Contrairement aux affirmations souvent entendues, les nazis ne sont pas arrivés au pouvoir suite à à une victoire électorale mais grâce à un coup de force institutionnel, dans un climat de violence et de division de la gauche.
Ainsi lors des derniers élections de 1932, à la présidentielle du 13 Mars, Hitler a obtenu 30,1% et a été battu au deuxième tour par Hindenburg. Lors des législatives de Juillet 1932, au summum de sa poussée, le parti nazi a obtenu 37,4 % des voix mais lors des législatives de Novembre 1932 (les dernières élections libres), il retombe à 33,1% en perdant 2 millions de voix. La nomination de Hitler comme chancelier en Janvier 1933 ne doit donc rien à choix démocratique. C’est le début de la destruction des libertés, accélérée par l’incendie du Reichstag.
Le président de la République, le vieux maréchal Paul Von Hindenburg (86 ans), charge Hitler, chef du parti nazi, de former le nouveau gouvernement allemand.
Cette nomination fait suite à des tractations entre l’ancien chancelier conservateur Franz Von Papen et le financier Schacht, qui représente les nazis.
Von Papen et les conservateurs espèrent se servir du Führer nazi pour enrayer la menace communiste. Son parti est en effet selon eux en perte de vitesse. Le nouveau chancelier constitue un gouvernement largement ouvert aux représentants de la droite. Il ne compte que trois nazis, Hitler compris. Von Papen est lui-même vice-chancelier. Faute de majorité absolue au Parlement, Hitler paraît loin de pouvoir gouverner à son aise.
Course à la dictature
Avec une rapidité foudroyante et par des moyens tout à fait illégaux, Hitler installe sa dictature.
Dès le lendemain de son investiture, Hitler dissout le Parlement (Reichstag) et prépare de nouvelles élections pour le 5 mars 1933. Il trace tout de suite ce que son chef de la propagande, Goebbels, nomme « les grandes lignes de la lutte armée contre la terreur rouge ».
Les miliciens de son parti, les Sections d’Assaut (SA), terrorisent l’opposition pendant la campagne électorale et commettent 51 assassinats. Ils bénéficient de la position-clé de l’un des principaux lieutenants de Hitler, Goering.
Nommé ministre de l’Intérieur du principal État allemand, la Prusse, ce dernier en profite pour manipuler la police, révoquer les fonctionnaires hostiles et placer des nazis aux postes essentiels.
Hitler fait planer le spectre de la « révolution bolchevique » mais celle-ci tardant à éclater, il décide de l’inventer. Le 24 février, une descente de police au siège du Parti communiste allemand permet à Goering d’annoncer la saisie de documents annonçant ladite révolution ; ces documents ne seront jamais publiés.
Comme toute cette agitation ne semble pas suffire à rallier une majorité de suffrages aux nazis, ces derniers décident en conséquence d’organiser une provocation.
Le 27 février 1933, à Berlin, le Reichstag (Parlement) prend feu. Dans l’immeuble du Reichstag, la police se saisit d’un néerlandais communiste et en apparence déséquilibré, Marinus van der Lubbe. Il sera considéré comme responsable de l’incendie et exécuté.
Il semble en fait que le soir du 27 février, un détachement de Sections d’Assaut (SA) nazies ait emprunté un passage souterrain menant de la demeure de Göring au Reichstag et y aurait répandu des produits hautement inflammables.
La présence de Van der Lubbe sur place au même moment, allumant de son côté de petits foyers d’incendie, aurait été le fruit d’une coïncidence, à moins que des agents nazis ne l’aient poussé à la faute.
Vers la dictature
Dès le lendemain, le 28 février, Goering attribue l’incendie à un prétendu complot communiste et fait arrêter 4000 responsables du Parti communiste allemand. Le même jour, il fait signer par Von Hindenburg un « décret pour la protection du peuple et de l’État » qui suspend les libertés fondamentales, donne des pouvoirs de police exceptionnels aux régions (Länder) et met fin aux libertés démocratiques.
Un dirigeant communiste bulgare, Georgi Dimitrov, est présenté comme la tête du complot. Il est jugé mais échappe à la mort car le procès tourne au désavantage du régime.
Le 23 mars 1933 est ouvert près de Munich, à Dachau, le premier camp de concentration ; des opposants politiques y sont internés. Les nazis peuvent dès lors mener une campagne électorale qui mêle terreur et propagande, sans qu’aucun opposant soit en mesure de se faire entendre.
Malgré cette pression, les élections du 5 mars 1933 ne donnent aux partis nationalistes regroupés autour des nazis qu’une courte majorité au Parlement. Les nazis eux-mêmes obtiennent 17 millions de voix (44%). C’est encore insuffisant pour que Hitler puisse modifier la Constitution en sa faveur. Il lui manque la majorité des deux tiers.
Les sociaux-démocrates conservent 7,2 millions de voix et les communistes 4,8 millions de voix. Le Zentrum, parti catholique du centre, accroît pour sa part le nombre de ses électeurs et avec son allié, le Parti catholique du peuple bavarois, obtient un total de 5,5 millions de voix.
Le 23 mars, l’Assemblée se réunit à Berlin, à l’Opéra Kroll. Elle se voit soumettre par Hitler un « décret d’habilitation » qui prévoit de donner au chancelier un pouvoir législatif exclusif pendant quatre ans, autrement dit le droit de gouverner et de légiférer sans l’accord des députés.
Les sociaux-démocrates refusent le vote du décret. Hitler, à la tribune, les couvre d’injures. Mais le chef du Zentrum, Monseigneur Ludwig Kaas, agissant sans doute sur ordre du Vatican, convainc son groupe parlementaire de voter pour Hitler, contre la vaine promesse que celui-ci respecterait le droit de veto du président Von Hindenburg. Fort de la majorité indispensable des deux tiers, Hitler dispose dès lors d’un pouvoir dictatorial sur la plus grande puissance d’Europe continentale.
Dès le 31 mars, faisant usage du décret d’habilitation, Hitler dissout les Diètes (ou assemblées législatives) des différents États qui composent la République allemande, à l’exception de la Prusse.
Une première campagne contre les Juifs deux mois après la prise du pouvoir
Dès l’accession de Hitler, de nombreuses attaques et agressions eurent lieu dans toute l’Allemagne ; les militants nazis, les SA et les SS multiplièrent les agressions.
Le 1er avril 1933, les Nazis franchirent un cap et lancèrent la première action planifiée d’ampleur nationale contre les Juifs : un boycott visant les professions libérales et les commerces.
Le boycott fut présenté comme un acte de représailles et de vengeance contre la prétendue "Gruelpropaganda’ (histoires d’atrocité) que les Juifs allemands et étrangers, aidés par des journalistes étrangers, étaient censés faire circuler dans la presse internationale pour porter atteinte à la réputation de l’Allemagne nazie.
Le jour du boycott, les soldats des « troupes d’assaut » (Sturmabteilung ; SA) organisèrent des piquets menaçants devant les magasins, grands et petits, qui appartenaient à des Juifs, et devant les bureaux des médecins et des avocats. L’étoile de David fut peinte en jaune et en noir sur des milliers de portes et de fenêtres, accompagnée de slogans antisémites. Les inscriptions disaient « N’achetez pas chez les Juifs » et « Les Juifs font notre malheur ». A travers toute l’Allemagne, des actes de violence furent perpétrés contre des Juifs ; la police n’intervint que très rarement.
« Autodafé des livres »
La dictature hitlérienne organise, le 10 mai 1933, sur la place de l’Opéra, face à l’Université de Berlin, un « autodafé rituel des écrits juifs nuisibles ». 20.000 livres sont brûlés. Parmi les auteurs voués au feu figurent Heinrich Heine, Karl Marx, Sigmund Freud, Albert Einstein, Franz Kafka, Stefan Zweig, Félix Mendelssohn-Bartholdy. Les œuvres des artistes « dégénérés », tels Van Gogh, Picasso, Matisse, Cézanne et Chagall, sont par ailleurs bannies des musées.
Avènement du IIIe Reich
L’année suivante, le 2 août 1934, le vieux président de la République allemande, le maréchal Paul Von Hindenburg décède.
Hitler profite de sa disparition pour réunir les fonctions de président et de chancelier. Il proclame l’avènement d’un IIIe Reich allemand dont il se présente comme le Führer (guide en allemand), avec un pouvoir dictatorial.
MEMORIAL 98