L’offensive acharnée du capitalisme contre le monde du travail bat son plein, quel en est l’impact sur la classe ouvrière ?
Dans le monde entier, la grande majorité de la population est durement touchée, et en premier lieu les femmes et les jeunes. La pauvreté s’étend, et simultanément la minorité de très riches n’a jamais été aussi riche et nombreuse.
On assiste en Europe à une offensive pour dresser les exploités les uns contre les autres. Les premières victimes en sont les populations d’origine étrangère.
Face à ces dangers qui planent sur les acquis sociaux des salarié-e-s en Europe et dans le monde, où en est le syndicalisme ?
Des branches entières qui ont été des bastions du syndicalisme, comme le textile, la sidérurgie ou l’automobile ont été en grande partie démantelées.
Les suppressions d’emploi se sont également développées dans le secteur public avec les privatisations et les restrictions budgétaires conformes aux politiques néolibérales du FMI, de la Banque mondiale et de l’Union européenne.
Le pouvoir d’achat de la grande majorité de la population a beaucoup régressé.
Le syndicalisme a été incapable de démontrer sa capacité à bloquer durablement ces politiques.
Pour toutes ces raisons, le taux de syndicalisation a beaucoup régressé dans les 30 dernières années.
Néanmoins, des luttes éclatent périodiquement, et c’est à partir de celles-ci que le syndicalisme pourra se réinventer sur une base démocratique et unitaire.
L’immigration clandestine ne cesse d’indisposer les régimes occidentaux, quel règlement peut-on espérer à ce problème épineux ?
La seule véritable solution réside dans le développement économique et social des pays d’origine, le « dégagement » dans ceux-ci des régimes dictatoriaux ainsi que du terrorisme religieux et/ou étatique. Et bien entendu la fin des guerres qui ravagent ces pays.
En attendant, prôner la fermeture des frontières est totalement illusoire. Sa seule conséquence réelle est la mort de milliers d’êtres humains qui ne voient pas d’autre solution que prendre la mer sur des embarcations de fortune.
Solidaires ne semble pas cautionner la politique de la France vis-à-vis des réfugiés victimes de la guerre au Moyen Orient et en Afrique, quelles autres solutions envisager à cet égard ?
Non seulement nous ne la cautionnons pas mais, nous cherchons à la combattre en participant à des coalitions unitaires les plus larges possibles. Nous nous battons notamment pour la liberté de circulation et d’installation des êtres humains ainsi qu’un accueil digne dans les pays où ils viennent chercher refuge.
A quelques mois des élections présidentielles en France, quelle position Solidaires compte adopter face à cette multitude de candidatures ?
Nous combattons l’extrême-droite et la droite en toutes circonstances, et donc bien entendu également en période électorale.
La multiplication des candidatures à gauche n’est pas un problème du ressort des organisations syndicales. En période électorale, nous nous contentons de rappeler nos revendications ainsi que le type de société pour lequel nous nous battons. Nous laissons ensuite nos adhérents entièrement libres de voter ou de ne pas voter, et si ils votent de choisir eux-mêmes le candidat le plus conforme à leurs convictions personnelles. En aucun cas, Solidaires ne se mettra à la remorque d’un candidat donné.
Le sort des démocraties européennes vous paraît-il plus que jamais compromis par la montée de l’extrême droite dans plus d’un pays ?
La montée de l’extrême-droite est très préoccupante. C’est la raison pour laquelle nous avons crée avec d’autres organisations syndicales un collectif pour lutter contre ce phénomène. http://www.visa-isa.org
Revenons maintenant à la Tunisie. Six ans après la révolution, le processus révolutionnaire est loin d’être clos ? Quel soutien les forces progressistes, amies du peuple tunisien, pourraient-elles lui apporter ?
Malgré certaines difficultés, je pense que la braise de 2011 est toujours vivace en Tunisie. Il suffit pour s’en convaincre de prendre en compte la vague sans précédant de grèves pour les salaires en 2015, les multiples mouvements sociaux dans les régions de l’intérieur, ou encore la récupération de leurs terres ancestrales et leur gestion collective par les habitants de Jemna.
En ce qui nous concerne, nous cherchons à soutenir les luttes en Tunisie, notamment en coopérant avec les syndicats UGTT dans les télécommunications, les centres d’appels, la Santé publique, l’enseignement, et les chemins de fer.
Avec quels sentiments la délégation de Solidaires rentre-t’elle en France après avoir assisté au 23e congrès de l’UGTT ?
Nous sommes très honorés d’avoir pu assister à la totalité des travaux de ce congrès.
Nous avons été témoins de la capacité de l’UGTT à avoir en son sein des débats très tendus, et de parvenir ensuite à dégager une position acceptable par la grande majorité de ses membres. Cela a notamment été le cas concernant la présence obligatoire d’au moins deux femmes dans l’ensemble des structures de l’UGTT qui va commencer à s’appliquer en 2017 aux niveaux local, régional et dans les fédérations. Même si cette obligation ne s’appliquera qu’en 2021 pour le Bureau exécutif, une femme a néanmoins été élue dans cette instance ainsi que dans la commission financière et celle du règlement intérieur
Ces décisions concernant les femmes sont d’autant plus remarquables que 96 % des délégués étaient des hommes.
Tunis, le 28 Janvier 2017