Vous êtes candidat à l’investiture antilibérale pour
l’élection présidentielle. Quel apport vous distingue des
autres candidats ?
Patrick Braouezec. Ma démarche n’est pas de prétendre
incarner un « plus » vis-à-vis des autres postulants. Je
considère que nous avons besoin d’une candidature collective
de militants engagés dans des combats divers et reflétant
des expériences différentes, représentative des collectifs
locaux. Tout en étant capables de dégager, le moment venu,
un nom à faire figurer sur le bulletin de vote. Dans ce
cadre, mon expérience de maire durant quatorze ans de cette
ville populaire qu’est Saint-Denis peut enrichir utilement
cette candidature collective, tout comme celle que j’ai
acquise au sein d’organismes internationaux comme CGLU (1)
ou dans les forums sociaux. Un certain savoir-faire en
matière de démocratie participative et de travail avec les
quartiers populaires est aussi un atout pour renforcer ces
dimensions dans notre projet.
Deux candidats issus du PCF pour porter les couleurs du
rassemblement antilibéral, n’est-ce pas un de trop ?
Patrick Braouezec. Comme chacun l’a remarqué, je n’ai pas
brigué le suffrage des militants du PCF. J’estime que cela
n’a aucun sens, dans la mesure où il ne s’agit pas de
désigner un candidat du Parti communiste mais celui d’un
rassemblement qui va bien au-delà et dont la diversité est
très large, incluant des altermondialistes, des écologistes,
des socialistes, etc. Personne ne conteste évidemment la
légitimité de la présence du PCF qui représente quelque
chose de fort au sein du rassemblement. Celui-ci s’enrichit
des cultures des uns et des autres. Mais pour cette même
raison, la position de secrétaire nationale du PCF de
Marie-George Buffet pose un problème parce qu’elle ne
reflète pas de manière lisible cette diversité. Cette
candidature serait vécue au fond comme partisane et étroite.
De la même façon, je suis convaincu que ma candidature ne
peut être in fine retenue par les collectifs, du fait de mon
appartenance au PCF.
Vous envisagez donc de vous retirer d’ici le 9 décembre ?
Patrick Braouezec. La question ne se pose pas en ces termes.
Je suis candidat en tant que participant à la « candidature
collective » que j’évoquais à l’instant, et non comme
représentant unique de toutes les sensibilités. Nous
souffrons encore beaucoup d’un défaut de travail collectif.
J’apprécierai le moment venu si ma contribution est
souhaitable et souhaitée dans la suite du processus.
Comment interprétez-vous le retrait de la candidature de
José Bové ?
Patrick Braouezec. Il est le signe de ce manque de travail
collectif. Autant je comprends les arguments de José Bové
pour expliquer son retrait, que j’espère provisoire, autant
il est regrettable, car une telle décision ne peut être
prise sans en avoir débattu avec les autres composantes du
rassemblement. Nous avons besoin de lui, aussi je souhaite
qu’il réintègre la « candidature commune » même s’il ne
désire plus être désigné pour figurer sur le bulletin de vote.
Si ce n’est pas pour vous, pour qui envisagez-vous de vous
prononcer les 9 et 10 décembre ?
Patrick Braouezec. Je ne sais pas encore si j’exprimerai un
choix. Rien ne nous presse. À mon avis, si on levait cette
incertitude sur l’issue du rassemblement que peuvent
constituer ma candidature et celle de Marie-George Buffet,
et si un accord intervenait entre les différents candidats
et au collectif national pour désigner celui ou celle qui
nous représentera, l’attente d’unité est telle dans le
mouvement antilibéral que le nom qui en sortirait ferait
consensus.
Quel devrait être le profil du candidat pour incarner ce
rassemblement, selon vous ?
Patrick Braouezec. Ce qui a marqué notre pays ces dernières
années, c’est l’éclosion d’un mouvement social très fort qui
n’a pas trouvé de traduction électorale, à part dans le «
non » au référendum de 2005. Il faut se saisir de cet apport
pour franchir une étape supplémentaire en présentant une
candidature issue de ce mouvement syndical ou associatif
émergeant sur la scène politique, qui n’émane pas des partis
mais qui chemine avec eux.
Éliminer les candidats issus des partis, n’est-ce pas
mésestimer leur concours à la démocratie, et la contribution
du PCF au rassemblement en cours ?
Patrick Braouezec. Non, car une telle candidature pourrait
très bien s’appuyer sur un collectif présidé par
Marie-George Buffet, dans lequel les communistes se
retrouveraient pleinement. On ne mesure pas assez le
tournant historique auquel nous sommes confrontés. Le
mouvement antilibéral peut compter durablement dans les
années et les scrutins à venir. Toutes ses composantes en
seront bénéficiaires. En misant sur des liens transversaux «
en réseau » avec d’autres acteurs, plutôt que sur les
rapports pyramidaux dépassés que cultivent encore d’autres
partis, le PCF, loin de disparaître ou d’être englouti, en
sortirait renforcé et n’apparaîtrait que plus en phase avec
les enjeux politiques contemporains. J’ajoute que ce serait
le meilleur moyen de mettre la LCR devant ses
responsabilités, même si ce n’est pas le but de la démarche.
Si le PCF s’obstinait à imposer sa candidate, il est sûr
qu’Olivier Besancenot irait jusqu’au bout en solo et ferait
porter l’échec du processus au PCF.
Comment appréciez-vous la nouvelle situation créée à gauche
depuis la candidature de Ségolène Royal ?
Patrick Braouezec. Il est impossible d’envisager de
participer à un gouvernement ou à une majorité parlementaire
sur la base du projet du Parti socialiste. Mais il faut
resituer notre démarche dans la durée. Les élections ne sont
pas une fin en soi, elles sont un point d’appui pour aider
le mouvement social à prendre de la force et imposer des
transformations plus radicales. On peut alors imaginer une
participation à un gouvernement et sur la base d’un projet
différent. Mais il faut être clair. Lors des prochaines
échéances, notre devoir est de tout faire pour battre la
droite et l’extrême droite. La population souffre trop de la
politique gouvernementale. Le candidat de gauche présent au
second tour devra donc bénéficier de toutes les voix pour
l’emporter.
(1) Cités et gouvernements locaux unis.