DOUZE JOURS A S’ORGANISER, DISCUTER, TISSER DES LIENS, BLOQUER…
LE MOUVEMENT POUR PRESERVER LE LIGNITE DE LA COMBUSTION DANS LES CENTRALES PREND DE L’AMPLEUR
Le 24 août au soir, 8 « doigts » [1] (cortèges) de la coalition « Ende Gelände » [2] sont partis en plusieurs vagues avec l’objectif commun d’atteindre par le chemins les plus divers différents points de la voie ferrée de Hambach, par laquelle le lignite est transporté jusqu’aux centrales situées à proximité. Mais c’est seulement au cours de l’action que l’objectif est apparu, après que la mine à ciel ouvert de Garzweiler eut été traversée ou contournée, la « tactique des doigts » obligeant les forces de police a étirer leurs lignes. D’autres actions ont leu sur d’autres sites d’extraction. (…)
Au matin du vendredi 25, un concert de percussions sur une des excavatrices de la mine marqua le lancement des activités et initiatives. Peu après, des grimpeurs-activistes de Robin Wood bloquèrent la voie ferrée de Hambach, et le samedi matin les convois de lignite n’ont de nouveau pas pu circuler parce que le passage était obstrué par un fût en béton auquel des activistes s’étaient enchaînés. La journée suivante, sur le site de Garzweiler, l’activité a été perturbée par l’occupation d’un tapis convoyeur, puis dans la nuit la décoration d’une excavatrice avec une banderole. Pendant ce temps à Hambach, des activistes s’étaient attachéEs à un tapis convoyeur.
A chaque fois, la police a réussi à disperser les initiatives. Mais elles reprenaient à chaque fois aussitôt après. Le samedi, 1200 personnes ont convergé pour bloquer la voie de Hambach, tandis que (…) d’autres bloquaient les entrées de la centrale de Neurath, qui de ce fait a dû réduire sa production de manière significative.
Au même moment sur l’ancienne autoroute A4, pour l’action « ligne rouge contre le charbon », plus de 3000 personnes formaient une chaîne humaine d’un kilomètre. Avant, l’A4 traversait la forêt de Hambach, mais elle a été déplacée parce qu’il est prévu que l’extraction du lignite soit étendue vers le sud jusqu’aux abords du village de Kerpen-Buir. Les 10% restants de la forêt sont donc menacés.
Les participantEs aux blocages ont respecté strictement ce qui avait été décidé aur consensus : pas de dégradations ni de violences contre les personnes. Ce principe d’action, défensif, mais de désobéissance et de transgression des lois ressenties comme illégitimes, a connu un succès qui a dépassé toute attente. En même temps, le caractère très politique de la communication en direction des médias et de l’opinion publique ont permis de « trouver le ton juste », comme l’a dit une commentatrice.
Sur les 12 jours, plus de 6000 personnes ont participé aux actions. La première moitiédu temps fut consacrée à la « Degrowth-Sommerschule » [3] : cours de 4 jours, forums de discussion le soir, ateliers d’approfondissement, parallèlement à des groupes de travail supplémentaires.
Une véritable fourmilière donc, avec des invitéEs de tous les pays possibles. Les discussions, sur le fond ou tournées vers l’action, étaient toutes traduites en anglais, certaines même ont eu lieu directement en anglais, tellement le nombre de participantEs d’autres pays était important. Pour le week-end, des bus sont arrivés de Munich, Berlin, Cologne et d’ailleurs encore en Allemagne.
Le camp a été magnifiquement organisé, avec une parfaite maîtrise de la logistique. Il y aurait de quoi être pleinement satisfait sans cette ombre au tableau : le mouvement antinucléaire a parfaitement brillé par son absence.
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Le succès remarquable de cette mobilisation se mesure à différents critères :
1-le grand nombre de participantEs
2- les images qui en sont ressorties et la capacité à mettre réellement du sable dans les rouages du producteur d’énergie RWE.
3-le succès médiatique : dès le début la presse, y compris les journaux locaux à forte diffusion, manifesta de l’intérêt pour l’initiative. C’est le résultat d’un excellent travail de communication, alimenté par un large travail d’information et de discussion en direction de la population locale et des salariéEs de RWE. La presse a été invitée deux jours à découvrir le camp et les actions prévues, elle a pu aussi accompagner l’un des « doigts ».
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Le forum de discussion et d’échanges du dimanche 19 marque a été marquant : le camp climat y avait invité le secrétaire de district du syndicat BCE (Mines, chimie, énergie), Manfred Maresch, Janna Aljets de la jeunesse de BUND [4] (et l’une des porte-paroles de « Ende Gelände »), ainsi qu’un représentant de la population locale et de l’ »Institut pour le travail et la technique » de Bochum. Dans la salle des fêtes d’Erkelenz près de 300 personnes se pressaient, jeunes et vieux, salariéEs de RWE et militantEs engagéEs dans la protection du climat.
La question posée était : « le lignite, et après ? Quelle voie équitable pour y arriver ? ». Sur le fond, il n’y a pas eu de rapprochement : le syndicaliste a certes reconnu la nécessité de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, mais en défendant le lignite comme « technologie de transition ». Son horizon, c’est 2050, quand les dernières mines à ciel ouvert fermeront (le gouvernement fédéral parle lui d’arrêt en 2045). Sa principale préoccupation est que les capacités de production industrielle de l’Allemagne soient préservées ; il ne peut concevoir une transformation radicale dans ce domaine, et est donc amené à faire du mode de production actuel la condition du maintien de « notre enviable standard de vie », qu’il importe de défendre.
Cette position était clairement en minorité ce jour-là. La remarquable maîtrise avec laquelle le débat a été mené a évité la confrontation stérile de points de vue manifestement irréconciliables, pour au contraire en faire une « rencontre interculturelle » en pleine conscience des difficultés à se retrouver ensemble, mais sans pour autant renoncer à cet objectif. C’est ainsi que tous les participantEs, le syndicaliste y compris, se sont félicités de cette ambiance constructive dans laquelle la discussion sur les indispensables transformations des structures a eu lieu, et ont émis le vœu qu’elle trouve un prolongement. Trois jours plus tard, Maresch a demandé à être invité à un atelier du camp sur le changement régional, et les deux parties ont continué leur offensive de charme. Il confia même que l’accueil des militantEs pro-climat par les mineurs serait sans doute beaucoup moins chaleureux que celui qu’il a connu ici.
Plus grand-chose cette année de la brutalité avec laquelle les membres du BCE montraient le poing aux « pro-climat », en leur criant « Ras-le-bol ! » : le 25, BCE a organisé une réunion avec la participation de son président Michael Vassiliadis. « Ils ont le droit de protester, mais nous faire la morale et faire comme si les mineurs pêchaient contre le monde entier, ça ils n’ont pas le droit », s’écria-t-il en s’adressant aux participantEs du camp climat. Le dialogue est donc encore relativement unilatéral…
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Avant la table ronde de dimanche, les organisateurs avaient lancé une invitation à visiter le camp. Environ 25 habitantEs des villages alentour sont venus voir la cuisine, les chapiteaux, les expos, comment les enfants été pris en charge, l’alimentation en électricité par panneaux solaires et se sont informés du programme de formation et des animations . Enfin, autour d’un café et d’une crêpe bretonne, il y eut l’opportunité d’évoquer les actions de protestation des semaines à venir. Une autre visite le mercredi suivant a été proposée.
Les années précédentes aussi, les habitantEs de la région avaient été invités à toutes les manifestations. Mais cette année, l’initiative s’est révélée particulièrement fructueuse. L’intérêt réciproque et l’acceptation grandissante du camp tiennent également au fait que l’action « lignes rouges » du samedi était une action de masse fortement portée par des collectifs locaux, le BUND et des organisations non-gouvernementales et qu’elle a eu lieu parallèlement aux actions « Ende Gelände ». Cette collaboration est le fruit d’ échanges continus et croissants depuis un an, avec des actions répétées régulièrement comme les marches mensuelles en forêt de Hambach, mais aussi différents temps forts comme la première action « lignes rouges » en novembre 2016 ou la mobilisation lors de l’assemblée générale du fournisseur d’énergie RWE en avril.
Au final, la percée dans d’autres milieux et la mise en lien de la question du climat avec d’autres enjeux sociaux constituaient également une part du travail à accomplir sur le lieu même du camp. Une tente baptisée « Connecting movements » a donné l’occasion à chacun de lever le nez de son nombril et de trouver, où le féminisme, la question de l’emploi, de l’éducation, du climat et bien d’autres peuvent trouver des points de jonction.
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Les militantEs pour le climat ont réussi à faire de l’exigence d’une loi qui programme l’arrêt rapide de l’exploitation du charbon un éllément central du débat électoral. Il n’y a cependant aucune confiance à avoir dans les partis institutionnels : certes, Die Grünen réclament la fin du charbon et du diesel d’ici 2030, mais leur personnel politique présents dans les gouvernements régionaux, Winfried Kretschmann [5] en tête, leur ont mis des bâtons dans les roues et continuent à le faire.
Chez DIE LINKE, ce n’est pas vraiment différent quand ils participent à un gouvernement : leur groupe au Landtag du Brandenbourg a d’abord fait savoir qu’il approuverait la demande du SPD d’assouplir les objectifs de préservation du climat : il faut attendre de voir si l’accord entre le groupe brandebourgeois et la direction du parti selon lequel il n’y aura pas d’assouplissement des objectifs climatiques tiendra au delà des élections au Bundestag. Plusieurs sondages ont établi de manière répétée ces dernières années que la grande majorité de la population est pour la fin de l’exploitation du lignite.
Il ne reste donc plus qu’à maintenir la pression sur cette question par des actions petites et grandes. La prochaine échéance sera le sommet des Nations-Unies à Bonn (la COP 23, du 06 au 17 novembre). En amont, du 03 au 05.11, il y aura un grand week-end d’action avec plusieurs grandes manifestations et chaînes humaines prévues, une action « Ende-Gelände » (On ferme le site !) et un sommet alternatif (« People’s Climate Summit », du 03 au 07.11 [6]) ainsi qu’un sommet « justice climatique » de la jeunesse.
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Pour l’ISO, l’engagement dans les mouvements écologiques, anti-charbon prend de plus en plus d’importance. Cette année, c’est une vingtaine de camarades de l’ISO a participé aux journées d’actions dans le bassin du Rheinland. Quelques- unEs furent présentEs plusieurs jours au camp, d’autres sont venuEs de manière ponctuelle à certaines manifestations ou actions. Nous avions également invité Dianne Feeley de « Solidarity », (USA) et Marijke Colle de la LCR-SAP (Belgique).
Dans le cadre de l’école de formation, Dianne a animé un atelier sur le mouvement écologiste aux USA sous la présidence Trump. Marijke faisait partie des intervenantEs du forum sur les utopies (« A quoi une société post-énergies fossiles et post-capitaliste pourrait-elle ressembler ») avec plus de 170 participantEs. Le lendemain, ses contributions à l’atelier sur l’écosocialisme ont été bien appréciées. De 40 à 60 personnes participaient aux ateliers. Deux camarades de Kassel ont organisé en qualité de représentantEs du groupe d’initiative OKG (Organisieren– Kämpfen–Gewinnen [7]), un cours de quatre jours avec 20 participantEs. Dans un autre atelier, Klaus Engert a fait un exposé sur « Temps, accélération, changement climatique, et décélération » (« pourquoi nous devons nous hâter de ralentir »).
Le secrétaire du syndicat Ver.di en charge des salariéEs des centrales de RWE du secteur « distribution et retraitement des déchets » s’est vu interdire par sa hiérarchie la participation à un atelier du camp.De ce fait c’est un de nos camarades qui, pour l’atelier des « syndicalistes pour la préservation du climat », a présenté l’étude de Ver.di sur « une sortie de l’industrie du charbon socialement soutenable ». Cette étude avait été commandée suite au vote d’une résolution en mars 2016 pour l’arrêt le plus rapide possible de la production d’électricité à partir du charbon.
Quelques-unEs d’entre nous ont participé aux actions de « Ende Gelände », occupé la voie ferrée ou encore organisé un piquet. Le samedi de nombreux membres de l’ISO ont pris part à la chaîne humaine « ligne rouge » en forêt de Hambach.
Lors des prochaines réunions de notre commission « écosocialisme » et de sa coordination/direction nationale, , l’ISO décidera des formes de sa participation aux actions prévues pour la COP23 [8], de ce qu’il est possible de mettre sur pied en matière de critique de la « société de la bagnole », alors que le « Dieselgate » a jeté le discrédit sur l’industrie automobile et l’organisation des transports axée sur les véhicules individuels à un point jamais atteint en Allemagne, et de quelle façon il exst possible de donner à l’écosocialisme encore plus de poids au sein de notre organisation.
Le 4 septembre 2017
Angela Klein