Pourquoi avez-vous fait des 30 000 euros votre revendication principale ?
Yannick Langrenez - D’abord, au cours de la négociation, les 30 000 euros sont devenus 25 000 euros. En gros, cela correspond à une indemnité de douze à dix-huit mois de salaire. Après la fuite de Catalina, la société américaine qui avait « racheté » Thomé-Génot, cela correspond à une avance sur récupération des fonds pillés par cette société qui doit être poursuivie en justice. Les trois unions départementales (CGT, CFDT et FO) soutiennent cette revendication et avancent aussi l’idée de réindustrialisation des Ardennes.
Comment les ouvriers perçoivent-ils le contrat de transition professionnelle (CTP) ?
Y. Langrenez - Le CTP, expérimenté dans le bassin d’emploi de Charleville-Mézières et dans six autres bassins d’emplois en France, est destiné aux licenciés économiques des entreprises de moins de 1 000 salariés. Il fait partie de la loi de cohésion sociale, dite « loi Borloo ». Pour moi, il y a obligation de signer le CTP, car il garantit le dernier salaire pendant un an. En régime « normal », sans ce CTP, un salarié payé 1200 euros se retrouverait avec 800 euros : les licenciés de Thomé-Génot n’ont donc pas le choix. Mais, avec le plan Borloo, il y a des contreparties négatives. Nous ne serons pas demandeurs d’emploi, mais stagiaires de la formation professionnelle, et donc non comptabilisés comme demandeurs d’emploi. Ce qui nous transforme, malgré nous, en arguments électoraux de la droite ! Et le CTP est évidemment beaucoup moins intéressant pour les bas salaires, car les primes ne sont pas intégrées dans les calculs.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Y. Langrenez - On va essayer de faire un mouvement départemental et de devenir une référence dans les luttes. Dans ce mouvement, des gens très différents se sont rassemblés. Nous devons démontrer qu’on peut gagner dans l’unité, qu’on peut rassembler au-delà de la gauche antilibérale. Ce rassemblement doit aller chercher des agents actifs financiers. C’est au capital de payer la protection sociale, la formation et l’investissement. Ce n’est pas dans la poche des salariés - les conseils généraux et régionaux financent la plus grosse part des 25 000 euros -, que l’on doit aller chercher l’argent des primes de licenciement ! La lutte a montré qu’un espace politique s’est ouvert pour s’attaquer au problème. La gauche de la gauche doit rassembler là-dessus. Un meeting de soutien départemental organisé par le collectif pour des candidatures unitaires antilibérales est possible aujourd’hui sur un thème très simple : soutien aux Thomé-Génot !
Encart
Contrat en trompe-l’œil
Le contrat de transition professionnelle (CTP) de la loi Borloo, expérimenté sur sept bassins d’emplois en France, concerne les salariés licenciés pour motif économique dans les entreprises de moins de 1000 salariés. Le salarié bénéficie de 80% de son salaire brut pendant un an s’il s’engage à suivre une formation ou faire preuve de mobilité. Le gros avantage du système pour le gouvernement, si on le compare au plan d’aide au retour à l’emploi (Pare), est que les bénéficiaires ne sont plus comptabilisés comme chômeurs, mais comme « stagiaires en formation ».