On l’a déjà écrit à plusieurs reprises : la relation entre Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent est étrange. Un jour, ils s’aiment. Un autre, non. L’observateur est perdu. Un personnage à gauche – qui connaît les deux hommes – a tenté d’éclairer le flou : « La vérité, c’est qu’ils ne se comprennent pas, ils sont différents. » Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ces derniers jours, l’incompréhension est totale.
Le dernier épisode débute le mardi 25 avril. Alors que Jean-Luc Mélenchon est silencieux après son joli score (19,6%), Pierre Laurent convoque la presse au QG du PCF, sur la place du Colonnel-Fabien. Le chef du Parti communiste – qui a soutenu la candidature de Mélenchon – souhaite surfer sur la vague de La France insoumise (FI) via un rassemblement lors des législatives. L’occasion est belle. Sauf que, pour le moment, le tribun ne répond pas à ses appels téléphoniques. Alors que le 24 février, à Paris, les deux hommes s’étaient affichés ensemble, après un déjeuner, pour prouver leur amitié au monde entier.
La bande de Mélenchon est surprise, sur le mode : « On a fait une campagne tout seul, comme des grands, et maintenant ils rappliquent. » Le lendemain, le directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon est face à la presse, au QG de La France insoumise, près de la gare du Nord. Il précise que tout le monde est le « bienvenu » à condition de respecter les règles : logo, programme et affiche identiques dans toutes les circonscriptions. Pas sûr que cela suffise : le PCF ne souhaite pas laisser son identité sur le bord de la route. La possibilité de voir s’affronter des candidats du Parti communiste et de La France insoumise est probable. « C’est fou, on risque de tout gâcher », peste un dirigeant de la place du Colonel-Fabien.
« Jouer le jeu de nos adversaires »
En coulisse, les téléphones sonnent. Les deux équipes se retrouvent le vendredi 28 avril. Ils discutent. Rien de neuf sous le soleil. Pierre Laurent le sait : l’accord entre le PCF et FI sera très compliqué, voire impossible. Il a dans sa besace un plan B : se désister au profit de la FI dans une quinzaine de circonscriptions si cette dernière en fait autant dans quinze autres. Les deux équipes laissent passer le week-end. Elles se retrouvent, une nouvelle fois, le 2 mai. Le PCF rêve de « grand rassemblement ». La France insoumise, elle, désire afficher son logo dans toutes les circonscriptions du pays et répète, une nouvelle fois, que tout le monde est le bienvenu. Ça bloque. Ça se crispe.
Le grand rassemblement s’éloigne. Les discussions tournent autour des désistements réciproques qui concerneraient 60 circonscriptions, soit 30 pour chaque équipe. La France insoumise ouvre ses portes et propose de son côté 52 circonscriptions. Ce qui veut dire que les deux formations s’affronteraient dans une très grande partie du territoire. Pierre Laurent prévient : « Si vous persistez dans votre refus, nous le regretterions vivement car cela nous conduirait, les uns et les autres, à présenter des candidatures concurrentes, ce qui ferait trop souvent le jeu de nos adversaires politiques. » Qu’importe.
« Nous dénonçons cette usurpation »
Ce jeudi, on a atteint le sommet. Un communiqué de presse de FI est arrivé dans les boîtes mail. Ça donne : « Le PCF cherche à semer la confusion chez les électeurs qui ont voté pour le candidat de La France insoumise en faisant croire que les candidats du PCF aux législatives ont le soutien de Jean-Luc Mélenchon. Il n’en est rien. Les seuls candidats qui ont ce soutien sont ceux validés par La France insoumise. » On se frotte les yeux et on continue la lecture : « En conséquence, nous exigeons du Parti communiste l’arrêt immédiat de l’utilisation de la photo de Mélenchon ainsi que de tous les éléments graphiques appartenant à La France insoumise… Nous dénonçons cette usurpation et nous décidons d’engager les poursuites judiciaires afin de faire cesser cette situation, puisque nos rappels à l’ordre répétés ne sont suivis d’aucun effet. »
Dans la foulée, la place du Colonel-Fabien réplique. Le porte-parole, Oliver Dartigolles, « ne comprend pas l’agacement soudain exprimé par Manuel Bompard de FI ». Pendant ce temps, des lettres échangées entre le PCF et La France insoumise fuitent dans la presse. Sur Twitter, les dirigeants des deux côtés se défendent. Il y a dix jours, Jean-Luc Mélenchon était près du second tour après une belle présidentielle. Aujourd’hui, il n’est toujours pas lancé dans la campagne des législatives alors qu’il se voit majeur dans la prochaine opposition. Une situation étrange.
Rachid Laïreche