. Pour limiter les traitements médicaux, il est primordial d’augmenter le vide sanitaire sur les parcours, ce qui implique donc d’avoir plus de surfaces de parcours. Ces parcours sont enherbés et devraient être arborés, ils peuvent donc être des puits à carbone.
PAC. Les 10 milliards d’euros de la Politique agricole commune sont un énorme levier qui doit être utilisé pour réorienter la politique agricole au lieu d’enrichir les plus gros propriétaires et les plus grands pollueurs.
Le programe du NPA
Cette nième crise sanitaire dans l’élevage ne fait que confirmer la justesse de notre programme pour l’agriculture.
• une agriculture paysanne, par opposition à l’agriculture et à l’élevage industriel qui nous sont imposés
• une agriculture de proximité, adaptée aux terroirs
• une agriculture qui respecte les paysanNEs et qui encourage l’autonomie et la coopération
• un élevage soucieux du bien-être des animaux leur permettant de vivre dans des conditions qui respectent leurs besoins physiologiques
• une agriculture qui, au lieu de participer à la pollution et au réchauffement climatique, au contraire ne crée aucune pollution, tente d’améliorer la santé des terres agricoles et stocke du carbone (si on tenait compte des externalités négatives de l’agriculture conventionnelle, les produits bio seraient moins chers que les produits gavés de pesticides)
• une agriculture qui crée des emplois de qualité et qui permet de revivifier les campagnes
• une agriculture qui rejette le système des filières qui mène inéluctablement à l’industrialisation
• une agriculture et un élevage qui produisent des produits de qualité sans danger pour les consommateurs.
François Favre
Petit lexique
Bande. La production n’est pas continue mais se fait par bandes qui correspondent à la livraison d’un lot de poussins. Selon le type de production on peut faire un nombre plus ou moins élevés de bandes par bâtiment et par an : 7 pour des poulets industriels, mais à peine plus de 3 pour des poulets fermiers Label rouge ou des poulets bio.
Canard démarré. C’est un jeune canard d’environ trois semaines. Il a été vacciné par injection et on lui a littéralement coupé le bec, au cas où il voudrait piquer ses petits camarades, ce qui est fréquent quand les canards sont trop entassés. Il a passé ces trois semaines dans un bâtiment chauffé. Il va ensuite être livré à un éleveur qui n’a pas besoin de chauffage ni de main d’œuvre puisque tout le travail manuel a été fait.
Filière intégrée. Dans le cas du foie gras, on a une coopérative qui coordonne toute la production, mais qui en fait le contrôle (Vivadour dans notre exemple). Elle commande les canetons aux couvoirs et décide à quel éleveur ils vont être livrés. Les canetons sont ensuite démarrés (voir ci-dessus). Puis livrés à un autre éleveur (ces deux étapes peuvent être effectuées par le même éleveur). Les canards sont ensuite livrés à un gaveur. Durant toutes les étapes de l’élevage, la coopérative fournit tous les intrants : alimentation (produite par les agriculteurs de la coopérative s’ils ne sont pas importés) et médicaments sur ordonnance des vétérinaires maison. Les éleveurs sont évidemment suivis par les techniciens maison. Ils sont ensuite livrés à un abattoir (contrôlé par la même coopérative). Les carcasses et les foies sont ensuite transformés souvent par un industriel lié à la coopérative (Comtesse du Barry par exemple). Les produits frais peuvent être vendus à l’extérieur mais aussi commercialisés par des magasins du groupe (dans notre cas Frais d’ici). Il arrive même que la coopérative garantisse le prêt pour construire les bâtiments d’élevage (comme on l’a vu avec l’usine à poulets de Lannepax). À tous les stades c’est la coopérative qui décide de la charge de travail et des prix (les négociations sont forcément inégalitaires et l’éleveur est tenu d’acheter aliments et médicaments à la coopérative et de lui vendre sa production). Finalement dans ce système, l’éleveur n’est qu’un travailleur à charge qui doit investir des sommes considérables mais qui n’a aucune autonomie.