Le bras de fer entre Madrid et Carles Puigdemont se poursuit. Samedi 28 octobre, malgré sa destitution la veille par le gouvernement espagnol, le président catalan a appelé ses concitoyens à mener « une opposition démocratique » à la prise de contrôle directe de la Catalogne par l’administration centrale madrilène. M. Puigdemont ne s’était pas exprimé depuis l’annonce de sa destitution, décidée vendredi dans la foulée de la déclaration d’indépendance proclamée par le Parlement catalan.
« Nous continuerons à œuvrer pour construire un pays libre », a-t-il assuré dans un court discours télévisé, enregistré à l’avance et diffusé samedi en début d’après-midi. La version écrite de l’allocution est signée « Carles Puigdemont, président de la Generalitat [gouvernement] de Catalogne », laissant entendre que l’ancien président catalan choisit d’ignorer sa destitution.
Pourtant, samedi matin, la Catalogne s’est réveillée sous tutelle. Dès l’aube, la destitution du chef de la police catalane, l’emblématique Josep Lluis Trapero, déjà sous le coup d’une enquête pour « sédition », a été annoncée au Journal officiel.
Le document annonce aussi que le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, et sa numéro deux, Soraya Saenz de Santamaria, prennent directement les rênes de l’exécutif catalan, en remplacement de Carles Puigdemont et de son numéro deux, Oriol Junqueras, destitués avec leur équipe. Samedi, Soraya Saenz de Santamaria doit réunir les secrétaires d’Etat qui seront chargés d’assumer les fonctions des gouvernants catalans.
Dissolution du Parlement
Près d’un mois après le référendum d’autodétermination, le Parlement catalan a adopté, vendredi, un « processus constituant » pour se séparer de l’Espagne, lors d’un vote à bulletin secret. La résolution déclarant l’indépendance a été adoptée par 70 voix pour (sur 135 députés), en l’absence de la plus grande partie de l’opposition, qui avait quitté l’hémicycle.
En réaction, le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, a annoncé, dans la foulée, la destitution de Carles Puigdemont, la dissolution du Parlement de la Généralité et l’organisation d’élections anticipées. La fermeture des « représentations » catalanes dans le monde a par ailleurs été annoncée.
« Le gouvernement a adopté ces mesures pour éviter la prise en otage inadmissible d’une majorité des Catalans et le vol d’une partie du territoire au reste des Espagnols », a plaidé M. Rajoy.
Vendredi soir, la nuit barcelonaise a été dominée par les indépendantistes et leurs feux d’artifice, sur la place Sant Jaume, fêtant le vote du Parlement. Mais la célébration a été de courte durée. L’annonce de la mise sous tutelle de la région a été accueillie par les huées des dizaines de milliers d’indépendantistes réunis à travers les villes catalanes.
Des anti-indépendantistes ont également manifesté dans le centre-ville de Barcelone. Certains d’entre eux ont attaqué les locaux de Catalunya Radio et fait face aux Mossos d’Esquadra, la police catalane, encore sous contrôle de la Généralité de Catalogne vendredi soir.
Samedi après-midi, plusieurs milliers de personnes ont manifesté, à Madrid sur la place Christophe-Colomb, pour l’unité de l’Espagne en criant « Puigdemont en prison ! ». Mais les rangs étaient bien plus clairsemés que lors des dernières manifestations pour l’unité de l’Espagne organisée par la Fondation pour la défense de la nation espagnole.
Barcelone isolée
Les conséquences de cette déclaration d’indépendance unilatérale de la Catalogne sont incalculables. Signe de l’inquiétude en Europe, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a souligné vendredi que l’UE n’a « pas besoin d’autres fissures ».
Dans la foulée du vote au Parlement catalan, la communauté internationale a clairement choisi le camp de Mariano Rajoy, se prononçant à l’unanimité pour le respect de l’Etat de droit.
Samedi, à Madrid, les partisans du maintien de la Catalogne en Espagne ont prévu de manifester. En face, les indépendantistes entendent bien rester mobilisés.
Vendredi soir, le petit parti d’extrême gauche, la Candidature d’unité populaire (CUP), qui avait résolument poussé à une proclamation immédiate de l’indépendance, a annoncé dans un tweet : « Nous continuerons à construire la République ! Nous ne nous soumettrons ni à l’autoritarisme de Rajoy, ni à l’article 155. »
Le Monde.fr avec AFP
* Le Monde.fr | 28.10.2017 à 08h52 • Mis à jour le 28.10.2017 à 17h10 :http://www.lemonde.fr/international/article/2017/10/28/la-catalogne-se-reveille-sous-tutelle-l-espagne-divisee_5207192_3210.htm
Le Parlement catalan amorce l’indépendance, Madrid destitue le président de la Généralité
La résolution engageant le processus de séparation d’avec l’Espagne a été largement adoptée vendredi. En réaction, Mariano Rajoy a convoqué de nouvelles élections.
La Catalogne s’engage sur le chemin de l’indépendance. Près d’un mois après le référendum d’autodétermination, le Parlement catalan a adopté, vendredi 27 octobre, un « processus constituant » pour se séparer de l’Espagne, lors d’un vote à bulletin secret.
En réaction, le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, a annoncé, vendredi en début de soirée, la destitution du président catalan, Carles Puigdemont, et la dissolution du Parlement de la Généralité.
A Barcelone, le vote du Parlement accueilli par des applaudissements
La résolution adoptée par le Parlement catalan constitue « la République catalane, comme Etat indépendant et souverain de droit, démocratique et social ». Elle a été adoptée, vendredi en début d’après-midi, avec 70 votes pour, 10 contre et 2 blancs. Les 53 autres députés membres de l’opposition sont sortis de l’hémicycle au moment du vote pour protester.
A la proclamation des résultats, les indépendantistes ont applaudi dans l’hémicycle avant de chanter l’hymne catalan. Des dizaines de milliers de personnes ont également exulté devant l’enceinte. Des hourras, des applaudissements et le cri « Indépendance » en catalan se sont élevés de la foule.
Mariano Rajoy destitue M. Puigdemont et dissout le Parlement
A l’issue d’un conseil des ministres exceptionnel, vendredi en début de soirée, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a annoncé les mesures qu’il comptait prendre en vertu de l’article 155 de la Constitution qui lui permet une mise sous tutelle de la région :
* destitution du président de la Catalogne Carles Puigdemont, de son gouvernement et du chef de la police ;
* dissolution du Parlement de Catalogne et convocation de nouvelles élections régionales le 21 décembre ;
* les ministères du gouvernement central assumeront les pouvoirs de l’administration catalane ;
M. Rajoy compte saisir le Tribunal constitutionnel pour obtenir la nullité des mesures adoptées vendredi après-midi par le Parlement catalan.
« Ce sont les premières mesures que nous mettons en marche pour éviter que ceux qui étaient jusqu’à maintenant responsables de [l’exécutif catalan] puissent poursuivre leur escalade de désobéissance », a expliqué M. Rajoy au cours d’une allocution télévisée.
« Nous les Espagnols avons vécu une triste journée, au cours de laquelle la déraison s’est imposée à la loi et a détruit la démocratie en Catalogne. »
A Madrid, le Sénat approuve la mise sous tutelle de la Catalogne
La réaction de Madrid n’avait pas tardé après le vote du Parlement catalan. Quelques minutes après le vote du Parlement catalan en faveur de l’indépendance, le Sénat avait approuvé, assez largement (214 voix pour et 47 contre), la mise sous tutelle de la Catalogne, en adoptant l’application de l’article 155.
Et en début de soirée, l’accord du Sénat qui permet l’application des mesures de ce texte a été publié au bulletin officiel, permettant à M. Rajoy de prendre des mesures très rapidement. Plus tôt dans la journée, il avait demandé au Sénat l’autorisation de destituer l’exécutif catalan, dont le président Puigdemont, en validant l’article 155. Il a justifié en ces termes « la destitution du président de la Généralité de Catalogne, du vice-président et des conseillers » du gouvernement, sous les applaudissements des sénateurs :
« C’est bien le président de la Généralité [Carles Puigdemont] qui a choisi [par son comportement] que le processus d’application de l’article 155 de la Constitution se poursuive. Lui, et lui seulement. »
Les sénateurs renoncent à la mise sous tutelle des médias catalans
C’était l’une des mesures les plus controversées de l’article 155 : la mise sous tutelle par le gouvernement espagnol des médias catalans pour garantir une « information fiable, objective et équilibrée ». Mais malgré le souhait du premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, les sénateurs ont écarté cette mesure par l’intermédiaire d’un amendement socialiste.
Les trois médias publics catalans, TV3, Catalunya Radio et l’Agence catalane d’information, comptant quelque 2 300 employés, avaient qualifié mercredi d’« ingérence inacceptable » cette tentative.
Par ailleurs, les sénateurs ont adopté un autre amendement supprimant un contrôle a priori par le gouvernement central des textes adoptés par le Parlement de Catalogne, jugeant cette mesure anticonstitutionnelle.
Carles Puigdemont poursuivi pour rébellion
Après la réponse politique, la réplique judiciaire. En début de soirée vendredi, le parquet général a annoncé qu’il poursuivra M. Puigdemont pour rébellion. Ce délit est plus grave que celui de « sédition », qui avait dans un premier temps été évoqué par le procureur général, et est passible de quinze à trente ans de prison.
Cette procédure pourrait « peut-être être élargie au reste du gouvernement catalan et au bureau des présidents » de l’assemblée catalane, a précisé le porte-parole du ministère public à l’Agence France-Presse.
Le Monde.fr avec AFP
* Le Monde.fr | 27.10.2017 à 11h47 • Mis à jour le 28.10.2017 à 07h17 :
http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/10/27/catalogne-mariano-rajoy-demande-la-destitution-de-l-executif-regional_5206748_3214.html