Politis, l’histoire d’une crise
Politis du 23 novembre 2006
Denis Sieffert
Nous revenons ici sur la crise qui a secoué durement notre journal au cours des derniers mois. Et nous apportons certains éléments que nous n’avions guère eu l’occasion d’expliquer jusqu’ici. Nos lecteurs y comprendront que les difficultés ont d’abord été politiques avant d’être économiques. Et qu’elles ne sont pas sans rapport avec la crise d’Attac.
De nombreux lecteurs ont noté qu’il y avait comme un maillon manquant dans la chaîne de nos explications. On nous demande comment il se fait que l’équipe du journal ait découvert le péril, comme ça, un certain lundi 2 octobre, alors que, la semaine précédente, il n’était fait mention d’aucune difficulté économique. Pourquoi soudain cet appel à trouver un million d’euros en quinze jours ? Que s’est-il passé ? À cette question, nous avons répondu incomplètement. Nous avons indiqué que l’un de nos actionnaires, candidat à la reprise du titre à cent pour cent, s’est brusquement désisté le 1er octobre. Vrai. Absolument vrai. Et toujours difficilement compréhensible. Mais, nous demandent certains lecteurs, pourquoi fallait-il un repreneur si tout allait bien ? C’est évidemment une bonne question. Le désistement du candidat repreneur, en l’occurrence Thierry Wilhelm, a certes ajouté un élément de dramatisation à la situation. Mais ce désistement n’explique pas l’origine de la crise. Il n’en a pas été la cause puisque Politis était déjà en dépôt de bilan depuis le 8 août. Pourquoi donc ce dépôt de bilan ? La déjà longue histoire du journal (dix-huit ans) ayant été marquée par plusieurs dépôts de bilan, s’agissait-il d’une crise économique de plus dans une existence décidément chaotique ? Non ! La crise qui a affecté Politis cette fois est d’une autre nature. Elle a été provoquée, au minimum, par une coupable négligence. Au pire, par une stratégie visant à transformer Politis dans son contenu, et cela contre son équipe.
Avant d’en dire plus, rappelons que les premières difficultés apparues quelques mois après le lancement de Politis, en janvier 1988, ont résulté d’une classique sous-capitalisation. En outre, l’idée d’un journal à contre-courant de la pratique journalistique dominante, attaché au risque d’une certaine austérité au traitement de fond des problèmes de l’époque, écologiques, démographiques, Nord-Sud, plutôt qu’aux « petites phrases » ou aux aspects scandaleux, ne s’est pas imposée aussi vite que les fondateurs de Politis l’avaient espéré. Sans doute Politis était-il trop à contre-courant dans les années 1990, années fric, années paillettes, années Tapie...
Ce n’est qu’au tournant de la décennie, et de façon significative, que le journal a connu une spectaculaire progression. De 1999 à 2004, le nombre de ses abonnés a crû de 66 %, passant de 6 000 à 10 000, avant de connaître une période de stagnation et d’érosion conduisant à la situation actuelle. L’entrée de Thierry Wilhelm dans le capital de Politis, en 1998, puis celle du Monde diplomatique, en 2000, ont évidemment été salvatrices. Ce sont ces interventions qui ont permis ce développement. On les doit en partie à l’action de Jean-Pierre Beauvais, directeur général depuis 1997. Cette percée est évidemment aussi en rapport avec l’émergence du mouvement altermondialiste, et notamment d’Attac, dont Politis fut un membre fondateur, à l’initiative de Bernard Langlois, de Gérald Ryser et de moi-même. Mais ces trois-là n’ont jamais pensé que Politis avait vocation à être le « journal d’Attac », et moins encore celui d’un clan au sein d’Attac. C’est hélas cette conception que l’on a tenté de nous imposer, notamment, à partir de 2000, par de violentes interventions de la secrétaire générale d’Attac, Michèle Dessenne, au sein de la rédaction. Le paroxysme ayant été atteint en 2003, lorsqu’il fallut faire face à une tentative de débauchage de plusieurs journalistes « invités » à publier un numéro spécial de Politis consacré à Attac, et sous la responsabilité... de la secrétaire générale d’Attac. Le projet de faire Politis sans sa rédaction en dit long sur la volonté d’appropriation du journal, et accessoirement sur une certaine conception de l’indépendance de la presse. Le refus unanime de l’équipe a finalement découragé ces ardeurs. Le problème est que ce débat n’a jamais eu lieu. Les intentions du directeur général de Politis et d’une partie au moins de la direction d’Attac et peut-être seulement de sa secrétaire générale n’ont jamais été affichées au point de pouvoir être débattues.
Est-ce la déception ? Est-ce le sentiment que l’équipe de Politis serait décidément moins maniable que prévu ? Toujours est-il que le directeur général a ensuite donné nettement l’impression de se désinvestir de sa fonction pour s’impliquer bientôt à plein temps dans la direction d’Attac. Des négligences répétées et un absentéisme chronique ont alors lourdement pénalisé l’entreprise. Nous avons déjà eu l’occasion de le dire : à partir d’avril 2003, le directeur général a par exemple négligé de faire valoir les droits de Politis à des tarifs postaux préférentiels au titre de l’aide à la presse. À partir de septembre 2005, le manque à gagner sur ce seul poste budgétaire a représenté 6 800 euros par mois.
Cette période s’est aussi caractérisée par une inertie dans le domaine de la promotion. Notre responsable de la publicité, par ailleurs exempte de tout reproche, étant placée dans une situation intenable. Le seul mailing important planifié s’est achevé en fiasco. Un numéro d’actualité préparé par la rédaction le 4 novembre 2004 pour servir de support au mailing, et évidemment destiné à être lu dans la semaine, n’a été envoyé par le directeur général que... fin janvier 2005. L’opération s’est soldée par une perte de 48 000 euros. De même, la rédaction a dû prendre elle-même l’initiative de créer un site Internet, bousculant l’inertie du directeur général. L’attitude de ce dernier a progressivement fait naître un fort climat de méfiance, puis de défiance, de la part d’une rédaction qui n’a cependant jamais baissé les bras, ni même perdu de son enthousiasme.
Hélas, les différentes tentatives d’alerter les actionnaires sont restées sans suite. À l’exception de Thierry Wilhelm, qui ne possédait plus que 1 % du capital, les autres actionnaires de la SAS Politis sont restés de marbre devant les différents courriers que je leur ai adressés en tant que directeur de la rédaction. Un rapport d’audit qui leur a été livré à la mi-décembre 2005, et qui pointait les anomalies de fonctionnement et de gestion, n’a jamais fait l’objet d’une discussion. Les réunions qui devaient s’en saisir ont été brusquement annulées. Même les réserves émises par le commissaire aux comptes, fin 2005, portant sur 35 000 euros de dépenses inexpliquées effectuées par le directeur général, n’ont provoqué aucune réaction particulière, ni la moindre disposition pour redresser la barre. Loin de mettre en cause l’absence de gestion et l’absentéisme du directeur général, son implication permanente dans Attac au détriment de Politis, c’est la « ligne rédactionnelle » qui a été mezza voce incriminée. Cette inertie de l’actionnariat et sa bienveillance par rapport à une gestion qui apparaissait à l’évidence calamiteuse sont un autre sujet d’interrogations. On ne veut pas imaginer qu’elle se soit inscrite dans une attitude délibérée visant à mettre à genoux l’équipe de Politis. On préfère croire que l’actionnariat de Politis, très proche (à l’exception de Thierry Wilhelm) de la direction d’Attac, a tout simplement sous-estimé la gravité de la situation. Mais peut-être y a-t-elle aussi trouvé avantage. La voix de Jean-Pierre Beauvais (et donc de Politis) était acquise à la direction sortante dans les querelles internes d’Attac et cela en dépit du souci de neutralité revendiqué par l’équipe de Politis. Et Politis payait, de facto, un permanent à Attac. Quoi qu’il en soit, le principe était déplorable. Et le dommage considérable pour notre journal, en termes économiques : poids d’un salaire improductif, dépenses de représentation sans rapport avec l’activité de Politis, abandon de la gestion, paralysie totale du développement.
C’est pour se sortir de cette situation, qui nous conduisait inexorablement dans le mur, que nous avons, Thierry Wilhelm et moi-même, travaillé à partir de début 2006, à un plan de reprise, et souhaité revenir devant le tribunal de commerce. Nous avons ainsi anticipé une crise économique probablement fatale, ou qui nous aurait conduits vers d’imprévisibles aventures politiques. Puisque la voie qui nous était proposée était de « tenir en attendant la victoire de Ségolène Royal en 2007... » Une promesse qui s’est éclairée depuis que nous avons appris, ces jours-ci, que l’ex-secrétaire générale d’Attac avait rejoint le staff de la candidate socialiste. Faire de Politis le journal de Ségolène Royal, après avoir failli faire celui de la direction d’Attac, n’était guère, c’est le moins que l’on puisse dire, respectueux de la rédaction ni de nos lecteurs. Mais à quelque chose malheur est bon. Le bilan de cette crise incite paradoxalement à l’optimisme.
En dépit d’une gestion défaillante, d’une inertie totale, le journal est parvenu à limiter les pertes. Différents signes (réunions publiques, conférences animées par des journalistes de Politis) ont témoigné d’un potentiel de développement inexploité.
Notre confiance s’appuie aujourd’hui sur trois données objectives. La première, la plus spectaculaire, réside dans le succès considérable de la souscription lancée dans les conditions difficiles que l’on sait. En plus de l’immense élan de solidarité qui a été relayé par de nombreux médias dont certains, comme l’hebdomadaire Marianne, ont directement contribué , plus de 7 000 souscripteurs sont intervenus dans un délai d’un mois. Au total, 968 000 euros ont pu être recueillis, notamment par l’association Pour Politis. En dehors de toute campagne d’abonnements, et alors que les lecteurs étaient sollicités par ailleurs, 350 nouveaux abonnements ont été souscrits au cours des mois de septembre et d’octobre. Les ventes en kiosques ont atteint leur niveau le plus élevé. Ce mouvement témoigne de l’attachement des lecteurs à leur journal, et de l’originalité qu’il possède à leurs yeux. Il donne la mesure d’un potentiel qui pourrait être exploité dans le cadre d’un suivi méthodique. Il répond accessoirement à ceux qui voulaient faire porter la responsabilité des difficultés sur la « ligne rédactionnelle ».
La deuxième donnée objective réside dans l’équipe elle-même. La rédaction et le personnel de Politis n’ont jamais cessé de livrer un journal de qualité malgré l’inertie de la direction générale. Ils n’ont jamais cessé de proposer des évolutions et des mutations malgré l’attentisme et les atermoiements. Dans le cadre du projet de reprise, qui est aussi un projet de relance, l’équipe a fait le choix de recourir le plus possible aux ressources internes. La création de deux demi-postes (modérateur web et communication) est indispensable pour parvenir à nos objectifs. Une cellule de gestion est organisée sans création de poste à partir de compétences sollicitées au sein de l’effectif.
La troisième donnée objective repose sur la perspective proche d’une période électorale, traditionnellement fertile en débats, et toujours féconde pour un journal comme Politis. Courant janvier, nous nous proposons de faire évoluer le journal pour en favoriser la lisibilité, puis de développer le site web afin de permettre à Politis de bénéficier de la place particulière qu’il occupe au cœur du mouvement associatif. Contrairement à leurs prédécesseurs immédiats, les nouveaux responsables (qui n’avaient jusqu’ici que des responsabilités rédactionnelles) sont engagés à plein temps dans Politis. Ils savent aussi pouvoir compter sur l’expérience et la confiance de Bernard Langlois, fondateur de Politis, qui nous a apporté un soutien inestimable tout au long de cette crise. Ils bénéficieront de surcroît du soutien logistique des actionnaires de la nouvelle société, dans le domaine de l’informatique, comme il a déjà été dit, mais aussi dans l’accompagnement de la gestion.
Gare cependant à l’effet d’optique. Beaucoup de nos lecteurs nous disent : avec un million d’euros, vous pouvez tenir longtemps. « Tenir » n’est pas pour nous, en soi, un objectif enthousiasmant. Nous voulons que Politis, journal indépendant, se développe pour mieux diffuser des idées, mieux défendre des principes qui sont les vôtres, lecteurs, et qui sont les nôtres ; mieux rendre compte des grands débats de société, et mieux vous informer. La somme collectée est déjà fortement ébréchée par la reprise du titre, autrement dit le tribut laissé aux créanciers. Ou, si on veut le dire plus crûment encore, le prix payé de la gestion antérieure. Ce qu’il en reste est notre nouveau capital. Il n’a pas vocation à être entamé au-delà des quelques investissements indispensables. Nous devons donc absolument, et le plus rapidement possible, arriver à l’équilibre. J’imagine ce que ce discours peut avoir d’incongru pour certains de nos lecteurs. Il ne s’agit nullement pour nous d’un propos mercantile ou d’une concession à l’idéologie de marché. Il s’agit d’une ambition politique, au meilleur sens du mot, pour assurer la pérennité d’un journal libre et lui permettre de faire entendre sa voix le plus loin possible.
Il ne fait aucun doute que la situation correspond mieux aujourd’hui à la conception défendue dès l’origine par Politis. De plus, Internet offre les moyens d’une relation nouvelle avec le lectorat, dont les fondateurs de Politis avaient eu l’intuition. Le lecteur de Politis est un citoyen actif. Il ne lit pas seulement ce journal pour s’informer. Il ne le choisit pas seulement parce que la pléthore d’informations qui nous submerge rend plus nécessaire que jamais un travail journalistique qui propose des clés de compréhension, une vision moins ethnocentriste des événements du monde ce qui est déjà beaucoup , il le choisit et le lit pour agir dans la société.
Archives
« Politis » frictions
En difficulté, l’hebdo accumule les griefs contre son directeur général.
Par Olivier COSTEMALLE
Libération du Jeudi 31 août 2006
Créé voila dix-neuf ans par Bernard Langlois, Politis se trouve « une nouvelle fois dans la tourmente », comme l’écrit sa Société des rédacteurs dans le numéro de cette semaine. Le journal, qui n’a jamais été bien riche, a déposé son bilan à la fin juillet. Il a été placé, le 8 août, sous administration judiciaire par le tribunal de commerce.
Avec 12 000 euros de pertes mensuelles, le journal, qui compte 14 salariés dont une dizaine de journalistes permanents, n’est pas si loin d’équilibrer ses comptes. Il souffre en réalité des « carences » de son directeur général, Jean-Pierre Beauvais, « mobilisé en permanence par des activités extérieures au journal », affirme la Société des rédacteurs. Selon elle, Politis « a besoin d’une politique de développement qui lui a fait cruellement défaut au cours des dernières années ». Comme si tout cela ne suffisait pas, l’hebdo subit aussi le contrecoup des bisbilles internes qui déchirent la direction d’Attac.
Car Jean-Pierre Beauvais (que Libération n’a pas pu joindre hier) siège, en tant que directeur général du journal, au conseil d’administration de l’association altermondialiste. Dans les affrontements de ces derniers mois entre la direction d’Attac et l’opposition interne, il s’est rangé résolument du côté des dirigeants (Jacques Nikonoff et Bernard Cassen). Politis s’est ainsi retrouvé catalogué dans le camp de la direction sortante, alors que la Société des rédacteurs tient à ce que le journal ne soit « le porte-parole d’aucun courant, et a fortiori d’aucun clan ». Pour elle, le risque d’être instrumentalisé est encore aggravé par le fait que le Monde diplomatique, dont Bernard Cassen est le directeur général, détient une participation indirecte dans Politis.
Soucieux de réaffirmer l’autonomie du titre, Denis Sieffert, directeur de la rédaction, et la Société des rédacteurs se prononcent, dans le numéro de cette semaine, en faveur du plan de reprise proposé par Thierry Wilhelm, un actionnaire minoritaire qui accompagne le journal depuis huit ans. « Ce projet assure à Politis son indépendance », estiment-ils.
médias télé
Politis en dépôt de bilan
L’Humanité du 31 août 2006
Sébastien Homer
Presse . L’équipe dénonce la gestion actuelle, et s’est trouvé un repreneur.
La presse - qui plus est lorsqu’elle est d’opinion - n’en finit pas de lutter contre les difficultés. Politis, en ce sens, est un véritable cas d’école. Depuis sa création, en janvier 1988, l’hebdomadaire, ayant frôlé la mort plus d’une fois, ne compte plus les dépôts de bilan. Dernier en date : celui du 8 août dernier qui a vu le tribunal de commerce de Paris placer le titre sous le contrôle d’un administrateur judiciaire, lui offrant deux mois de sursis, l’équipe plaidant en faveur de la montée dans le capital d’un actionnaire jusque-là minoritaire, vraisemblablement Thierry Wilhelm, histoire de voir l’avenir plus sereinement.
« Car, paradoxalement, notre situation est loin d’être mauvaise. Certes, dès l’origine, nous avons été sous-capitalisés. Mais, depuis quelques années, nous sommes sur une pente ascendante », souligne Denis Sieffert, directeur de la rédaction d’un hebdo tirant à 30 000 exemplaires et fort de plus de 10 000 abonnés. « Dans la presse, quand il y a dépôt de bilan, c’est dû à un problème de lectorat, explique Christophe Kantcheff, président de la société des rédacteurs. Or, pour nous, il n’en est rien. »
Et Xavier Frison, le délégué du personnel, de résumer : « Notre problème, c’est d’être un navire sans capitaine. » In fine, c’est la gestion du directeur général de Politis, Jean-Pierre Beauvais, par ailleurs vice-président d’ATTAC (association dont le titre est l’un des fondateurs), qui est pointée du doigt, comme cela a été fait par deux motions de défiance. « On a déploré, entre autres, que le nécessaire n’ait pas été fait pour que nous puissions bénéficier des tarifs postaux pour la presse », décortique Denis Sieffert. « Or, pour un titre fonctionnant principalement par abonnement, c’est vital, rappelle un ancien. Cela représente près de 2 000 euros par numéro. Une somme des plus conséquentes au regard de pertes mensuelles d’environ 12 000 euros. »
Au-delà, c’est « l’absence de projet de développement » que dénonce l’équipe, évoquant, entre autres, un site Internet en jachère ou l’absence de communication du titre. Pas question, toutefois, prévient-on, de « remettre en cause le contenu », comme l’aurait fait la direction actuelle, prônant, elle, une solution qualifiée en interne « de politique plus qu’économique ».
Pour le directeur général, Jean-Pierre Beauvais, se disant « en discussion pour faciliter l’intervention financière des amis du journal », « la question de la gestion ne peut effacer le fait que les difficultés que l’on traverse sont inhérentes à la presse d’opinion », estimant que « ce qui se passe en ce moment à ATTAC est déterminant pour l’avenir du journal », ne serait-ce parce que, d’après lui, « un tiers de nos lecteurs sont adhérents à ATTAC ».
Reste qu’entre lui et une équipe on ne peut plus attachée à son indépendance, le torchon brûle : « Il a fallu en passer par des rectificatifs lorsqu’il a cru pouvoir s’exprimer au nom de Politis, souligne un journaliste présent depuis l’origine. Or ce journal est un carrefour. Et Politis, c’est nous. Pas celui qui a été désigné comme gestionnaire. » D’ailleurs, la société des rédacteurs s’est fendue, dans l’édition d’aujourd’hui, d’un texte à destination de ses lecteurs. Pas un SOS comme le journal en aura lancé plus d’une fois au cours de son existence. Plutôt une mise au point où l’équipe explique, en avançant « compétences », « repreneur" et « projet » que « tout ce qui n’a pas été fait au cours des dernières années est aujourd’hui possible ». Réponse du tribunal le 8 octobre prochain.
Lettre de la société des rédacteurs et du personnel de Politis aux adhérents d’Attac
30 septembre 2006
La société des rédacteurs et le personnel de Politis ont décidé de s’adresser aux adhérents d’Attac pour porter à leur connaissance la manière dont le directeur général de notre hebdomadaire, Jean-Pierre Beauvais, par ailleurs un des responsables d’Attac, se comporte au sein de l’entreprise qu’il est censé gérer.
Censé, en effet, car il y a des mois que nous ne le voyons plus dans nos murs (hormis quelques rares apparitions furtives, de préférence en dehors des heures de travail de l’équipe pour ne pas avoir à rencontrer quiconque, ce qui, malheureusement pour lui, n’est pas toujours le cas). Jean-Pierre Beauvais se consacre à plein temps à la direction d’Attac alors qu’il est salarié de Politis.
Comme vous le savez peut-être, Politis est en redressement judiciaire depuis le 8 août, à la suite d’une déclaration de cessation des paiements.
Trois mois auparavant, les salariés de Politis avaient voté à la quasi-unanimité une motion de défiance à l’égard de Jean-Pierre Beauvais tant la gestion du journal leur paraissait pour le moins obscure et désinvolte, gestion sur laquelle il n’a jamais communiqué qu’avec parcimonie, retardant en particulier à loisir l’élection de délégués du personnel, ce qui montre son attachement réel aux règles de la démocratie interne dans l’entreprise et au droit du travail.
Dans cette motion de défiance, nous relevions notamment que Politis ne bénéficie pas des tarifs postaux préférentiels de la presse - ce qui correspond à un surcoût de 6 000 euros par mois - pour l’unique raison que Jean-Pierre Beauvais a négligé de constituer le dossier donnant accès à ces tarifs. Ce manque à gagner correspond à la moitié des pertes actuelles de Politis.
Cet exemple, emblématique, aurait pu être complété par d’autres. Ainsi, au début de novembre 2004, la rédaction d’un numéro avait été conçue et préparée pour soutenir un mailing promotionnel. Le mailing n’est parti que fin janvier, c’est-à-dire trois mois plus tard. Total des pertes de l’opération : 44 000 euros.
La déclaration de cessation des paiements sanctionne donc avant tout une piètre gestion. Mais il y a plus. Lors de la clôture des comptes 2005, le commissaire aux comptes a émis très officiellement des réserves. En clair, cela signifie qu’un certain nombre de dépenses - 30 000 euros pour être précis - ne pouvaient être alors justifiées par Jean-Pierre Beauvais. Aujourd’hui encore, le mystère plane sur la destination d’un certain nombre de retraits d’argent, effectués notamment avec la carte bleue du journal, avant la date du 8 août 2006. Une carte bleue que Jean-Pierre Beauvais a récupéré alors qu’elle lui avait été retirée par décision du comité de prospective de Politis.
Comme si tout cela ne suffisait pas, Jean-Pierre Beauvais continue à faire preuve de son mépris le plus profond pour les salariés de Politis. Non seulement il rechigne à fournir des documents indispensables à la constitution du dossier destiné au Garp, organisme chargé de payer les salaires de juillet non versés en raison de la déclaration de cessation des paiements. Mais Jean-Pierre Beauvais a également tardé à donner l’ordre de virement des salaires du mois de septembre, qui, ce samedi 30 septembre, n’est toujours pas effectué.
Cette attitude, que nous ne pensions relever que des pires aficionados du Medef, va entraîner un retard de paiement pour ce mois écoulé, d’autant plus insupportable qu’il s’ajoute au non-paiement des salaires de juillet et leur hypothétique versement par le dispositif du Garp qui dépend de la bonne volonté de Jean-Pierre Beauvais d’envoyer les documents sollicités par cet organisme.
Force est de constater que nous sommes là aux antipodes des idéaux de justice sociale portés par Attac. Il y a parfois loin entre les discours et les actes. Voilà pourquoi nous voulions attirer votre attention sur quelques comportements de notre directeur général, qui est aussi l’un de vos responsables. Une responsabilité que, comble d’ironie, il occupe au nom de Politis sans jamais procéder à l’ombre d’une consultation.
Avec notre très cordiale salutation,
La société des rédacteurs de Politis
Le personnel de Politis
Paris, le samedi 30 septembre 2006