Une femme sur dix victime de violences conjugales, 50 000 viols par an, 11 % des femmes victimes d’agressions sexuelles au cours de leur vie, dans tous les milieux sociaux... cela ne peut plus durer ! Par leurs luttes, les femmes ont conquis des droits, notamment des lois pour lutter contre ces violences. Mais ces lois sont dispersées dans différents codes, elles ne sont pas appliquées et sont incomplètes.
Par exemple, lors des débats parlementaires sur la loi d’avril 2006 concernant les violences conjugales, la majorité des députés a refusé qu’elle prenne en compte les violences psychologiques, ainsi que la nécessité de prévention, dans le système scolaire, mais aussi dans la société. D’autre part, la possibilité d’éloignement du conjoint violent ne concerne que les femmes mariées, puisqu’elle fait partie de la réforme du divorce de 2004. Les lois actuelles ne prévoient pas une protection systématique des victimes, ce qui fait qu’une femme peut perdre son logement et son titre de séjour en quittant un conjoint violent. Les accords bilatéraux de la France avec des pays appliquant des codes de statut personnel oppressifs rendent les femmes étrangères particulièrement démunies face aux violences, et sont contraires à l’égalité des femmes sur le territoire.
En décembre 2004, une loi-cadre, considérant les violences faites aux femmes comme un pilier de la domination masculine, a été adoptée en Espagne. En France, nous voulons une loi-cadre qui s’en inspire et prenne en compte les violences sexistes dans toutes leurs dimensions : prévention, sanction, accueil et accompagnement des victimes, protection des victimes, garantie de leur revenu et de leur droit au séjour, accès au logement. Mais nous voulons plus que la loi espagnole, puisque notre loi porte sur l’ensemble des violences faites aux femmes : violences dans la famille et dans le couple, au travail, dans les lieux publics, violences lesbophobes et prostitution.
Le Collectif national pour les droits des femmes, dont la LCR est partie prenante, a fait un travail colossal pour élaborer un véritable texte de loi. Il inclut des mesures préventives, que ce soit en milieu scolaire, par la lutte contre la publicité sexiste, par la formation des professionnels de l’éducation, de la santé, de la justice, de l’Inspection du travail et du secteur social, ou par des campagnes de sensibilisation visant à décourager la demande afin de lutter contre le système prostitutionnel. Aucune politique cohérente de lutte contre les violences sexistes ne peut faire l’impasse sur la prévention. C’est une question fondamentale.
Le projet de loi-cadre crée un délit de violence psychologique et de violence lesbophobe. Il reformule le délit de dénonciation calomnieuse, afin qu’un non-lieu prononcé suite à une plainte pour violence ne puisse plus être un argument suffisant pour que la plaignante soit punie pour dénonciation calomnieuse. Il interdit la médiation pénale dans les affaires de violences sexistes et lesbophobes. Il prévoit la participation des associations féministes au suivi socio-judiciaire des hommes violents. Il institue des tribunaux de la violence contre les femmes. En cas de non-lieu ou de classement sans suite, le juge d’instruction devra en informer la plaignante de vive voix.
Nous ne laisserons ni Nicolas Sarkozy, ni Ségolène Royal, instrumentaliser la question des violences sexistes pour y apporter des réponses sécuritaires. Notre loi n’alourdit aucune peine. Elle supprime le délit de racolage passif et toutes les mesures de répression des prostituées. Elle prévoit une ordonnance de protection pour les femmes victimes de violences conjugales, dans l’attente du procès. Elle prévoit des services d’accueil et d’urgence assurant l’information des victimes, le soutien psychologique, le suivi des réclamations des droits des victimes, le soutien à l’insertion professionnelle, l’hébergement. Les femmes victimes de violences bénéficieraient d’un accès prioritaire aux logements sociaux, dont le nombre doit par ailleurs être massivement augmenté. Le droit d’asile pour les femmes victimes de violences sexistes, sexuelles ou lesbophobes, et pour les militantes féministes, fait partie de notre loi.
Cette loi démontrerait une réelle volonté politique de l’État de lutter contre les violences, et imposerait un budget national pour financer son application. Nous en avons assez des belles paroles sur l’égalité. Il n’y a pas d’égalité possible tant que les femmes sont harcelées, insultées, violées, battues ou menacées de l’être. Maintenant, nous voulons des actes, une loi-cadre et des moyens pour l’appliquer. Mais nous ne laisserons pas le ou la première présidentiable venu(e) nous promettre une pseudo « loi-cadre » vidée de son contenu et de ses mesures les plus radicales. Il faut imposer la loi-cadre maintenant, et dans son intégralité.
Manifestation contre les violences faites aux femmes, samedi 25 novembre 2006, 14h30, place de la République à Paris.