Macron et Le Pen au second tour, c’est un résultat terrible pour les classes populaires. Macron est l’héritier direct de la politique libérale des gouvernements Hollande, le roi de la précarité, de l’uberisation. Le Pen est un danger mortel pour les libertés démocratiques, pour les populations d’origine immigrée et, de manière générale, contre tous les acquis sociaux.
Dimanche 7 mai, beaucoup voudront faire barrage au FN en votant Macron, nous le comprenons. Mais ce sont bien les politiques d’austérité et sécuritaires, en particulier quand c’est la prétendue gauche de gouvernement qui les a portées, qui sont la cause de la montée du FN. Macron n’est pas un rempart contre le FN. Pour faire reculer durablement ce péril, il n’y a pas d’autre solution que de reprendre la rue, comme la jeunesse l’avait fait en 2002, comme nous l’avons fait l’an dernier contre la loi travail.
Reconstruire une perspective politique pour les exploités
Les partis au pouvoir depuis 60 ans, PS et Républicains, sont éliminés du second tour. C’est le signe d’une grande crise politique, du ras-le-bol de la population pour les politiques menées depuis des dizaines d’années, du ras-le-bol face au chômage, à la pauvreté, etc.
Mais ces déconfitures ne profitent malheureusement pas à une gauche plus combative, elles profitent à Le Pen et Macron, des candidats qui n’ont rien de bon pour les classes populaires.
Le score de Philippe Poutou, notre candidat, est faible, avec 1,10% et 400 000 voix. C’est justement le reflet des difficultés des classes populaires à défendre leurs intérêts et à remettre en cause le système. Plus globalement, la gauche sort en grande faiblesse de cette élection, avec moins de 30% des voix. C’est fondamentalement le résultat de la politique du PS au pouvoir.
Mais nous sommes fiers d’avoir bousculé la campagne en dénonçant le FN, Fillon et Macron, en montrant que les exploités avaient quelque chose à dire dans cette campagne.
Tous ces éléments montrent l’importance et l’urgence de reconstruire un parti pour les exploités. Nous avons besoin d’un parti qui représente nos intérêts, un outil pour nos luttes quotidiennes, pour en finir avec le système capitaliste, pour porter le projet d’une société débarrassée de l’exploitation et de toutes les oppressions.
Cette bataille-là, ni Hamon ni Mélenchon n’ont voulu la mener dans cette élection, l’un ne voulant pas rompre avec l’Union européenne, les institutions et le PS, l’autre reprenant à son compte les drapeaux français et les « Vive la France » comme symbole de son aspiration à travail à l’intérieur du système.
L’heure est à la mobilisation
Nous souhaitons que, comme en 2002, des manifestations soient organisées contre le FN. La solidarité militante est la meilleure façon de faire reculer ce parti. Mais nous voulons aussi préparer les mobilisations nécessaires contre la future politique de Macron, qui a d’ores et déjà promis de casser le code du travail par ordonnances, c’est-à-dire sans passer par le Parlement. Une sorte de 49-3 permanent ! C’est à cela que nous voulons construire, dans les quartiers populaires, dans les entreprises, dans les mobilisations, dans l’action quotidienne. La manifestation du 1er Mai sera la première échéance qui va dans ce sens, nous devons y être très nombreux pour commencer à construire la riposte. Au soir de ce premier tour, l’avenir reste bien à la contestation de ce système, toutes et tous ensemble.
NPA, Paris le 23/04/2017
La percée dangereuse de Le Pen
Marine Le Pen se qualifie pour le second tour, avec 21,3 % des suffrages, et bat son record de voix. Et ce serait normal ?
Quinze ans après le choc du 21 avril 2002, le FN, autoproclamé « premier parti de France » en nombre de voix lors des élections intermédiaires de 2015, est de nouveau au second tour de l’élection présidentielle. Certes pas en tête comme l’avait prédit Rachline lors du meeting de Bercy le 17 avril dernier, mais bel et bien présent.
On peut dire qu’on est très loin du « choc » de 2002 et des manifestations d’abord spontanées, puis plus organisées, qui avaient suivi. Après la banalisation de ses idées nauséabondes et de son ancrage institutionnel, le tout orchestrés par des médias et des concurrents politiques qui refusent de l’attaquer sur le fond, nous sommes désormais devant la banalisation de ses résultats électoraux. Pour certains éditorialistes, son score est même présenté comme « décevant »… participant ainsi encore plus à cette banalisation.
État des lieux du problème
Un million de voix de plus par rapport à 2012, premier vote chez les ouvriers, les chômeurs et les salariés du public...
Ce 23 avril, la candidate du FN a obtenu 7,64 millions de voix, alors qu’en 2012, elle n’en avait obtenu « que » 6,42 millions. C’est donc un nouveau record historique en nombre de voix pour le FN et un nouveau coup porté au fameux « plafond de verre ».
Avec 32 % des suffrages des employés et 37 % de ceux des ouvriers, le vote Le Pen est en tête chez les actifs, mais aussi chez les chômeurs (26 %) et les salariés du public (27 %), selon une étude Ipsos-Sopra-Steria (c’est même plus dans d’autres études). Toujours selon cette étude, les moins diplômés ont aussi choisi Marine Le Pen (30 %) ainsi que les 35-49 ans et les 50-59 ans. Mais Le Pen n’arrive à convaincre ni la jeunesse ni l’électorat le plus âgé.
Niveau géographique, par rapport à 2012, le FN progresse partout, en particulier dans le nord et le nord-est de la France mais aussi dans le Var. Marine Le Pen est en tête dans tous les départements de Hauts-de-France. Et comme cela a été le cas pour les élections intermédiaires, le FN est plébiscité dans les territoires ruraux et commence à séduire les villes moyennes. Ce scrutin montre une fois encore un développement du FN sur l’ensemble du territoire.
Faire barrage par le « front républicain » ?
Face à la présence de Le Pen au second tour, le classique appel à « faire barrage au FN » dans les urnes quel que soit le candidat en face refait surface comme si cela suffisait à le combattre réellement. Pour le NPA et ses militantEs, Le Pen qui se prétend la candidate du peuple, représente un danger mortel pour l’ensemble des libertés démocratiques, pour les populations racisées, les étrangers présents sur le sol français et, de manière générale, contre tous les acquis et progrès sociaux. Le véritable problème est que ce sont les politiques antisociales et sécuritaires menées depuis plusieurs décennies, en particulier par les derniers gouvernements – dont Macron a été un des artisans – qui lui ont ouvert la voix.
Nous devons donc d’abord convaincre du péril que représentent les idées du FN pour notre camp social : dans les entreprises, les services et les quartiers, pas une voix ne devrait aller au vote Le Pen. Dimanche 7 mai, beaucoup voudront faire barrage au FN en votant Macron, nous le comprenons. Mais soyons aussi convaincu que Macron ne peut constituer un rempart durable contre le FN. Lui-même fait aussi partie du problème, pas de la solution.
Combattre le FN au quotidien, reconstruire une perspective
Le combat contre le FN ne peut pas être mené tous les cinq ans dans les urnes. Les résultats de dimanche nous montrent bien que cela ne suffit pas. Plus que jamais, l’heure est à la mobilisation dans la durée, au quotidien.
Nous devons reconstruire un mouvement anti-FN large et unitaire, rassemblant l’ensemble du mouvement ouvrier (associations, partis, organisations syndicales) ; développer les luttes quotidiennes pour l’égalité des droits au côté des sans-papiers, des migrantEs, contre les discriminations, pour une autre répartition des richesses, pour permettre à toutes et tous de travailler... Lutter durablement contre la lourde menace de l’extrême droite.
Mais il y a aussi urgence de reconstruire un parti pour les exploitéEs et les oppriméEs, pour représenter nos intérêts : reconstruire une perspective d’émancipation, pour porter le projet d’une société débarrassée de l’exploitation et de toutes les oppressions. L’espoir contre le désespoir...
Sandra Demarcq
* Hebdo L’Anticapitaliste - 381 (27/04/2017) :
https://npa2009.org/actualite/politique/la-percee-dangereuse-de-le-pen
Contre le FN, contre les politiques antisociales et sécuritaires qui le font monter, construisons la riposte
Le premier tour confirme ce que l’on sentait venir : une grande instabilité politique, une poussée à droite de l’échiquier politique, et une gauche délabrée.
Le Parti socialiste et Les Républicains sont expulsés du second tour. C’est une situation inédite, le signe de l’usure des partis qui ont géré les affaires de la bourgeoisie, fait passer les politiques antisociales. Par ailleurs, Macron, probable futur vainqueur, a recueilli les voix de seulement 18 % des inscrits. Propulsé au second tour de l’élection par les miracles combinés du « vote utile » et les scandales entourant Fillon, la légitimité de son pouvoir sera extrêmement réduite…
Cette élection met en lumière le caractère particulièrement antidémocratique de la 5e République. Alors que le parti sortant est laminé, que la droite est décrédibilisée par les affaires, ce système parvient tout de même à faire émerger un Président qui pourra utiliser le scrutin majoritaire pour obtenir une majorité à l’Assemblée. Et, comme par hasard, ce candidat rassemble toutes les orientations de la classe dominante : sponsor de l’Union européenne, précarité débridée, lien avec les milieux financiers...
La résistible ascension de l’extrême droite
L’autre événement est l’ampleur du score du FN. Il recueille 7,6 millions de voix, soit 1,3 de plus qu’en 2012... et près de 3 millions de plus qu’en 2002 ! Dans la confusion actuelle, il parvient à se présenter comme un « parti social », certains électeurs allant voter pour lui parce qu’il serait pour la retraite à 60 ans.
Pour nous, le FN est un danger mortel pour les libertés démocratiques, il est profondément antisocial et raciste. Le Pen est pronostiquée à 35 %, voire 40 %, au second tour, bien loin des 18 % de son père en 2002. Le pire reste sans doute la faiblesse des réactions dans la rue, y compris parmi la jeunesse.
Une gauche dévastée
À l’opposé, la gauche sort laminée de ce scrutin. Elle pèse moins de 30 %, soit moins de 10 millions de voix. Si les électeurs ont voulu sanctionner la politique de Hollande, le résultat n’est pas un déplacement vers la gauche : Mélenchon a réalisé une campagne très chauvine (« patriotique », dirait-il) et peu radicale, et les scores de l’extrême gauche sont extrêmement faibles.
Les partis traditionnels issus du mouvement ouvrier, le PS et surtout le PCF, qui regroupaient des dizaines de milliers de militantEs, sont quasiment morts… sans être remplacés par quelque chose de plus combatifs. C’est le reflet du recul du mouvement ouvrier, du rapport de forces.
Notre campagne, un écho plus important que nos résultats
Les scores du NPA et de LO sont très faibles, reflétant la difficulté actuelle pour les idées anticapitalistes. Beaucoup d’électeurs ont voté Mélenchon... tout en affirmant être en accord avec nos positions ! Cela même sans parler de tous ceux qui n’ont pas le droit de vote.
Nous avons au moins été utiles pour affaiblir Le Pen et Fillon, en particulier lors du grand débat du 4 avril. Des centaines de milliers de personnes ont apprécié notre discours de rupture avec le système. Nous avons aussi contribué à populariser la mobilisation en Guyane… où nous avons recueilli 5,24 % des voix ! Nous nous sommes tournés largement vers l’extérieur et avons commencé à reconstruire le NPA comme organisation militante. Mais la route reste encore longue !
Ces prochains jours...
La prochaine étape, ce sont les manifestations du 1er Mai contre le FN et les politiques libérales. Macron a déjà annoncé qu’il va gouverner par ordonnances pour casser encore plus le code du travail : il faut donc préparer dès maintenant la mobilisation du monde du travail contre sa politique.
Les politiques d’austérité, comme celles défendues par Macron, sont la cause de la montée du FN. Nous comprenons que, dimanche 7 mai, des électeurs vont utiliser le bulletin Macron pour battre Le Pen dans les urnes, mais nous ne considérons pas que l’ex-ministre de Hollande est un rempart à l’extrême droite. Pour faire reculer durablement le FN et ses idées, la mobilisation collective reste la seule solution.
Et après, un outil pour reconstruire
Plus largement, nous devons reconstruire les syndicats, les collectifs de mobilisation, les associations du mouvement ouvrier, qui permettent de retisser les solidarités, de développer la conscience de classe et les mobilisations dans l’unité.
Il faut aussi tracer la perspective d’un parti pour les exploitéEs. Nous ne sommes pas en dehors de l’inévitable discussion sur la recomposition à gauche. À toutes celles et tous ceux qui ont refusé de voter ou à qui on refuse le droit de vote, à celles et ceux qui ont voté Mélenchon en pensant faire un vote de rupture, à celles et ceux qui ont voté LO, nous tenons à dire que plus que jamais, nous avons besoin d’un parti qui représente nos intérêts, un outil pour nos luttes quotidiennes, pour en finir avec le système capitaliste, pour porter le projet d’une société débarrassée de l’exploitation et de toutes les oppressions.
Dans l’immédiat, pour nous, cela passe bien entendu par la construction du NPA et l’organisation de nouveaux militantEs. Pour lutter et changer le monde.
Antoine Larrache
* Hebdo L’Anticapitaliste - 381 (27/04/2017) :
https://npa2009.org/actualite/politique/contre-le-fn-contre-les-politiques-antisociales-et-securitaires-qui-le-font
1er mai : Reprendre l’initiative
Le premier tour de l’élection présidentielle illustre sinistrement la réalité de la situation sociale un an après la mobilisation contre la loi travail. Avec un parti représentant historique affaibli, le camp de la bourgeoisie se partage entre réactionnaires, anti-européens et libéraux à prétention moderniste...
La nécessité de défense des intérêts des travailleurEs est, elle, captée par un Mélenchon plus attaché à la Marseillaise et au drapeau tricolore qu’à l’Internationale et au drapeau rouge.
Autant que la crise politique que ce vote enregistre, c’est aussi, voire surtout, la profondeur des reculs sociaux et des renoncements des directions syndicales qui peuvent se lire dans ce scrutin. Au-delà des péripéties techniques et des évolutions politiques des directions syndicales, cela s’inscrit dans la même logique que la progression de la CFDT et de la CGC au détriment de la CGT, c’est-à-dire la prédominance dans de larges franges du salariat d’organisations syndicales qui affichent clairement leur volonté non seulement de dialoguer avec le patronat mais aussi d’en partager les préoccupations et la nécessité des reculs sociaux. Même si la trêve sociale n’a jamais été totale, l’attentisme est dominant.
Des syndicats en retrait
La volonté quasi unanimement partagée de prise de distance avec les politiques ne répond pas aux questionnements qui traversent les organisations syndicales et les mobilisations.
FO a fait depuis longtemps de l’apolitisme un marqueur, pendant que les autres centrales soutenaient plus ou moins discrètement le PS. La seule prise de position politique franche a été celle de Nicole Notat, manifestement enthousiaste dans son soutien à Emmanuel Macron. Et pourtant ce dernier propose d’étatiser l’assurance chômage et le retour de la retraite à 65 ans...
En 2012, de nombreuses structures syndicales CGT (services publics, cheminots, énergie) s’étaient engagées dans un soutien visible à Mélenchon et, en janvier de la même année, le meeting confédéral organisé au Zénith avait longuement ovationné le candidat du Front de gauche. Entre deux élections présidentielles, le Collectif 12 avril/3A avait amorcé un début de confrontations « positives » entre organisations politiques syndicales, associatives, et avait porté plusieurs manifestations contre les politiques gouvernementales.
Rien de semblable dans cette campagne 2017 pourtant engagée au même moment que la mobilisation contre la loi travail. L’ensemble de la CGT s’est essentiellement engagé dans la dénonciation de la politique raciste, antisociale, du Front national et une mise en garde contre les projets d’Emmanuel Macron, présenté à juste titre comme responsable de nombre des attaques portées contre les salariéEs lors de sa participation au gouvernement Hollande.
Des prises de position problématiques
Plus étonnant encore, Martinez pouvait déclarer, dans les Échos du 16 janvier, que « Valls, Hamon, Macron, Mélenchon… Tous sont loin de la réalité du monde du travail », ajoutant : « Cette déconnexion est grave ». Une prise de distance liée au faible enthousiasme du Parti communiste dans cette campagne ?
Plus grave, le 18 janvier, Martinez, Montebourg et Mailly, au côté de Pierre Laurent, Michel Husson et Bernard Thibault, signaient un appel à la défense de l’industrie française : « Le développement industriel a besoin de salariés innovants, aux compétences reconnues, bien rémunérés, occupant des emplois stables et prenant une part active aux décisions. Seuls des salariés compétents et impliqués sont, en effet, en mesure de donner aux entreprises les capacités d’innover. Ici réside le compromis fondamental entre le capital et le travail sans lequel aucun développement n’est possible. » Du Lepaon dans le texte !
Du côté de Solidaires, si de nombreux militantEs sont engagés du côté de France insoumise, là non plus pas de consigne de vote en dehors du rejet du FN.
Le social, c’est aussi de la politique
Ainsi, moins de six mois après la fermeture de la séquence de la lutte contre la loi travail, l’ensemble des questions posées dans cette mobilisation semblent oubliées. C’est d’abord la nécessité impérieuse de passer d’une phase de manifestations à celle de grèves, prolongées, reconductibles, coordonnées, propres à bloquer l’économie. C’est, dans le même temps, la question de l’auto-organisation qui permet la prise en main de la lutte par les salariéEs eux-mêmes et de faire sauter les verrous bureaucratiques. C’est enfin, dans la foulée, poser les questions politiques : comment diriger la production, l’ensemble de la société, au bénéfice du plus grand nombre, et non pour celui des plus riches, et cela dans le respect de la planète.
C’est pourtant cette voie qu’il faut réemprunter, comme l’ont fait les GuyanaisES. C’est dans ce sens que doit se construire ce 1er Mai, première occasion de (re)commencer à mobiliser. Face aux volontés de construire un « front républicain » oubliant ou tentant d’effacer les responsabilités des unEs et des autres dans la dégradation de nos conditions de vie et de travail. Un 1er Mai dans lequel doivent être inséparables la dénonciation du Front national, du libéralisme, et la nécessité de construire sans attendre les mobilisations pour combattre les reculs sociaux, le chômage, le racisme. Un 1er Mai internationaliste, de lutte de classe.
Robert Pelletier
* Hebdo L’Anticapitaliste - 381 (27/04/2017) :
https://npa2009.org/actualite/politique/contre-le-fn-contre-les-politiques-antisociales-et-securitaires-qui-le-font