Texte mis à jour le 31 août 2017
Au bas de cette page, il est possible d’accéder à un fichier plus détaillé en format pdf présentant, sous forme de trois colonnes, l’enchaînement depuis décembre 2010 des rapports entre :
– les mobilisations et les structures d’auto-organisation,
– l’action des organisations nationales syndicales, politiques et associatives,
– la politique suivie par l’appareil d’Etat issu de la dictature.
Ce qui suit ne concerne que la première année de la révolution.
Ejection de Ben Ali, gouvernement Ghannouchi 1, et Kasbah 1 (17 décembre 2010 - 27 janvier 2011)
Dans la foulée de l’immolation, le 17 décembre 2010, d’un jeune vendeur de rue à Sidi Bouzid, une vague de mobilisations s’étend à l’ensemble du pays. Le 14 janvier, Ben Ali prend finalement la fuite.
Un vaste mouvement d’auto-organisation au niveau local
Des comités de quartiers se créent pour faire face à la menace d’hommes de main de l’ancien régime ainsi qu’aux pillards éventuels. Ils se transforment en conseils locaux de protection de la révolution.
(Voir le texte n°2 de ce dossier concernant l’auto-organisation au niveau local en 2011 http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article41784)
La réaction engage la contre-offensive
Si le dictateur est parti, le reste de l’appareil d’Etat reste intact.
Et cela d’autant plus que le soulèvement ne franchit pas certaines limites : A Tunis, « Les foules font le siège du ministère de l’Intérieur, et du palais du gouvernement sans les investir ». (Bras et Gobe 2017)
Les notables de l’ancien régime sont fermement décidés à se maintenir en place aux prix de quelques concessions.
Leur projet repose sur deux axes complémentaires :
– La mise en place, le 17 janvier, d’une commission de réforme présidée par le juriste Yadh Ben Achour ;
– Un tour passe-passe institutionnel à l’issu duquel, également le 17 janvier, l’ancien Premier ministre reste en place et constitue un gouvernement provisoire dans lequel il octroie quelques ministères à d’anciens opposants légaux à Ben Ali, ainsi qu’à trois personnalités liées à la direction l’UGTT.
La riposte immédiate des partisans de la révolution
Dès le lendemain de la formation de ce gouvernement, des milliers de manifestants s’insurgent contre l’existence d’un gouvernement dirigé par des bènalistes.
Ont également lieu des attaques et incendies de commissariats, de recettes des Finances, de municipalités, de tribunaux et, surtout, de locaux du RCD.
Des structures syndicales dirigées par la gauche de l’UGTT appellent à des grèves, et contraignent la direction nationale a retirer, dès le 18, les trois ministres qui lui sont liés.
C’est dans ce contexte que, le 20 janvier, se regroupent au sein du « Front du 14 janvier », l’essentiel des forces politiques se réclamant du marxisme ou du nationalisme arabe.
Kasbah 1 (22 au 28 janvier)
A l’initiative de protestataires venus le l’intérieur du pays, un sit-in a lieu sous les fenêtres du Premier ministre (Kasbah1). La gauche de l’UGTT contraint la centrale à soutenir les sit-in.
Le 26 janvier, le Front du 14 propose la création d’un Congrès national de défense la révolution se substituant au gouvernement et à l’Assemblée (Bras et Gobe 2017 note 2)
Le 27 janvier au soir, les six ministres bènalistes partent du gouvernement, mais le premier d’entre eux reste en place, avec l’aval de la direction nationale de l’UGTT.
Le lendemain, le sit-in de la Kasbah est violemment dégagé.
(Voir le texte n°3 de ce dossier http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article41783)
Gouvernement Ghannouchi 2, CNPR, et Kasbah 2 (27 janvier - 27 février 2011)
Malgré la poursuite des mobilisations dont certaines sont réprimées, le pouvoir exécutif met un terme aux fonctions de l’Assemblée issue de l’ère Ben Ali en s’octroyant le droit de gouverner par décret-loi.
CNPR (11 février)
Le 11 février, 28 organisations s’étant opposées à l’ancien régime se regroupent au sein du CNPR (Conseil national de protection de la révolution).
– Celui-ci appelle notamment à la création de comités de protection de la révolution à tous les niveaux, régionaux et locaux, ce qui accélère leur essor.
– Incluant l’UGTT et Ennahdha, le CNPR reste à mi-chemin entre l’exigence d’une rupture franche avec l’ancien régime et une simple réforme de celui-ci.
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article41783
Se faufilant dans cette brèche, le pouvoir crée juridiquement la « Haute instance » (18 février).
Celle-ci revient en fait à élargir la commission de réforme présidée par Ben Achour. Un de ses premiers objectifs est de torpiller le CNPR en cherchant à y nommer certaines de ses composantes.
Kasbah 2 (21 février - 4 mars)
A l’appel de collectifs proches de la gauche du Front du 14 et de structures UGTT de l’enseignement secondaire, plusieurs milliers de manifestants occupent les kasbahs de Tunis et Sfax, avec l’aval de la centrale UGTT.
Le sit-in se dote de commissions information et organisation, et contrôle les entrées et sorties de la place. À l’intérieur du sit-in : cercles de discussion, orateurs, et chanteurs
Parmi les mots d’ordre des manifestants :
– la démission du gouvernement Ghannouchi 2,
– la dissolution du RCD et des instances parlementaires,
– l’élection d’une Assemblée constituante chargée d’établir une nouvelle Constitution.
Vers l’élection d’une Assemblée constituante
Un accord se réalise sur ce point entre le pouvoir et plusieurs composantes du CNPR, dont l’UGTT et deux partis Watad (Patriotes démocrates).
Son corolaire est l’absorption d’une partie du CNPR, dont ces trois organisations, au sein de la « Haute instance » dirigée par Ben Achour.
Dans la foulée :
– le Premier ministre Ghannouchi démissionne enfin le 27 février, pour être remplacé par Beji Caïd Essebsi, un autre notable de l’ancien régime, mais qui n’avait plus de rôle dans les structures étatiques depuis une vingtaine d’années.
– le sit-in de Kasbah 2 est levé le 4 mars
Gouvernement Essebsi et processus d’enlisement (27 février 2011 - 24 décembre 2011)
– Le gouvernement Essebsi dissout une partie des organes répressifs de la dictature et le RCD. Elles seront par la suite complétées par des mesures allant dans le même sens.
L’ampleur des mobilisations se réduit et leur répression se durcit.
– Le 17 mars, la Haute instance tient sa première réunion. Le CNPR et le Front du 14 éclatent entre les organisations acceptant de faire partie de la « Haute instance » et celles qui s’y refusent.
– Les 9 et 10 avril, une tentative de coordination nationale des comités de protection de la révolution hostiles à la Haute instance se termine par un échec.
– Le 23 octobre, la gauche subit une débâcle électorale, et Ennahdha remporte les élections.
Un premier cycle de la révolution tunisienne s’achève.
(Voir le texte n°3 de ce dossier http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article41783)