CHRONIQUE. Au soir du second tour des législatives, dimanche 18 juin, tous les politiques s’en sont alarmés. Du premier ministre, Edouard Philippe, à François Baroin (LR) en passant par Marine Le Pen (FN) et Jean-Christophe Cambadélis (PS), ils ont pointé le taux astronomique de l’abstention : 57,36 %, un triste record sous la Ve République. Un chiffre qui écorne sévèrement la représentativité de l’Assemblée nationale.
Jean-Luc Mélenchon est allé plus loin, mettant en cause la légitimité de la majorité macroniste. Avant même d’avoir la confirmation de son élection, dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, le chef de file de La France insoumise (LFI) a vu dans cette « abstention écrasante » une « signification politique offensive » : « Notre peuple est entré dans une forme de grève générale civique. » A ses yeux, Emmanuel Macron n’a pas « la légitimité pour perpétrer le coup d’Etat social », à savoir la réforme du code du travail.
Mais les « insoumis » ont aussi été victimes de cette « grève civique ». Dans sa circonscription marseillaise, avec une abstention de 64,22 %, M. Mélenchon n’a été élu que par 19,96 % des inscrits. En Seine-Saint-Denis, où LFI a conquis sept circonscriptions sur douze, l’abstention s’est envolée : 67,78 % dans la 1re, 70,48 % dans la 2e, 70,38 % dans la 4e, 60,32 % dans la 7e, 68,57 % dans la 11e. Conséquences : Eric Coquerel a été élu par 15,52 % des inscrits, Stéphane Peu par 15,7 %, Marie-George Buffet par 16,28 %, Alexis Corbière par 21,36 %, Clémentine Autain par 17,49 %.
Bouderie des urnes
Dans la 6e circonscription de Paris, l’abstention (50,14 %) a été moins élevée qu’au niveau national mais elle n’a pas empêché la candidate de LFI, Danielle Simonnet, d’être battue. Dans la Somme, l’« insoumis » François Ruffin a moins souffert de l’abstention (55,46 %) et a été investi par 22,93 % des inscrits. Dans le Puy-de-Dôme, le communiste André Chassaigne, à qui LFI avait opposé une candidate, s’en est mieux sorti. Avec une abstention de 50 %, il a été réélu par 30 % des inscrits.
La bouderie des urnes a aussi touché le Front national : Mme Le Pen n’a été élue que par 23,99 % des inscrits et Gilbert Collard par 22,28 %. Le record d’abstention a même conduit la CGT à douter de la légitimité de la majorité macroniste. En mars, après la perte de sa première place dans le secteur privé, elle avait mis en avant sa « victoire » (25,12 %) aux élections dans les très petites entreprises. Mais seuls 7,35 % des salariés avaient voté… Quand la défiance gagne du terrain à chaque scrutin, la « grève civique » n’épargne aucun acteur.
Michel Noblecourt